08 mars 2013

Goodyear : "Le monde ouvrier en a marre de se faire écraser"

Six ans après un premier projet de restructuration, les salariés de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord ont violemment manifesté, jeudi 7 mars, devant le siège français du fabricant de pneumatiques, à Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine, à l'occasion d'un nouveau comité central d'entreprise (CCE) sur le projet de fermeture du site.

Dans la rue pavillonnaire d'ordinaire paisible, quelques heures après la manifestation, flottait encore une odeur de gaz lacrymogène et de pneus brûlés, consécutive aux échauffourées entre manifestants et forces de l'ordre, échauffourées que la direction de Goodyear a condamnées. Aux jets de bouteille ou de projectile des salariés ont répondu gaz lacrymogènes et jets violents des canons à eau de la police, pour repousser plusieurs centaines de manifestants venus de la Somme.

On relève des blessés légers de part et d'autre – dix-neuf dans les rangs de la police, selon une source policière, et cinq manifestants hospitalisés, selon les syndicats –, un camion anti-émeute à la tôle calcinée et des dizaines de bouteilles, cannettes et coquilles d'œufs jonchant le sol. Une personne a aussi été interpellée "pour jets de projectile sur des forces de l'ordre et participation à un attroupement armé".


"Le monde ouvrier en a marre de se faire écraser", a affirmé Jean-Louis Ditte, mécanicien de 48 ans dont "vingt-quatre de Goodyear". "Ce déploiement de forces de l'ordre, c'est de la provocation", a renchéri Philippe Dufaux, opérateur de 43 ans, depuis treize ans à Amiens-Nord. "Nous, on veut juste protéger nos familles", a-t-il ajouté.

Après six ans de lutte, les salariés disent garder espoir, alors que la direction a annoncé à la fin de janvier son projet de fermer l'usine, "seule option possible après cinq années de négociations infructueuses", selon elle, pour sauvegarder la compétitivité des secteurs tourisme et agricole du groupe.

"Les effets d'annonce de la direction jouent sur le moral des salariés", a déploré Christophe Verecque, salarié non syndiqué, énumérant "le projet de quatre cents suppressions de postes d'abord, puis huit cents, ensuite un plan de départs volontaires, et le projet avorté de Titan..." Malgré la diminution drastique des volumes de production, les salariés d'Amiens-Nord, dont certains disent ne plus travailler qu'une heure ou deux par jour, affichent un attachement fort à leur usine. 


Les élus se sont aussi battus pour préserver l'emploi lors du CCE, qui portait notamment sur les conclusions du rapport d'expertise Secafi, qu'ils ont mandaté, les mesures d'accompagnement social et l'analyse économique autour du projet de restructuration. Ils devaient faire des "propositions alternatives" à la fermeture de l'usine d'Amiens-Nord, qui menace 1 173 emplois directs et environ 500 indirects, selon Didier Raynaud (CFDT).

La CFDT défend entre autres la piste d'un repreneur éventuel et celle d'un plan de départs volontaires pour les seniors qui pourrait concerner environ 400 personnes jusqu'à 56 ans. La CGT a mis en avant, seule, un projet de SCOP (société coopérative et participative), qu'elle détaillera à la mi-mars.

Pendant la réunion, les élus CGT et CFDT ont voté quatre résolutions qui vont permettre au CCE d'engager des actions en justice pour dénoncer des "irrégularités", selon eux, dans la procédure d'information-consultation du CCE et du comité d'entreprise européen. Ils vont aussi faire constater le "défaut d'information sur la situation économique du groupe au CCE" et l'"indigence du PSE [plan de sauvegarde de l'emploi] au regard des moyens du groupe".

CGT et CFDT estiment par ailleurs que la direction a opéré un transfert de production dissimulé d'Amiens-Nord vers d'autres sites du groupe, ce qui, selon Mickaël Wamen, de la CGT, est "constitutif d'une restructuration frauduleuse". "La réorganisation a commencé il y a pas mal de temps", a aussi affirmé Didier Raynaud en soulignant : "Aujourd'hui, nous sommes à 2 600 pneus de tourisme par jour pour une capacité de 22 000".

Leur avocat, Me Fiodor Rilov, a précisé que toutes les actions en justice seraient lancées "dans les prochains jours". Elles permettront de "mettre en échec le projet de la direction, comme en 2006", année où elle annonçait son intention de supprimer plus de 400 postes.
 
Le rapport Secafi confirme les pertes de l'activité agricole de Goodyear

Il faudrait à Goodyear injecter 100 millions d'euros pour remettre à niveau l'activité tourisme et 20 millions d'euros pour l'activité agricole, qui a perdu en Europe 22,5 millions d'euros en 2012, selon le cabinet d'expertise Secafi, mandaté par le comité central d'entreprise pour étudier le projet de restructuration du groupe. La CFE-CGC a demandé à la direction "d'ouvrir des négociations sur un plan de départs volontaires et de séparer juridiquement les deux entités de production (tourisme et agraire), pour ne pas effaroucher un éventuel repreneur de l'activité agricole". "Toutefois, les chances que l'activité soit reprise restent infimes", dit le syndicat.

Pour le représentant CGT Mickael Wamen, le rapport Secafi est "tronqué". En effet, la progression du bénéfice du groupe Goodyear "passe de 0,4 milliard de dollars en 2009 à 1,2 milliard en 2012, soit une progression de 300 %", assure-t-il. En février, le fabricant américain de pneumatiques a pourtant annoncé que son bénéfice avait chuté de 43 % l'an dernier.

Le groupe a dégagé en 2012 un bénéfice net de 183 millions de dollars. Il est tombé à zéro au quatrième trimestre, contre 18 millions un an plus tôt. Goodyear a notamment passé dans ses comptes trimestriels une charge de 85 millions de dollars, liée principalement à la fermeture du site d'Amiens-Nord.

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2 commentaires:

  1. Discours habituel de la "pensée unique" dans le "Système ultra-libéral" :
    "...la direction a annoncé à la fin de janvier son projet de fermer l'usine, "seule option possible après cinq années de négociations infructueuses", selon elle, pour sauvegarder la compétitivité .."

    Il est bien entendu vain de prétendre empêcher un groupe multinational d'arrêter un site, puisque par définition, il a d'autres sites de production ailleurs :

    "CGT et CFDT estiment par ailleurs que la direction a opéré un transfert de production dissimulé d'Amiens-Nord vers d'autres sites du groupe, ce qui, selon Mickaël Wamen, de la CGT, est "constitutif d'une restructuration frauduleuse". "La réorganisation a commencé il y a pas mal de temps" "

    La "nationalisation" étant prohibée dans le système verrouillé par l'oligarchie Européenne, il reste (peut-être) la perspective d'une reprise par les salariés et la formation d'une SCOP.

    Cela se heurte à pas mal d'obstacles, notamment pour les aspects commerciaux et marketing, ces fonctions n'étant pas assurées en général dans des "sites de production". Mais l'idée est intéressante et serait la seule porte de sortie dans le désert industriel que l'oligarchie et nos gouvernements félons (de droite comme de gauche) nous préparent.

    L'assassinat économique, par les décisions des grands patrons aux ordres des "actionnaires", la désertification industrielle; la mort des Services publics en résulte inexorablement, faute de recettes... Retour au XIX° siècle du temps de Zola.

    l'ami Pierrot

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  2. ... Une petite pointe vers le XVIIIème siècle et c'est la famine organisée par les spéculateurs voltairiens au nom de la "liberté."
    Les banques, grandes pourvoyeuses de misères (misères au pluriel), organisatrices de la dette, renflouées par les états... pour nous "sauver" d'une Katastrophe scénarisée, absorbent l'essentiel des ressources, le reste aux actionnaires, la portion congrue aux pôv' qui ne comprennent rien.
    Comment créditer les associations caritatives dans de telles conditions ? Ah ils sont bien à plaindre chez Goldman Sachs!

    Les ouvriers (Ouvrier : titre de noblesse, celui qui oeuvre pour le bien commun) de la société : "Bonne année"n'ont pas de bouclier, il va falloir y remédier.

    Bon courage et des boulons,
    Edouard

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