20 août 2015

Bikini, l'île paradisiaque empoisonnée empoisonnée...

 
Bikini : Louis Réard, qui tenait la boutique de lingerie de sa mère près des Folies Bergères et qui avait constaté que les femmes baissaient leur maillot de bain pour mieux bronzer, inventa le bikini et le présenta pour la première fois à Paris le 5 juillet 1946 à la piscine Molitor. Il déclara avoir choisi le nom de « Bikini » en référence à l'atoll du même nom sur lequel, cinq jours auparavant, avait eu lieu une explosion nucléaire. Il espérait que l'effet de mode de ce nouveau produit serait comparable à celui de l'explosion qui venait d'avoir lieu. (Wikipédia)

Mieux vaudrait reparler du "maillot de bain deux pièces" plutôt que du bikini, quand on connaît la scandaleuse histoire de l'île sacrifiée du même nom.

L'île paradisiaque empoisonnée

Messy Nessy
Traduit par le BBB


Nous savons tous que l'Amérique a effectué des essais de bombes nucléaires pendant la Guerre Froide, quelque part dans un endroit éloigné. Les dommages occasionnés sont probablement réparés aujourd'hui, n'est-ce pas ?
La photo ci-dessus de la belle île paradisiaque, classée comme l'un des premiers sites de plongée au monde, peut sembler idyllique, mais elle en fait le siège d'une réalité beaucoup plus sombre, l'histoire bouleversante d'une île cruellement volée à ses habitants et empoisonnée par des essais nucléaires qui ont très très mal tourné.


Le grand cratère laissé par l'explosion d'une bombe H américaine lors d'un essai

Les victimes de radiations de l'Amérique

Une communauté pacifique et soudée d'indigènes a vécu pendant plus de 2000 ans sur l'îlot paradisiaque perdu de l'atoll de Bikini, qui fait partie du groupe d'îles de la Micronésie dans l'Océan Pacifique. Après la seconde guerre mondiale, l'armée des États-Unis a pris contact avec les insulaires pour leur demander s'ils voulaient bien quitter temporairement leur île pour permettre aux États-Unis de démarrer des essais de bombes atomiques "pour le bien de l'humanité et pour mettre fin à toutes les guerres". Ayant subi auparavant l'occupation des japonais pendant les deux guerres mondiales, la passive communauté non-combattive, céda facilement en faisant confiance aux dires de leurs derniers visiteurs.


Le processus d'évacuation des habitants de Bikini commença en 1946 et pendant que les résidents emballaient docilement leurs biens, ils purent observer les 242 vaisseaux, les 156 avions, les 25.000 caisses du matériel d''enregistrement des radiations, les 5000 animaux qui serviraient à des expériences sur la radioactivité [rats, chèvres et cochons, note d'Hélios] et des milliers de militaires et civils américains envahir leurs maisons.


Entre 1946 et 1958, vingt-trois engins nucléaires explosèrent sur l'atoll de Bikini, dont l'un occasionna la plus forte explosion nucléaire jamais déclenchée par les États-unis, plus puissante que celle d'Hiroshima ou de Nagasaki.


L'une des premières bombes atomiques à exploser sur l'atoll de Bikini

La magnitude de l'explosion déclenchée en 1954, qui projeta des millions de tonnes de sable, de coraux, de plantes et de vie marine haut dans le ciel, fut complètement sous-estimée par les US et ce qui suivit fut scandaleux.


Des spectateurs VIP américains furent autorisés à observer à bonne distance le spectacle nucléaire comme si c'était un spectacle hollywoodien.


Une bombe H explosa en 1954 avec des effets trois fois plus puissants qu'anticipé.


Le vice-amiral William Blandy, son épouse et le contre-amiral Frank Lowry à Washington, célébrant les essais atomiques de l'atoll de Bikini en 1946. Blandy était aux commandes de l'essai.

Plusieurs îles distantes de 160 km de Bikini qui ne furent jamais averties ou évacuées et dont les habitants n'avaient pas été informés du rayon d'action de l'explosion, s'éveillèrent un matin en voyant tomber partout 5 cm de poussière radioactive, qui contamina instantanément leur eau potable. Inconscients de ce qui se passait, les enfants jouèrent dans la cendre et à la tombée du jour les îles furent saisies de panique car les signes d'exposition commencèrent à se manifester ; chute des cheveux, vomissements et diarrhées sévères. Il fallut deux jours pour que le gouvernement américain fournisse un traitement médical aux insulaires et les évacue.


Près de là, un bateau de pêche japonais avec ses 23 pêcheurs fut aussi exposé à la cendre grise dans les heures qui suivirent l'explosion, sans savoir que c'était la conséquence d'un essai de bombe à hydrogène. Les effets des radiations résultèrent en graves maladies et en morts dans la souffrance. L'accident inspira le film culte, Godzilla.


L'île, maintenant délabrée par les profonds cratères dus aux explosions, n'offrirait jamais plus de de garantie de salubrité pour que des gens y vivent, en dépit de ce qu'on leur avait fait croire.


Des cultures en cours abandonnées sur l'atoll de Bikini

Relogés en dépit du bon sens sur diverses autres îles, on laissa les habitants de Bikini mourir de faim, les aliments et l'approvisionnement en eau étant inadaptés. Touchés par la malnutrition et de mystérieuses maladies, leur combat déchirant pour rentrer chez eux se poursuivit pendant des dizaines d'années pendant que le gouvernement américain apportait une aide réduite au strict minimum, les déplaçant d'une île à l'autre comme des réfugiés vivant dans des camps temporaires.


Par un incroyable retournement de situation, les habitants de Bikini furent autorisés à retourner sur leur île dans les années 1970 après une déclaration de la Commission de l'Énergie Atomique décidant que l'île était "virtuellement exempte de radiations" et informant les insulaires que l'eau des puits et les aliments cultivés localement ne présentaient aucune menace pour leur santé.


Une maison abandonnée de Bikini construite pour le relogement dans les années 1970

Il fallut huit ans aux scientifiques pour découvrir et confirmer enfin qu'après leur réinstallation les résidents vivaient dans des "niveaux de radiations plus élevés qu'anticipés au départ".


On abreuva au début les habitants de messages contradictoires et on leur dit de simplement arrêter de consommer certains produits locaux car ils étaient contaminés par le sol empoisonné. Mais des tests conduisirent bientôt à découvrir que les 139 résidents vivant sur l'île montraient déjà des niveaux alarmants de radiations, bien au-dessus du maximum permis.

Une nouvelle fois, ils furent évacués de leur patrie. L'atoll de Bikini reste aujourd'hui à l'abandon, donnant l'aspect d'une étrange version paradisiaque de la catastrophe de Tchernobyl.


Un aîné de l'île parle de cette épreuve :

Nous avions le cœur tellement brisé que nous ne savions pas quoi faire. Mais nos îles étaient de nouveau déclarées empoisonnées. Les américains nous disaient que nous devions partir. Nous devions écouter ce qu'ils disaient parce que nous sentions que nous n'avions pas vraiment le choix. S'ils disaient qu'il n'est pas sain de vivre ici, nous devions partir, bien que nous détestions quitter les îles où nous étions revenus pour connaître la paix et le calme pour la première fois depuis plusieurs années. Nous leur avons même demandé si nous pouvions rester sur l'île Eneu et nous avions imaginé un plan entre nous pour tenter de vivre près de l'aéroport, mais ils ont dit que nous devions attendre pour qu'ils en sachent plus sur le poison avant que nous puissions rester quelque part sur l'atoll de Bikini. Et nous avons donc acquiescé à leurs désirs parce que nous savions que nous ne devions pas aller contre ce que disent les américains. Nous étions tristes, mais nous ne voulions pas créer de problème aux américains. S'ils disent de partir, nous partons.


Une large majorité d'habitants de Bikini vivent aujourd'hui sur la minuscule île de Kili, à bonne distance de leur patrie et ils reçoivent une rémunération du gouvernement américain pour leur subsistance.

Leur nouvelle petite île, Kili (en bas de la carte)

Un autre habitant parle des coutumes américaines adoptées en résultant du choix de leur île pour des essais nucléaires :

Tout ce que nous faisons aujourd'hui dans notre vie quotidienne implique une compétition. Si vous n'avez pas d'instruction, vous ferez partie des plus pauvres ; si vous avez une voiture et que quelqu'un veut s'en servir, il doit payer un loyer avant de pouvoir partir avec. C'est la façon de vivre américaine et aujourd'hui, nous, habitants de Bikini, comprenons parfaitement comment cela fonctionne… le phénomène perturbe beaucoup certains aînés qui se souviennent de ce qu'était notre vie à Bikini autrefois.

À ce jour, l'atoll de Bikini est toujours considéré comme totalement inhabitable par la Commission de l'Énergie Atomique, bien que marcher sur l'île ne soit pas dangereux. La radioactivité résiduelle de l'îlot est cependant toujours plus élevée que sur les atolls environnants des Îles Marshall et le principal risque radioactif proviendrait de la nourriture : manger des produits cultivés sur place, comme des fruits, pourrait ajouter une importante radioactivité au corps.

Les dangers de la radioactivité et les services limités de la zone obligèrent les plongeurs à rester pendant de nombreuses années à l'écart de l'un des sites de plongée au potentiel le plus remarquable du Pacifique. Aujourd'hui, ces sites, qui fournissent aux habitants de Bikini un revenu touristique bien nécessaire, sont devenus populaires depuis 1996 auprès de plongeurs aventureux.


Bateaux coulés près de l'atoll de Bimini

Le lagon recèle une plus importante vie marine qu'ailleurs, requins compris, en raison de l'absence de pêche et les vaisseaux qui ont coulé suite aux essais nucléaires augmentent la fascination du lieu.
Depuis leur premier exode de 1946 en lien avec le gouvernement US, le peuple de l'atoll de Bikini a entendu beaucoup de promesses, mais très peu ont été honorées depuis. L'expansion et la préservation de cette civilisation sans défense et pacifique ont été ignorées et jugées insignifiantes au bénéfice de la plus destructrice des causes. Les bévues sans nombre qui se sont enchaînées au détriment du peuple de Bikini ne peuvent se décrire que comme une embarrassante tache de l'histoire américaine.

Essai nucléaire de 1946 sur l'atoll de Bikini :


Essai de la bombe H de 1954 :


Ironiquement, les habitants de l'île et leurs descendants ont adopté le drapeau américain pour représenter leur patrie, se reliant aux États-Unis en raison de leur croyance que ce pays leur doit une importante dette. Le drapeau se compose de plusieurs éléments-clé géographiques représentant la tristesse de la perte de leur patrie.


Les 23 étoiles représentent les 23 îles de l'atoll. Les trois étoiles noires en haut à droite représentent les trois îles qui ont été endommagées matériellement par les explosions des bombes.
Le texte, MEN OTEMJEJ REJ ILO BEIN ANIJ, se traduit par "Tout repose entre les mains de Dieu". C'est la réponse que Juda, le chef des habitants de Bikini, a donné à l'amiral Ben Wyatt quand ce dernier a demandé aux habitants d'autoriser les US à utiliser leur île pour "le mieux-être de l'humanité".

Photos via David A. (scans de diapositives prises quand il était bénévole au Peace Corps, 1975-1977), Jan Kocian et via Bikini Atoll History
Vu ici

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