31 décembre 2012

Misérables - A qui a veillé sur moi voici un an exactement.

Relu "les Misérables". A minima. J'ai sauté à pieds joints sur le tiers de l’œuvre qui sert d'exposition aux idées et aux visions de Hugo, pour me limiter au récit.

Le livre posé, j'ai visionné avec Mme VJ la version qu'en a donnée Robert Hossein en 1982 avec l'indispensable Lino Ventura. L'essentiel du livre a été tronçonné par Alain Decaux. On pourrait regretter des coupures, des manques, des sutures hâtives, des personnages disparus, mais vouloir rendre chaque composante de cet océan aurait sans doute rendu l'oeuvre indigeste.

Mettons qu'il s'agit d'un Reader's Digest à l'attention de ceux qui ne savent plus lire. Il faut faire justice à Decaux et Hossein qu'ils ont eu aussi des trouvailles, comme cette fin inventée, où, par delà l'instant de la mort de Valjean, un Javert déjà mort lui annonce dans une reprise des premières séquences du film qu'il est cette fois-ci "vraiment" libre.

Il en existe de nombreuses autres versions, dont une avec l'inévitable Depardieu, que je vous propose sans l'avoir vue.

Dans un premier temps, Jean Valjean s'appelait Jean Tréjean, ce qui indique que, symboliquement, l'oeuvre décrit la traversée (tré/trans) de l'âme humaine d'un Jean à l'autre : du solstice d'hiver au solstice d'été, la marche ascendante du Soleil représentant le "seul oeil", la conscience.

Le roman d'Hugo, évidemment codé comme toute son oeuvre est fondé sur la transformation de la brute égoïste et inconsciente en être sensible, protecteur, se donnant en sacrifice à plus grand que lui.

L'homme Hugo était-il à la hauteur de son oeuvre est une question négligeable. Qui est à la hauteur de lui-même ? Qu'aurait dû être Hugo pour être à la hauteur d'une telle oeuvre ?

Cosette est une autre représentation de cette traversée de l'abjection jusqu'à la splendeur. Née d'un père minable, elle tombe par un enchaînement de circonstances sous l'abjecte domination des Thénardier, d'où Valjean la retirera.

Curieuse famille que celle-là, puisque on y trouve aussi bien le père et la mère, des plus affreux qui se puissent concevoir, qu'Éponine, Gavroche et Azelma, figures ambiguës et attachantes.

Quand Valjean, qui portera plus tard sur ses épaules l'homme qu'il hait le plus, car l'amant de Cosette, dans les égouts de Paris, quand Valjean rencontre Cosette, il lui offre un cadeau que nul à Monfermeil, son triste lieu de villégiature (mont fermé, fortifié, retranché, l'exact pendant du bagne de Toulon) ne pouvait acheter : une extraordinaire poupée.

Il est invraisemblable qu'une pareille merveille soit exposée dans une modeste boutique d'une banlieue reculée et misérable.

C'est un mystère facile à éclaircir : la poupée se nomme Catherine.

C'est l'image de Kether,le monde perdu, inaccessible, dont nous sommes issus, dormant aux yeux de tous dans la pénombre de la province reculée de nos existences boutiquières.

L'exact reflet de ce qu'est réellement notre nature profonde, lavée des souillures de ce monde.

Valjean, image de la conscience humaine, veille nuit et jour sur cette pauvre petite chose, chosette, cosette, dont le véritable nom de baptême est Euphrasie : joie, gaieté, jusqu'à ce qu'elle sorte au grand jour, resplendissante, comme le soleil sort de la nuit.

Cette lumière cachée comme Cendrillon dans ses habits souillés, battue, esclave, abandonnée, il la porte comme Christophe, le passeur à tête de chien, de nature animale, porte l'enfant d'une rive à l'autre du fleuve, d'un Jean à l'autre, du Jean qui pleure au Jean qui rit, comme il porte Marius dans les ordures, comme nous-mêmes, pauvres héros de nos petites journées, portons toujours un peu plus loin cette pureté qui ne nous quitte jamais, même au fond du pire, cette image merveilleuse que nul ne pourrait s'attendre à voir dans d'aussi piètres boutiques que celles de nos châteaux fermés : ces Catherine qui sont aussi katarina, ou sophia des Cathares, inaccessible lumière qui jamais n'abandonne ses fidèles d'amour dans ce cloaque qui s'auto-proclame "meilleur des mondes", ou "unique réalité".

Comme tout grand texte, le roman d'Hugo peut être lu à divers niveaux, de plus en plus profonds : Jean Valjean, émondeur de son état est jeté au bagne parce qu'il a volé un pain pour nourrir les sept enfants de sa sœur.

Derrière l'anecdote, on peut deviner par exemple que la conscience humaine, venue ici pour se purifier (l'émondage est une sorte de circoncision dont on retrouve la trace, par exemple, dans les troncs de l'arcane XII du Tarot de Marseille, le Pendu), est la proie, dans son aspect matériel (la soeur), des sept variantes principales du désir, toujours affamées. Il vole un pain, cherche à s'emparer de la nature terrestre, à s'approprier le pan, comme d'autres ont croqué la pomme, ce qui le condamne aux fers, dans le bagne où il purgera sa peine (au double sens de pensum, un poids suspendu, et de souffrance, qui débouche sur pense homme, de l'inconscience à la conscience). Le bagne, comme le savent les alchimistes, et autres bagnards, c'est une sorte de récipient qui permet de mener les métaux à résipiscence. [...]

Vieux Jade

1 commentaire:

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.