05 janvier 2015

2015 chaud bouillant : le monde d’après contre l’empire du Chaos

Les petites lueurs démocratiques surgies en Europe (Podemos, Syriza) suffiront-elles à illuminer une année 2015 menacée par la périlleuse confrontation entre un vieil empire occidental décadent et des forces émergentes qui ne s’en laissent plus conter ?

L’année 2014 aura été marquée par la brutale aggravation de la crise économique et financière mondiale et par la fuite en avant de l’Otan vers un dangereux chaos guerrier dont les métastases touchent désormais le continent européen.
Les masques statistiques euphoriques n’abusent plus que les gogos. La prétendue "reprise" continue à être financée par de la dette pour « une période considérable ». Les banques sont incapables de satisfaire à des stress-tests édulcorés. Les chiffres du chômage sont trafiqués par des radiations massives. La distribution de "food stamps" (tickets d’alimentation) bat des records aux États-Unis. Et plus alarmant encore, la courbe de la mortalité infantile US vient de repartir à la hausse [1].
L’État islamique en héritage : aux confins orientaux de leur empire, les maîtres du monde, venus semer à les entendre le Bien et la Démocratie, n’ont récolté que le chaos. Aux potentats régionaux détrônés succèdent les ravagés de l’État islamique qui sont aux États-Unis ce que Mr Hyde était au Dr Jekyll. Les atrocités médiatisées des uns ne valent-elles pas les bombardements à l’aveugle ou les pratiques tortionnaires enfin révélées des autres ?
Le cancer de la guerre frappe désormais aux portes du vieux continent européen : venue faire la nique à la Russie du vilain Poutine, l’Otan s’est pris les pieds dans le bourbier ukrainien après y avoir fomenté un coup d’État, sans manifestement maîtriser les moyens de le pérenniser.

Une course poursuite entre deux chaos

C’est donc une course contre la montre entre deux chaos, l’un "civil" (économique, financier, social), l’autre guerrier, qui se jouera en 2015. Une chose est sûre, aucune solution acceptable n’est à attendre des autorités politiques de l’empire. Paul Craig Roberts, qui connaît bien ce monde interlope pour l’avoir servi [2], est catégorique : les États-Unis sont plus que jamais aux mains d’un complexe militaro-industriel US va-t-en-guerre agissant dans l’ombre d’un président de comédie.

Le président Obama a perdu ce qui lui restait de pouvoir lors des dernières élections de mi-mandat le 4 novembre dernier. Les faucons néoconservateurs de Washington règnent en maîtres au sein de l’empire. Et ce ne sont pas leurs pâles vassaux européens, à l’image d’un Hollande déjanté et d’une Merkel ne sachant plus vraiment sur quels intérêts allemands danser, qui risquent de contrarier cette folle fuite en avant suicidaire.

Au point, juge Paul Craig Roberts, que le seul "espoir" restant est que le chaos économico-financier soit suffisamment rapide et retentissant pour couper court aux velléités de chaos guerrier.

« L’espoir vient de l’extérieur du système politique. L’espoir est que le château de cartes ainsi que les marchés truqués érigés par les décideurs politiques pour le bénéfice des 1% [de riches, ndlr] s’effondrent. »  
 
La recomposition géopolitique du monde

« Attachez vos ceintures ; 2015 sera un tourbillon opposant la Chine, la Russie et l’Iran contre ce que j’ai décrit comme l’empire du Chaos. »

Selon le journaliste brésilien Pepe Escobar, l’année qui s’annonce renforcera sans aucun doute une recomposition géopolitique houleuse du monde autour d’un nouveau bloc : l’Eurasie.

La politique de sanctions occidentales n’aura rien réussi de mieux que de ressouder les liens entre les pays émergents des BRICS et pourrait même être en train de conduire à un rapprochement entre ces derniers et un autre "puni" : l’Iran. Pour Pablo Escobar, le chaos est en passe de se retourner contre l’empire qui l’a propagé.

Une si fragile lueur démocratique en Europe

Face à ce paysage dévasté, on assiste en Europe à la montée en puissance de mouvements alternatifs portés par des opinions publiques exténuées après des années d’austérité destructrice. Podemos et Syriza paraissent en mesure de profiter en 2015 de scrutins opportuns dans leurs pays respectifs, l’Espagne et la Grèce.

Mais la tâche s’annonce ardue :

Les "amicales" pressions des "démocrates" officiels de Bruxelles contre ces empêcheurs de capitaliser entre soi sont rien moins qu’agressives et intrusives. On imagine sans peine ce que seront ces pressions si d’aventure les "indésirables" viennent à s’emparer du pouvoir. Angela Merkel a d’ores et déjà prévenu Alexis Tsipras que ce serait la rigueur budgétaire (allemande) ou la porte (de la zone euro).
Les vieux partis (communistes) de gauche du siècle dernier s’échinent à défendre les derniers lambeaux de leurs prés carrés électoraux contre ces nouveaux venus qui leur font de l’ombre. En Espagne comme en Grèce, Izqierda Unida et le KKE passent au moins autant de temps à cogner sur Podemos et Syriza que sur leurs gouvernants de droite.

Reste qu’en ces temps ténébreux, il me semble préférable de s’accrocher aux petites lueurs démocratiques qui passent, MÊME AU RISQUE DE SE TROMPER, plutôt que d’essayer de les éteindre prématurément comme s’y emploient avec un zèle mauvais les inévitables pisse-vinaigre. Allez, santé à tous les autres. M’est avis que cette année 2015 va être chaude bouillante.

Notes

[1] Lorsqu’il écrivit en 1976 son essai sur la décomposition de la sphère soviétique, "La Chute finale" (éd. Robert Laffont), Emmanuel Todd fonda sa prédiction sur le constat de l’inversion à la hausse de la courbe de mortalité infantile en URSS, considérant cet élément comme fondamental de la réelle santé d’une puissance. Or en 2014, la mortalité infantile US est passée de 5,90‰ à 6,17 (rappel France : 3,31 - source : Statistiques mondiales.com).

[2] Paul Craig Roberts, économiste et journaliste américain, fut sous-secrétaire au Trésor dans l’administration Reagan et est un des pères fondateurs des Reaganomics.


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