18 septembre 2013

Barreurs de feu

Nuit et jour, le téléphone sonne chez ce grand savoyard au regard clair, pas moins de six appels quotidiens, de France, de Suisse, mais aussi d’Espagne, d’Italie, de Belgique, et même parfois des Etats-Unis. A l’en croire, René a un secret, « le secret », comme on a coutume de dire en Haute-Savoie, pour désigner le don des barreurs de feu : quelques paroles murmurées accompagnées de gestes discrets qui peuvent atténuer le feu des brûlures et accélérer la cicatrisation, parfois à des centaines de kilomètres de distance. Pour cela, René n’a besoin que du prénom de la personne et de la localisation de la zone blessée.
« Je ne peux pas dévoiler les secrets de l’intervention, mais je sais que je suis quelquefois surpris moi-même de ce que je fais et des résultats que j’obtiens », confie le « retraité », qui travaille essentiellement par téléphone, sans connaître le visage de ceux qu’il aide et sans rien leur demander en échange.
Comme tout secret qui se respecte, celui des barreurs de feu se transmet. René tient le sien de sa mère, qui l’avait elle-même reçu d’une grande-tante. Au-delà, la trace se perd. Les parents de René avaient une boulangerie-épicerie dans la Vallée Verte, à une trentaine de kilomètres du village où il habite aujourd’hui. Quand elle n’était pas occupée à tenir la comptabilité du commerce ou à prendre soin de ses enfants, sa mère « barrait le feu », grâce à des prières contenues dans « un paquet d’enveloppes » remis sans cérémonie à son fils René, âgé alors d’une vingtaine d’années. A l’intérieur, des mots écrits de sa main, que René recopiera à son tour lorsque les feuillets commenceront à s’abîmer.
Jusqu’au début des années 70, René Blanc emploie son don « à une petite échelle ». A cette époque, il commence à travailler à l’hôpital de Thonon. C’est une religieuse qui dirige les urgences. Un jour, un grand brûlé arrive en ambulance. René Blanc barre discrètement le feu, avant que le blessé reparte vers Lyon. Le lendemain, l’ambulancier demande à la religieuse : « Qu’est-ce que vous lui avez fait au petit hier ? Sur le trajet, il ne se plaignait plus. » Elle comprend vite que René est intervenu. Par la suite, elle fera souvent appel à lui, imitée par ceux qui lui succèdent à la tête du service.
A cette reconnaissance succède une renommée, venue sans que René ne s’en rende compte. Il y a environ cinq ans, une émission de la radio suisse romande le fait connaître. Une chaîne de télévision française prend le relais. Quelques heures après la diffusion du reportage, le standard téléphonique de l’hôpital de Thonon est saturé.

Un rôle qui est pour lui une obligation parfois pesante

Beaucoup appellent pour des soins, d’autres pour connaître les fameuses formules. Ceux-là se heurtent à un mur : « Je ne veux pas donner mon secret parce que j’y tiens et parce que je pense que si je le divulguais, il aurait peut-être moins d’effet. Quant à en tirer un profit, je n’en vois pas l’utilité, j’aurais peur au contraire que ça limite mes pouvoirs. »
Ce secret, ce sont des prières, « je me concentre énormément sur la personne que j’imagine et intérieurement, je dis quelque chose qui correspond à ce dont elle souffre. » Certains appellent lorsqu’ils sont brûlés, d’autres, en radiothérapie, lorsqu’ils reviennent d’une séance de rayons. « Je fais corps avec les personnes que “je soigne”, et à qui j’ai le plaisir d’ôter la douleur. Je sens profondément ce que les personnes ressentent.»
Responsable des services d’hygiène à l’hôpital de Thonon à partir de 1970, René Blanc a également été pompier volontaire pendant 35 ans. Jeune, il a été marqué par la vision de la souffrance, motocyclistes écrasés contre des arbres, restes humains ramassés près des rails du chemin de fer. Cela lui a « forgé le caractère ». « Toute ma vie, j’ai aimé le secours, dit-il. C’est une vocation, comme celle de religieux ou de médecin. »
Il se défend pourtant d’être l’égal de ce dernier. « Je ne conseille rien, je ne demande rien, je ne propose rien. Je me retire derrière le médecin. A chacun son rôle ». Un rôle qui est pour lui une « obligation », parfois pesante. Lorsque René veut échapper aux appels téléphoniques, il laisse derrière lui son téléphone. Récemment, raconte-t-il, « je suis parti à Saint-Etienne avec un ami, j’ai laissé mon portable à ma femme, eh bien, ils ont appelé sur celui du copain. » Il arrive qu’il en ait marre, après une journée particulièrement chargée. « C’est comme une bonne course en montagne. En cours de route, vous vous dîtes – qu’est-ce que je fous là, à m’esquinter ? Et puis vous passez une nuit au refuge et le lendemain, vous êtes encore plus gonflé que la veille. »

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6 commentaires:

  1. Je porte témoignage j ai rencontré de telles personnes, c est pas de la frime.

    Travaillant sur des chantiers de plomberie, plus d une fois je me suis, contre mon envie, brûlé avec du tube de cuivre, ma recette faire couler de l eau chaude sur la brûlure, et sentir la chaleur de l eau chaude plus que la chaleur de la brûlure, c est un truc de ferronnier. Ensuite graduellement refroidir l eau chaude " courante, je précise" et 10 à 15 minutes après la sensation de brulure disparait. Mais les stigmates de brûlures au cuivre elles restent. Or un jour sur un chantier, après une brûlure, j allais chercher un coin d eau , avec eau chaude. Un gars me dit Mr N.... est là, va le voir il arrêtera la brûlure.
    Ma foi, j y suis allé, trois minutes après plus de sensation de brûlure et aucune stigmate. Vous pensiez que les têtes ne servaient qu a tenir les chapeaux? Vous aviez tort.

    ORTHO

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  2. Si les Barreurs se sont... barrés, des blancs d'oeufs (contenant de l'Albumine) permettent une minimisation de la brûlure ainsi qu'une période plus courte pour le rétablissement.

    J'ai lu qu'une citoyenne avait ameuté tous ses voisins afin d'obtenir tous leurs oeufs et ne faisant pas dans la dentelle avait cassé toutes ces douzaines d'oeufs (et non pas du sucre...) sur le dos d'un pauvre jeune homme aux prises avec des brûlures.

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  3. Ce barreur de feu accomplit son 'service à autrui" comme s'il s'agissait d'un sacerdoce, et son total désintéressement financier rehausse encore plus son panache. Il n'est donc pas question pour moi de minimiser quoique ce soit, mais cependant je suis , en conscience, convaincu que chaque être humain possède originellement tout un arsenal de dons considérés comme 'surnaturels' mais que nous ignorons et qui de ce fait ne peuvent être manifestés. Le soleil (esprit) brille pareillement pour tous et les pouvoirs de l'esprit sur la matière son égalitairement distribués à tous. Alors question: Qui des lecteurs de cet article a déjà essayé? Je crois qu'une croyance, sans même aucun début de fondement, y fait obstacle pour chacun de nous, et la foi indispensable pour entreprendre, et donc pour réussir, nous manque. Mais bravo Mr N....et toute mon admiration. Bernard.

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  4. Pour les brûlures, la farine de blé. C'est très très efficace. Plus efficace qu'une certaine pommade vendue en pharmacie.
    Je n'ai pas encore rencontré de baeurs de feu. Ils existent dans mon pays mais n'en ai pas encore rencontré.

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  5. Incidemment, une dame que je ne connaissais pas a vu que je venais de me brûler le dessus de la main gauche. Elle m'a demandé la permission d'exercer son art, j'ai accepté.
    Résultat : plus du tout de douleur, pas de cicatrice non plus.

    L'hôpital Purpan à Toulouse, fait intervenir officieusement, des barreurs de feu.

    Edouard

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  6. Mr N ... peut être encore vivant, les hopitaux de lyon, et d autres venaient le chercher etrange sa femme était barreuse de feu elle aussi.

    Où que vous soyez Mr N... vous avez mon amitié et mon admiration.
    ORTHO

    §Sur les chantier on a l occasion de se brûler, le pire souvenir tomber et mettre la main à plat sur un large fer rouge. Premier secour de l huile...
    Surtout pas mettre d huile sur une brulure ;o(

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