27 février 2014

27 Février 1720 : La confiscation de l’or et de l’argent en France

La confiscation de l'or et de l'argent par la France au début du XVIII° siècle est une affaire peu rapportée par les livres d’histoire .. Cette confiscation fût l'œuvre du légendaire John Law (baptisé le 21 avril 1661 – décédé le 21 mars 1729)

Nous comptons à ce jour de nombreux travaux de référence au sujet de John Law, dont le plus vieux mais également plus célèbre est 'L'extraordinaire illusion populaire et la folie des masses' par Charles Mackay, dont la première édition date de 1841. Quelques détails extrêmement intéressants concernant les aspects de l'or et de l'argent sont disponibles dans un livre plus récent 'Millionnaire', de Janet Gleeson, paru en 1999.

Le brillant esprit mathématique de John Law lui donnait la possibilité, en calculant les cotes, de devenir très rapidement un spéculateur à succès et d'entraîner régulièrement la 'banque' dans ses jeux de cartes et de dés.

Ayant développé de nouvelles théories en opérations bancaires, en particulier l'implication de la monnaie papier en parallèle à l'or et à l'argent qui de son temps était un élément clé du système monétaire, il devança ses contemporains européens.

Law, Ecossais de naissance, finit par devenir Ministre des Finances en France, nommé par le duc d'Orléans, Régent du dauphin Louis XV ayant hérité du trône à un très jeune âge. Il fut également le fondateur et président de la Banque Royale et de la compagnie Mississipi.

La banque délivra de la monnaie papier, qui entra en compétition avec les pièces d'argent et d'or...... et c'est là toute l'histoire.

Ce court essai n'a aucune intention de réitérer l'histoire de l'apogée et de la chute de la célébrité du système monétaire de Law, pouvant être poursuivie à travers les travaux mentionnés ci-dessus ou ailleurs.


L'auteur désire uniquement ici se concentrer sur les mesures prises par Law, Ministre des Finances dans les années 1720, qu'elles soient de nature légale ou autre, afin de préserver son empire de papier monnaie face à l'or et à l'argent.

Law était tout à fait conscient qu'une perte de confiance envers le papier (billets de banques et actions de la compagnie Mississipi) déboucherait sur un rapatriement sécuritaire vers l'or et l'argent.

La suite d'évènements de 1719/20 présentée ci-dessous est issue du livre 'Millionnaire' de Janet Gleenson, référencé ci-dessus.

1. En décembre 1719, le prix d'une part de la compagnie Mississipi, ayant connu une bulle de 150 jusqu'à 10.000 livres, redescend à 7.500 livres.

2. Law offre alors aux actionnaires un dividende de 200 livres par part et le prix grimpe à nouveau jusqu'à atteindre 9.000 livres.

3. Les marchés s'étant ensuivis se développèrent à 15.000 livres, mais Law refusa tout crédit à des finances futures, après quoi ce prix chuta. Il révoqua ensuite son ban sur les crédits et le prix reprit quelque vigueur.

4. Les bureaux de vente de la compagnie ouvrirent leur portes à Paris afin de tenter d'éviter des ventes 'non-régulées' et de contrôler le marché.

5. Des 'primes', étant l'équivalent des actions que nous connaissons aujourd'hui, furent lancées avec un effet de levier de 10 à 1.

6. Les investisseurs vendirent leurs parts dans le but de s'octroyer des primes, faisant chuter le prix de la part de 10.000 à 7.000 livres.

7. L'or et l'argent physiques furent drainés des coffres des banques dans la mesure où les investisseurs, anticipant une fin de la bulle, vendirent leurs parts et se tournèrent à nouveau vers le physique.

8. Avant fin 1720, quelques 500 millions de livres en or et argent furent dirigées hors du pays, en direction de Londres ou ailleurs.

9. En France; l'inflation s'accentua et le prix des terres augmenta de près de 400% dans quelques régions. Le prix de base du pain augmenta lui de 500%, passant de 1 à 5 sous en l'espace d'un an.

10. Étant cependant favorable au marché libre, Law décida que le temps était venu de mettre en place une intervention des plus rapides.

Ø Law fit passer une loi bannissant l'exportation des pièces et lingots d'or et d'argent.

Ø Le public se tourna vers l'acquisition de diamants, de pierres précieuses et de bijoux afin d'échapper au papier (aux livres et aux parts).

Ø L'achat de diamants, de perles et autres bijoux, ainsi que le fait de les porter sur soi, fut ensuite interdit.

Ø Les investisseurs se tournèrent ensuite vers l'achat de vaisselle en or ou argent, ainsi que vers d'autres objets similaires.

Ø Fut ensuite imposé un ban sur la production et la vente de produits dérivés de l'or ou de l'argent, à la seule exception d'objets religieux.

Ø Le prix des croix et calices flamba, jusqu'à ce que leur usage se voit lui aussi interdit.

Ø Law annonça que la Banque Royale était sur le point d'être rachetée par la compagnie Mississipi au prix de 9.000 livres par part et ferma ensuite les bureaux de vente de la compagnie.

Ø Le prix des parts chuta de 9.500 à 7.800 livres.

Ø Le 27 février, Law ordonna la confiscation de tout l'or et l'argent possédé par le public en échange de livres papier, introduisant des mesures pénales en cas de refus.

Ø Des informateurs furent récompensés pour toute information quant aux rebellions éventuelles, et les agents du gouvernement se virent accorder le droit de fouiller toute propriété privée en quête d'or et d'argent.

Ø Quelque deux semaines plus tard, Law revînt sur sa décision, ré-ouvra le bureau de vente de la compagnie tout en maintenant le prix de vente à 9.000 livres. Il était urgent de vendre des parts afin d'acquérir des livres.

Ø Law donna naissance après plusieurs mois à un système monétaire entièrement basé sur le papier.

Ø Law était allé un peu trop loin et son support politique commença à se disloquer.

Ø Une vague conséquente de crime se développa alors que les pertes conduisaient vers la pénurie, la difficulté financière et la famine.

Ø En mai 1720, quelques 2,6 billions de billets de banques avaient déjà été imprimés.

Ø Law décida de réduire le prix de ses parts de 9.000 à 5.000 livres.

Ø La valeur des billets de livres se vît également réduite de 50%.

Ø Après trois jours de révolte, Law se résigna, et Orléans restaura la valeur des parts et des billets de banque à leur niveau précédent.

Ø Quelques jours plus tard, les limitations quant à la possession d'or et d'argent furent assouplies, mais personne n'en possédait déjà plus.

Ø Les pièces d'or et d'argent ne représentaient plus uniquement que 2% de la monnaie en circulation.

Ø Les pièces furent rationnées et le gouvernement organisa des incendies publics de billets de banques dans l'espoir de restaurer quelque confiance envers ces derniers, démontrant ainsi au public qu'il en réduisait la quantité en circulation. Il est inutile de préciser que tout ceci ne porta aucun fruit.

Ø Sur le marché des échanges internationaux, la livre sterling passa de 39 à 92 livres en l'espace de six mois.

Ø De grandes quantités de pièces de cuivre furent produites afin de remplacer le manque de pièces en circulation.

Ø Les banques, cependant, ouvrirent sporadiquement leurs portes à de longues files d'attentes de gens espérant échanger leur monnaie papier contre de l'or ou de l'argent.


Law finit par s’exiler.

Les points communs avec le système global de monnaie fiduciaire que nous connaissons aujourd'hui délivrent une vision d'ensemble sur l'ampleur que cette situation pourrait prendre au cours des années à venir.

L'on peut bien entendu s'imaginer que bon nombre des mesures entreprises par Law ne seraient pas acceptables de nos jours, mais un effondrement global du système monétaire pourrait entraîner bien des surprises.

L'histoire ne se répète que rarement, mais se prend souvent à rimer, pour paraphraser le fameux mot de Mark Twain.

'CAVEAT POSSESSOR CHARTA'

L'auteur désirerait remercier Janet Gleenson pour sa permission à utiliser des informations issues de son livre 'Millionnaire'.

Alan Leishman
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