04 juillet 2016

Brexit : conséquence du mépris


Plusieurs intellectuels ont signé un appel pour une renégociation des traités européens. L'un des signataires, économiste et antropologue belge Paul Jorion, explique à RT ses raisons.

RT France : Pourquoi avez-vous décidé de co-signer la tribune qui appelle à reformer l'Union européenne à la suite du Brexit ?

Il faut absolument renouveler la manière dont on conçoit l’Europe

Paul Jorion (P. J.) : Parce qu’il y avait une tentative de bonne foi de coordonner de manière un peu confédérale des opinions de gens qui sont de bonne volonté et d’opinions extrêmement différentes. On a essayé de faire un texte qui puisse être signé par des personnes dont les opinions sont fondamentalement différentes mais qui sont d’accord sur le fait qu’il faut absolument renouveler la manière dont on conçoit l’Europe au niveau des différents types de traités et qu’on ne peut pas continuer dans la voie qui est engagée. Il faut demander à ce que les cartes soient remises à plat sur la table et qu’on repense entièrement ce projet européen.

Lorsque David Cameron a lancé ce référendum, il n’a pas pensé une seconde qu’il y aurait un vote négatif

RT France : Le Brexit est-il une conséquence du mécontentement par rapport à la politique de Bruxelles ou par rapport à la politique interne de la Grande-Bretagne ?

P. J. : C’est ce que j’appellerais de la politique politicienne. Lorsque David Cameron a lancé ce référendum, il n’a pas pensé une seconde qu’il y aurait un vote négatif. De même pour Boris Johnson. Quand il s’est opposé à cela, lui non plus n’imaginait pas que le Brexit gagnerait. Ils n’ont pas pensé au courroux des populations européennes dans leur ensemble qui, chaque fois qu’on leur donnent la possibilité de manifester leur mécontentement, le manifestent. C’est toujours de l’ordre du vote de protestation. Cela s’oppose à différentes choses. C’est le mépris que l’on manifeste envers les électeurs qui se manifeste de cette manière-là, quand on lui demande son avis il dit non, quelle que soit la chose qu’on lui demande.

Quand les Écossais votent pour l'Europe, c’est essentiellement pour manifester leur opposition au gouvernement central britannique

RT France : On entend des appels à tenir des référendums similaires dans d’autres pays européens, notamment la République tchèque. Pensez-vous que l’on vit aujourd’hui la fin de l’Europe ?

P. J. : C’est une possibilité. C’est pour cela qu’il est très important d’appeler à une révision de la manière dont l’Europe est conçue. Effectivement, si on faisait un référendum maintenant dans l’ensemble des pays européens, la quasi-totalité des populations voteraient contre. Quand par exemple les Ecossais votent pour l'Europe, c’est essentiellement pour manifester leur opposition au gouvernement central britannique. Il ne faut pas multiplier les référendums, on connaît le résultat, il ne resterait plus rien. Tout cela éclaterait, Schengen, le marché au sein de l’Union européenne etc. Si vous demandez aux populations elles diront non. Il faut surtout comprendre que c’est un dégoût pour ce qui a été fait à la place de ce qui aurait pu être fait. Il faut donc travailler tout de suite à la reconstruction. C’est le sens de cet appel que j’ai signé.

L’Europe qu’on avait demandée n’est pas du tout celle qu’on nous a offerte

RT France : Il y a aussi des appels à construire une Europe plus forte, plus centralisée, avec son armée, une sorte de super-Etat. Pensez-vous que c’est une possibilité ?

P. J. : Oui. Il faut demander aux gens ce qu’ils veulent vraiment. On sait qu’ils ne veulent pas de ce qu’on leur a offert et qui était moche. Il faut maintenant se mettre d’accord sur quelque chose. Il est vrai qu’il n’y a pas de nécessité, du point de vue stratégique, que l’Europe soit toujours dépendante des Etats-Unis pour des décisions importantes de l’OTAN. Pourquoi pas créer une Europe comme elle a pu exister, mais pas simplement une Europe des marchands car on a vu ce que cela donne et c’est une Europe de la destruction de l’Etat providence. Ce n’est pas ce que veulent les gens au niveau de l’Europe. Je l’ai souvent signalé, je faisais partie d’un groupe de 15 étudiants que l’on avait invités à Strasbourg dans les années 1960 pour discuter avec nos aînés de l’Europe. L’Europe qu’on avait demandée n’est pas du tout celle qu’on nous a offerte. Maintenant on nous dit que l’on est anti-européens parce que l’on continue à maintenir le drapeau de cette Europe que l’on voulait faire en 1960.

RT France : Pensez-vous que votre appel et ceux des autres intellectuels sera entendu ?

P. J. : Oui, je crois qu’il sera entendu.

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