01 juin 2016

Ce ne sont pas les votes qui comptent mais ceux qui comptent les votes


Ça commence par un article du journal Le Monde du jour : « La victoire d’Hillary Clinton à la primaire démocrate de mardi au New Hampshire a confondu les instituts de sondages, à présent bien en peine d’expliquer comment ils ont pu se tromper aussi lourdement. » Évidemment, à lire ces dires, on s’enquiert de trouver une raison à ce désastre d’instituts de sondages. Comme d’habitude, on part vite sur de la prospective à la petite semaine, du type « les larmes d’Hillary l’ont rendue plus humaine », ou « les femmes qui ont voté pour elle se sont davantage mobilisées », etc., mais rien n’y fait. Impossible de comprendre le retournement d’opinion, avec de tels écarts de chiffres. Reste l’argent, qui rend tout possible : Romney, richissime, a pu ainsi s’offrir deux minutes de télé supplémentaires à la veille du srutin, sur toutes les stations du New Hampshire, ce qu’aucun des candidats autre que lui n’a pu faire. 

Les sondeurs ne peuvent s’être AUTANT trompés. L’affaire en rappelle déjà d’autres... tant les chiffres surprennent. "This election was regarded as do-or-die for Clinton, after most in the media had already written her off after her ’thumpin’ in Iowa. But Tim Russert just agreed with Brokaw and Matthews that ’this was the most stunning upset in the history of politics.’" Et ce d’autant plus que les sondeurs sont les mêmes qu’en 2004 qui annonçaient le succès de Kerry durant toute la soirée électorale. "Note : the Exit Pollsters used here were Mitofsky/Edison, the same ones who ran the infamous Exits in 2004 showing that, in state after state, Kerry should have won. They also later said their own polling was completely wrong"...

Mais avant d’en arriver là, il vaut mieux décortiquer... et tomber sur un site, qui en quelques tableaux Excel vous fait découvrir une étrangeté fondamentale du vote du New Hampshire : selon que l’on vote classiquement, avec bulletin papier et urne, ou selon qu’on vote avec une machine à voter électronique, les pourcentages changent... Clinton récolte 5% de plus de voix dans les comtés où on vote électroniquement. Obama, en sens inverse, en perd 3, avec ce type de vote. Chez les républicains idem : Romney est le grand gagnant des machines avec 7% de plus, le grand perdant étant... MacCain, grand gagnant final pourtant. Bref, la disparité est trop grande : tout se passe comme si les machines sortaient invariablement un autre résultat que celui attendu par les sondages... ou surtout que les bureaux de vote classiques. On en arrive même à penser que l’on y est allé un peu fort pour tempérer les résultats, surtout du côté de Romney, ce pasteur illuminé qui veut devenir président. Seuls Huckabee et Ron Paul se voient "descendus" de 2% de différence avec les comtés votant classiquement, de même que MacCain. Tout se passe donc comme si les machines votaient invariablement différemment, en favorisant certains plutôt que d’autres.

Le candidat républicain RonPaul fait remarquer une autre disparité intéressante : chez les républicains, il y a 7 candidats. Or, dans un bon nombre de villes, certains sont venus de loin voter pour choisir "other" comme case sur la la machine de vote : sur les 7, cela signifie que pas un ne leur plaît ? Dans la petite ville d’Hopkinton, sur 1491 votants, 160 sont pour "other" soit 10% du total ! Dans cette ville, McCain écrase tous ses adversaires et rafle 41,31% des votes, pour 24,48% des votes à Romney, les autres se partageant des miettes : Guiani 6,91, devançant Ron Paul crédité de 5,37 (Huckabee faisant 9,39). A Lisbon, sur 340 votants, MacCain fait 31%, Romney 13,82, Huckabee 17,35... mais les "other" atteignent 77 votes, soient 22,65 % ! Un des participants au forum fait remarquer que chez les démocrates, il y a aussi 617 votes sur "other". A Londonderry, il y en a 618 sur 5685, soient 10,87%. Un des participants au forum de Ron Paul chiffre même les "other" à un total de 5000.

Très bien, mais elles sont où ces fameuses machines ? Eh bien malheureusement un peu partout : le New Hampshire est un des Etats les plus équipés en machines électroniques de vote. 81% des votes du New Hampshire proviennent de machines. Toutes, ou presque, ont été préparées par LHS Associates, firme inconnue à ce jour basée à Methuen, dans le Massachusetts. La firme existe pourtant depuis 1972, fondée sous le nom de Lynn Haas Services, elle est ajourd’hui dirigée par John Silvestro.

Toutes sont des machines de Diebold Election Systems (devenue aujourd’hui la firme "Premier"), et du type Optical Scanner 1.94w, et aucune ne procure bien un papier indiquant que l’on a voté : mais si un candidat souhaite le décompte, il ne peut l’avoir autrement qu’en demandant à Diebold : les chiffres lui appartiennent, car logiquement, la machine gardant sur une carte mémoire interne que le vote a bien eu lieu. Un système facile à modifier et à hacker. A un point assez inimaginable, le fabricant laissant sérigraphié à l’intérieur de la machine le process à suivre ! La firme de Silvestro contrôle la préparation des cartes PCMCIA contenant les votes pour le New Hampshire et le Connecticut, le Vermont et une bonne partie du Massachusetts. Une aussi petite entreprise s’occupant d’autant de responsabilités prête à sourire : comment donc notre homme a-t-il pu obtenir les faveurs d’autant d’Etats ? Mystère. L’homme a de belles casseroles derrière lui pourtant. Son directeur des ventes (Marketing and Sales Director), Ken Hajjar, avait failli être emprisonné pour vente de drogue : condamné à 12 mois de pénitencier au Rockingham County Correctional et 2000 dollars d’amende, il n’avait pas fait sa peine après une intervention "politique". Il ne paiera que 1000 dollars au final. L’homme sera accusé plus tard d’avoir cherché à changer certaines cartes PCMCIA pendant une élection, en 2006. La scène se passait au Connecticut, où la secrétaire avait demandé qu’il soit déféré à la justice. En fait ce qu’ils vendent tous deux est floué et trafiqué, comme le montre une vidéo sidérante faite en présence du hacker Harry Hursti, venu démontrer à la cour du Connecticut le 19 septembre 2007, la vulnérabilité des machines en présence de John Silvestro qui fera alors tout pour le dénigrer. La vidéo est édifiante. Comme celle expliquant l’ensemble des dégâts aux Etats-Unis. Chez Diebold, on employait il n’y a pas si longtemps encore comme programmeur Jeffrey W. Dean, un ancien hacker aidé par un drôle de compagnon, John Elder, lui ayant fait 5 ans de prison pour trafic de cocaïne... Les machines du New Hampshire étaient donc "tempérées" par des gens assez peu respectables en définitive. Ne reste plus qu’à savoir par qui...

L’hypothèse la plus évidente de l’origine du traficotage est celle des républicains, tant les liens sont étroits entre le pouvoir en place qui lui doit son poste et la firme fabricante de machines à se faire élire, à savoir Premier, ex-Diebold. MacCain a de surcroît un vieux contentieux avec Bush, car Carl Rove avait tout fait en 2000 pour le flinguer politiquement. Les procédés employés avaient été immondes. Rove accusant successivement dans les médias MacCain d’être homosexuel, puis drogué pour finir par des enfants illégitimes (il a adopté une petite fille à l’étranger) ou même... pédophile. D’où le choix porté sur Romney, chargé aussi d’enlever des voix à MacCain, qui a donc dû réellement faire un malheur à cette élection. A une époque, on parlait même d’un ticket républicain associant Jeff Bush et Romney. Romney élu, Jeff Bush serait vice-président. En point commun la religion, les mormons ne déplaisant pas à Bush. Malgré le hic de la polygamie, dont s’est officiellement défait Romney pour la campagne officielle (alors qu’il est né dans une famille polygame, à Colonia Juarez, au Mexique, à Chihuahua).

Pour l’autre bord politique, c’est bien Obama qui est visé, les républicains, venant dans ce cas d’en faire leur adversaire principal, ont décidé de l’affaiblir au plus vite, lui préférant Hillary Cinton, qui face à un MacCain ou un Romney aurait moins de chance de l’emporter qu’un jeune décidé pas dénué de charisme. Un Obama qui vient d’avoir deux renforts de taille : une présentatrice télé de renom et un ex-candidat démocrate au titre suprême. Du côté républicain, deux ou trois coups de fil à Diebold, devenu Premier ("on change de nom car comme ça 5% de notre activité ne nous ramènera plus 100% d’ennuis" a dit son patron pour justifier ce fameux changement de nom), et l’on obtenait ce qu’on voulait obtenir. Un duo Romney-Clinton, devenu MacCain-Clinton. Pour l’Ohio, ça risque fort de ne pas se passer comme prévu, d’après ce que l’on sait déjà. L’élection américaine de 2008 sera encore lourdement entachée de fraude, car tous les secrétaires d’Etats chargés des élections n’ont pas le courage de Jennifer Brunner. En tout cas, une chose est sûre : dans le New Hampshire, le Connecticut, le Vermont et une bonne partie du Massachusetts, ça ne risque pas trop de voter Obama cette année. Ou plutôt, si ça vote Obama, dans un fief progressiste comme le Vermont, on ne risque pas de s’en apercevoir. Les quatre Etats ayant pourtant voté Kerry en 2004...

Reste un autre élément à prendre en compte, et il est plutôt surprenant : la natalité des Etats concernés. Un passionnant article nous explique qu’en effet les pratiques religieuses conservatrices fabriquent plus de bébés que chez les démocrates... Mais conclut l’auteur avec humour : "La démographie et son implacable constat nous disent une chose : Barack Obama a bien raison de chercher à séduire les jeunes électeurs." En tout cas, avant la fin de l’année, aux Etats-Unis, on pourra encore vérifier que la phrase "ce ne sont pas les votes qui comptent mais ceux qui comptent les votes" est la bonne. Je vous laisse découvrir de qui elle est. Vous l’avez compris, d’un grand démocrate qui s’y connaissait question élections avec des scores faramineux... et sans l’aide, à l’époque, des machines à voter !

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