04 janvier 2016

Panique : fermeture des Bourses chinoises


La Bourse de Shanghai perdait près de 7% au moment de sa fermeture, lundi. Les investisseurs s'inquiètent des mauvais chiffres de la production manufacturière.
Les autorités boursières chinoises ont dû se rendre à l’évidence. La quinzaine de minutes de suspension des cotations des Bourses de Shanghai et Shenzhen censée calmer le sauve-qui-peut général des investisseurs n’aura été d’aucun effet. Aussitôt réactivés les circuits boursiers, la panique repartait de plus belle. Face à des investisseurs qui n’avaient pour objectif que de vendre leurs actions tant qu’il est temps de minimiser les pertes, les autorités de régulation boursière de la seconde économie mondiale ont donc décidé de fermer pour la journée Shanghai et Shenzhen (une première). Celles-ci avaient respectivement cédé 6,86% et 8,22%. Le mécanisme de suspension des échanges, entré en vigueur lundi au premier jour de cotation de l’année chinoise, a pour objectif d’enrayer la volatilité des cours. Il n’a visiblement pas fonctionné.

Le scénario qui s’est joué lundi en Chine a un air de déjà-vu : celui de la spectaculaire débâcle de l’été dernier lorsque ces deux places financières chinoises ont connu plusieurs journées noires. Il montre aussi les limites des mesures prises par Pékin en juillet et qui visaient justement à éviter une nouvelle bourrasque financière : baisse des taux d’intérêt, injonction aux maisons de courtage les plus importantes d’investir une vingtaine de milliards de dollars sur les marchés chinois, histoire de soutenir les cours… Ou encore opérations de police lancées contre des ventes d’actions à découvert. En vain. La moindre mauvaise nouvelle dégénère en panique boursière. 
 
«Quand la Chine tousse, tous les autres marchés s’enrhument»

Lundi, ce sont les fameux indices PMI (Purchasing Managers Index) des directeurs d’achat des grandes entreprises publiés ce week-end par le bureau national des statistiques (officiel), puis par le groupe privé Caixin, chacun montrant un repli de l’activité manufacturière en décembre, qui ont inquiété les marchés financiers chinois. Caixin, qui calcule de façon indépendante son propre PMI, a annoncé un indice de 48,2 en décembre contre 48,6 le mois précédent. Or, un chiffre supérieur à 50 marque une expansion de l’activité manufacturière, tandis qu’un indice inférieur à ce seuil signale une contraction. Les investisseurs ont donc pris cette nouvelle comme le signe d’un ralentissement de l’activité chinoise. Inquiétude d’autant plus grande que Pékin annonçait au même moment une réduction de la valeur du yuan face au dollar, la monnaie chinoise passant sous la barre des 6,5 yuans pour un dollar pour la première fois en plus de quatre ans et demi, alors que la pression sur la devise ne cesse de s’accroître suite au ralentissement de la croissance.

Un peu partout, les grandes places financières mondiales subissaient lundi les tensions entre l’Iran et l’Arabie Saoudite. Mais l’écroulement chinois n’était pas étranger au gadin que se sont pris ces places. Lundi, à la mi-journée, Paris cédait ainsi plus de 2,5%. «Nous avons du mal à prendre la mesure exacte de ce qui se passe en Chine. Ce qui est évident c’est qu’on assiste à une baisse de régime de croissance. Et quand la Chine tousse, tous les autres marchés s’enrhument, notamment ceux des matières premières, ou encore ceux des valeurs de pays exportateurs vers la Chine», explique un analyste dans une salle de marché parisienne.

Et c’est justement cette question de fond qui taraude de nombreux économistes. Chacun y va de son interprétation. Il a ceux qui optent pour une crise financière profonde et qui estiment que l’euphorie des Chinois pour les marchés financiers de ces dernières années s’est transformée en une véritable bombe financière. Certes, cette dernière a fini par exploser, notamment l’été dernier. «Pour autant, la Chine ne connaît peut-être pas une situation de retour à la normale», suppose Christophe Destais, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii). D’autres, comme Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis, remettent en cause la fiabilité des données statistiques officielles chinoises relatives au niveau de croissance. A l’instar de ce dernier, la plupart des spécialistes internationaux jugent les chiffres officiels du PIB chinois très surévalués par rapport à la réalité. Officiellement, la croissance chinoise a été de 6,9% au troisième trimestre 2015. Mais les dirigeants chinois, comme les investisseurs, le savent : en dessous de 7% de croissance annuelle, la Chine est en risque Tiananmen. 
 
Place au secteur tertiaire

Pour éviter une grogne sociale, Pékin a absolument besoin d’une croissance rapide pour absorber et assimiler ses populations qui viennent des campagnes par dizaines de millions chaque année pour s’installer en ville. La Chine a donc besoin d’usines qui tournent à plein régime. Or, le compte n’y est pas, du moins sur les chiffres qui d’ordinaire permettent de corroborer ceux de la croissance. Comment la Chine peut-elle prétendre croître à près de 7% quand ses exportations et ses importations sont en baisse (de respectivement 3% et 18% en 2014) et que le niveau de consommation d’électricité ou encore des mouvements de transports de marchandises sur terre ou sur mer est sans rapport avec le niveau d’activité officiellement annoncé ? «Ce sont autant de questions que les investisseurs se posent de plus en plus. Et plus le doute est élevé, plus leur propension à surréagir à la moindre mauvaise nouvelle est forte», poursuit l’analyste financier parisien.

Il y a enfin ceux qui tempèrent le scepticisme autour des chiffres et qui estiment que la deuxième économie de la planète est simplement dans une phase de rééquilibrage de son modèle économique. Pour ces derniers, le modèle reposant sur les investissements colossaux de l’Etat dans les infrastructures (routes, nouveaux quartiers, ports, voies ferrées…) a permis une ascension spectaculaire depuis les débuts des années 80. Mais il a vécu. Place au secteur tertiaire, à son économie de service, au développement de son commerce, dont le modèle – à l’inverse de l’industrie – n’est pas gros consommateur de matière première et d’énergie, ce qui rendrait certains indicateurs caducs.

En attendant, la situation économique chinoise inquiète aux quatre coins du monde. Bien sûr, Pékin est parvenu hier à stopper la panique à un niveau de 7% de baisse des deux grandes places financières afin d’éviter des risques systémiques. Mais il se trouvait, lundi, des esprits critiques pour remettre en cause la fermeture prématurée des bourses de Shanghai et Shenzhen. Ces derniers estiment que ce choix pourrait se révéler contreproductif en aggravant la volatilité au lieu de la réduire. Lundi, le marché était surtout inquiet de la levée prochaine d’une règle récente qui empêche les actionnaires de vendre. En juillet dernier, le gouvernement avait décidé d’interdire aux actionnaires possédant plus de 5% d’une entreprise cotée de vendre des actions. Une mesure prise, elle aussi, pour tenter d’enrayer la folle débâcle des marchés à l’été 2015.

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