18 février 2014

Inquisition : Dérive du droit pénal en France : criminalisation de la pensée

Tomás de Torquemada

C’est un fait, les libertés d'expression et d'opinion sont de plus en plus réduites par la multiplication des lois de censure. La loi Pleven par exemple (1972) a introduit le délit de provocation à la haine et à la discrimination. La loi Gayssot (1990) a créé un délit d’opinion sur la Shoah, ce qui est contradictoire avec le concept même de science, car la science remet en cause les certitudes précédemment acquises. Quant à la Halde, Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (2004), elle instaure une véritable police de la pensée. Ce qu'on demande aux juges français modernes, en définitive, c'est de punir non un crime, mais un péché.

Le droit ecclésiastique au Moyen Âge

Le théologien Pierre Abélard, au XIIe siècle, est le premier à avoir nettement distingué entre le péché et le crime. En effet, l’Église demandait que les candidats aux ordres soient « sine crimine ». Mais comme tous les hommes sont pécheurs, il fallait bien distinguer entre « crimen » et « peccatum ».

Or selon Abélard, le crime, qui peut être puni par un tribunal ecclésiastique ou civil, est un acte qui doit être externe et clairement nuisible pour autrui. Aucune loi ne peut punir un acte interne, une simple volonté moralement répréhensible ou une pensée mauvaise. Ainsi, même la simple préparation d'un crime n'est pas punissable. Il faut qu'au moins ait lieu une tentative, c'est-à-dire un acte externe, constatable.

Les fautes internes, qui concernent la volonté seule, ou même les fautes externes mais non manifestes, relèvent de la conscience et ne justifient pas l’exclusion du candidat à l’ordination. Tout péché n’est pas susceptible d’une accusation en justice, mais seulement celui qui se manifeste par un acte extérieur et qui cause un trouble grave. Par exemple, la non-exécution d'une simple promesse, encore que moralement blâmable, n'est pas suffisamment nuisible pour légitimer l'imposition de sanctions criminelles par un tribunal et donc une exclusion de l’ordination au sacerdoce.

Les péchés en pensée et les désirs intérieurs sont punissables par Dieu seul et relèvent de la conscience, du rapport avec Dieu, dans le sacrement de pénitence, incluant la confession. Abélard se fonde sur le fait que Dieu seul connait directement l’état d'esprit, les motivations et l'âme du pécheur. Le tribunal ne peut juger qu’à partir d’indices externes, en cas d’acte grave. Par conséquent, concluait-il, seuls les preuves matérielles doivent être examinées par les juges. Le reste appartient à Dieu et au secret de la confession.

Qu’en est-il aujourd’hui dans le droit pénal ?

Autodafé sur la Plaza Mayor de Madrid

Comme nous venons de le voir avec Abélard, les hommes ne doivent pas chercher à punir le péché, mais seulement le crime. Or les lois de censure opèrent un détournement du droit. Elles installent une sorte de dimension théologique ou superstitieuse qui fait régresser le pénal en deçà d'Abélard, dans un retour au péché délictueux. La Halde, la loi Gayssot ou la loi Taubira rétablissent le délit d'opinion, c'est-à-dire la criminalisation de la parole, qui relève en fait du péché seulement, comme une parole haineuse ou mensongère.

Ces lois ont en commun de sanctionner des paroles et non des actes. Mais alors comment prouver que des personnes ont bien subi un tort ? Qu'est-ce que la provocation à la haine ? Il s’agit d’un sentiment, comme l’amour, la joie ou la tristesse. Un sentiment est subjectif, il ne se voit pas et par conséquent ne se prouve pas. Les mêmes idées sur différents individus auront des conséquences différentes. Aucun lien causal entre une parole et un acte ne peut être démontré. Aucun caractère intrinsèquement nuisible ne peut être attribué à un propos.

La justice n'est donc fondée à se prononcer que sur un acte extérieur et sur son lien de causalité avec un dommage. Si on sort de ce cadre juridique, on entre dans la police de la pensée et le contrôle des esprits.

Sources :
Capucine Pekelman , Scandale et vérité dans la doctrine canonique médiévale (XIIe-XIIIe siècles).

Harold J. Berman, Droit et révolution. Traduction française Raoul Audouin, 2002.

Philippe Nemo, La France aveuglée par le socialisme, François Bourin, 2011.


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