08 juillet 2014

Décomposition du Moyen-Orient


La personne qui est réellement en charge ces jours-ci de l’administration royale semi-momifiée d’Arabie Saoudite se donne certainement froid dans le dos à penser à Abu Bakr al-Baghdadi et son armée d’assassins psychopathes qui mènent l’assaut ici et là au travers de ce qui est à la manière d’autrefois de nouveau appelé le Levant. L’Etat islamique d’Irak et du Levant s’est lancé dans une orgie de crucifixions en Syrie le weekend dernier, leurs victimes étant pour la plupart d’autres militants islamiques pas suffisamment radicalisés, ou qui avaient folâtré avec le soutien des Etats-Unis.

Ces crucifixions envoient un message intéressant et complexe aux différents partis qui peuplent notre globe fracturé de toutes parts. Elles représentent un pas en arrière par rapport aux vidéos de décapitations, mais ont toutefois du mordant. Pour l’Occident chrétien, disons qu’elles réveillent le souvenir de récits culturels resté somnolent pendant plus d’un siècle. Voici le message que nous envoie le Levant : si vous pensez que les Romains étaient un peuple terrible… Dans l’esprit de la race humaine, voyez-vous, les souvenirs persistent.

L’Etat islamique d’Irak et du Levant a choqué le monde entier au cours de ces deux dernières semaines en ignorant complètement huit années d’efforts américains, plusieurs trillions de dollars et 4.500 soldats morts au combat pour faire de l’Irak un dispensaire docile de pétrole. Voilà qu’il nous annonce aujourd’hui que ses conquêtes forment désormais un califat, ou si vous préférez, une théocratie islamique. En ce sens, le mouvement du Levant surpasse en quelque sorte le parti républicain des Etats-Unis, qui a essayé d’établir quelque chose de similaire dans sa propre région du monde mais s’est retrouvé contrecarré par des Etats démocrates sur les deux côtes.

Pour en revenir à notre sujet de discussion, la presse (un autre terme singulier, je suppose) ne prête aucune attention à ce qu’il se passe avec l’Etat islamique d’Irak et du Levant dans les pays de la région qui ne se trouvent être ni l’Irak ni la Syrie. Je fais particulièrement référence ici à l’Arabie Saoudite, parce que les Américains semblent la percevoir comme un bastion impénétrable face à la folie sanglante qui s’empare du reste du monde musulman. L’Arabie Saoudite est, soulignons-le, le cœur de l’OPEP. L’Arabie Saoudite a su demeurer stable tout au long du tumulte qui n’a fait qu’escalader ces dernières décennies, et continue de pomper ses 10 millions de barils par jour telle la vache à lait de la ferme pétrolière d’importation des Etats-Unis.

Ou devrais-je dire semble rester stable, parce que l’administration royale saoudienne, ses souverains momifiés et ses princes séniles ressemblent de plus en plus à une monarchie Potemkine. Le roi Adbullah, qui a aujourd’hui 90 ans, est dit avoir été placé sous assistance respiratoire il y a déjà deux ans, ses frères et successeurs sont déjà morts, et les souverains d’autres clans arabes n’en peuvent plus d’attendre de voir lequel viendra chasser la famille de zombies de son trône. Pour rendre la situation encore plus difficile, les Saouds sont parvenus à sponsoriser une grande partie des attaques terroristes sunnites de la région (et du monde) en tant que grands ennemis des chiites – tel qu’ils sont représentés par le clergé politisé d’Iran.

Les évènements se succèdent à la vitesse de l’éclair dans la région et je serai intéressé de voir comment le tumulte se déplacera d’un point à un autre. Voilà qui représente une opportunité en or pour l’Etat islamique d’Irak et du Levant de mettre la famille Saoudienne devant le fait accompli concernant le nouveau califat – qui est vraiment responsable de ce nouveau royaume théocratique ? (Réponse : peut-être pas toi, Arabie Saoudite momifiée, partisane des Etats-Unis). Plus encore, que se passe-t-il dans les autres royaumes de la région ? Au Liban, par exemple, qui est depuis trois décennies devenu une sorte de destruction derby politique ? Le fondateur du groupe d’Al Qaeda en Irak, mouvement précurseur de l’Etat islamique d’Irak et du Levant, est le libanais Abu Mus‘ab al-Zarqawi – qui a explosé lors d’une attaque aérienne menée par les Etats-Unis il y a déjà des années. Le Liban est sous l’emprise du Hezbollah depuis dix ans déjà, et le Hezbollah est sponsorisé par l’Iran chiite, ce qui en fait un ennemi de l’Etat islamique d’Irak et du Levant. L’Etat islamique d’Irak et du Levant pourrait-il se tourner vers l’ouest pour tenter de s’emparer de Beyrouth, la perle de la Méditerranée (ou ce qu’il en reste) ? Je ne serais pas surpris de l’apprendre.

Et puis il y a la Jordanie, et son roi assez jeune, Abdullah. Un autre pion des Etats-Unis. Les images de crucifixion qui émanent de Syrie doivent le faire se sentir tout drôle. Et n’oublions pas la Syrie, où tout a commencé, et qui est aujourd’hui un état en décomposition. Et puis aussi cette mouche dans l’œil du vieux Levant : Israël.

Je trouve miraculeux qu’Israël soit jusqu’à présent parvenu à rester en dehors de ce marasme. Bien évidemment, le Hezbollah et l’Iran font partie de ses grands ennemis, Iran qui est aussi l’ennemi de l’Etat islamique d’Irak et du Levant. Dans cette région du monde, l’ennemi d’un ennemi est un ami – bien que j’éprouve des difficultés à imaginer Israël s’amouracher des psychopathes du mouvement du Levant. Mais qu’une chose soit claire : l’Etat d’Israël a la capacité de transformer n’importe quel autre territoire de la région en cendrier. Abracadabra : Guerre mondiale. Numéro Trois.

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