02 septembre 2016

Joyaux…


“… Je me souviens, enfant, lorsque je revenais en ville après un séjour à la campagne, j’avais l’impression de perdre physiquement mes ailes. C’était comme un rétrécissement de tout mon être, un sentiment d’exil, d’isolement, de fermeture. L’exil n’est pas simplement géographique, c’est aussi l’impression intérieure d’avoir perdu quelque chose d’essentiel. Et j’avais perdu quelque chose d’essentiel. Ces ailes étaient les ailes de la joie, des ailes magiques qui s’épanouissaient dès que je me retrouvais au milieu des arbres, des lacs, des rivières, des montagnes. Habité par cette joie, la nuit, la lune et les étoiles m’apparaissaient sous leur vrai visage, comme des puissances magiques qui s’ouvraient dans le ciel nocturne, et le soleil était une divinité. Un univers vivant, un univers de joie…

… Il n’est pas recommandé de faire des efforts pour aimer les autres. Cela entraine toujours une réaction de l’ego qui n’aime pas être contraint. Les anciens Tibétains, qui avaient beaucoup d’expérience dans ce domaine, savaient que le mental a une parenté certaine avec le chameau, dans la mesure où il fait exactement le contraire de ce que l’on veut… Ne faisons pas d’effort pour aller vers les autres. Changeons d’abord nos émotions, notre vision du monde, notre regard et nous changerons notre relation aux autres.

Nous savons qu’en ressassant une pensée de haine, elle finit par s’imposer et par générer un acte de violence. Selon un processus équivalent, en cultivant une pensée de joie ou de sérénité, en se la remémorant souvent, celle-ci finit par s’inscrire dans les couches les plus profondes de la psyché et par produire des actions ou des paroles bénéfiques pour les autres. Les pensées d’amour, de compassion, de joie, de sérénité, tracent comme des sillons dans la terre de l’âme. Elles arrivent à faire partie de notre être et à devenir des composantes de notre caractère et à modifier notre comportement.

C’est sur ce principe que sont basés les exercices proposés par le bouddhisme des origines.

Ces exercices se nomment “méditations sur les quatre joyaux” ou “les quatre sentiments illimités”. Le disciple qui désire pratiquer cette méditation commence par cultiver cette joie en lui. Il la fait naître et la développe dans le secret de son être. Pour cela, il peut se remémorer un moment de joie, le revivre de la manière la plus intense possible. Chacun de nous a un souvenir de bonheur qui demeure présent dans sa mémoire. (…) Une fois que nous avons évoqué ce souvenir, nous isolons le sentiment de joie de la représentation qui lui est associée. Seule demeure l’émotion, sans l’image qui l’accompagnait ou la provoquait. Cette dissociation est plus facile à réaliser que nous pouvons le penser.

Puis nous choisissons une personne qui nous est chère pour lui envoyer une pensée de joie bienveillante. Nous pouvons visualiser cette joie bienveillante comme une substance lumineuse qui entoure et baigne cette personne. On opère de même avec un être qui nous est indifférent ou un ennemi… Ce qui peut être plus difficile.

Finalement, nous enveloppons dans cette pensée de joie bienveillante tous les êtres, “tous ceux qui respirent, tous ceux qui existent”, les êtres attachés, pris par le désir, le plaisir, la soif de vivre, mais aussi les dieux et les habitants de l’enfer disent les textes bouddhistes. Le rayonnement de cette joie-compassion s’étend progressivement dans toutes les directions, l’est, l’ouest, le nord, le sud, le zénith et le nadir…”



Extraits de : “Petit traité de la joie” 2015 Erik Sablé.

Illustrations : 1/ “Paysage avec prairie” Kyriak Kostandi 1852-1921 2/“La jeune fille à la rose” Charles-Joseph Natoire 1700-1777.

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Changer notre relation au monde…
BVJ – Plumes d’Anges.
Source

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