03 avril 2014

La règle du jeu


- "Revenez sur terre, M. Rearden ; vous n’êtes pas du genre à laisser les sentiments interférer dans vos affaires.

- Non, répliqua Rearden avec lenteur, c'est vrai. Aucun sentiment d'aucune sorte".

Ferris sourit : " Vous pensiez que nous ne le savions pas, susurra-t-il, roublard, comme pour en mettre plein la vue à un complice. Nous avons attendu si longtemps pour avoir quelque chose sur vous. Vous, les honnêtes gens, vous êtes un véritable casse-tête ! Nous savions qu'un jour ou l'autre vous feriez un faux pas et nous l'attendions.

- On dirait que cela vous fait plaisir.

- Il y a de bonnes raisons, non ?

- En fin de compte, j'ai bel et bien enfreint l'une de vos lois.

- Mais pourquoi croyez-vous qu'elles soient faites ? Nous voulons qu'on les enfreigne. Il va falloir vous mettre dans la tête que nous ne sommes pas des enfants de choeur, monsieur Rearden. Comprenez-moi bien : nous ne sommes plus à l'époque des beaux gestes. C'est le pouvoir qui nous intéresse, rien d'autre. Vous n'étiez que des amateurs à ce jeu-là. Alors que nous savons y faire et vous feriez mieux de le piger. Gouverner des hommes innocents est impossible. Le seul pouvoir d'un État, c’est de mettre les contrevenants hors d'état de nuire. Et quand il n'y a pas assez de contrevenants, on en fabrique. Il suffit de déclarer tellement de choses hors-la-loi qu’il devient impossible de vivre sans l’enfreindre. Qui voudrait d'une nation de citoyens respectueux des lois ? Que pourrait-on en tirer ? Mais si vous promulguez des lois qui ne peuvent être ni respectées ni appliquées, ni objectivement interprétées, vous fabriquez une nation de fraudeurs… Et là, il ne reste plus qu'à en récolter les fruits. Voilà la méthode, monsieur Rearden.

C'est la règle du jeu".

Extrait d'Atlas shrugged, d'Ayn Rand, les Belles Lettres, page 443.

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