Près de dix ans après les premières alertes sur les dérives au sein du Comité d’entreprise (CE) d’EDF, la justice est passée. Huit personnes physiques, ainsi que quatre personnes morales dont la CGT et le journal L’Humanité, ont été condamnées mercredi. Leur tort ? Avoir été responsables de détournements de fond, d'abus de confiance, de complicité ou encore de recel. Et la liste aurait pu s’allonger.
CCAS, un CE pas comme les autres
Après de nombreuses alertes puis un premier rapport au vitriol de la Cour des comptes en 2007, la justice s’est penchée sur le CE d’EDF, la Caisse centrale des activités sociales (CCAS). Une structure hors norme puisqu’elle bénéficiait en 2012 d’un budget de 650 millions euros, record inégalé en France pour un CE. Et, autre anomalie, la CCAS est financée grâce à une ponction équivalent à 1% de son chiffre d’affaires, là où les autres CE reçoivent en général 1% de la masse salariale, soit dix fois moins. Des moyens colossaux qui, en l’absence de contrôle externe, ont suscité des dérives et conduit la justice à se pencher sur son cas.
Un verdict plus sévère que prévu
Si le tribunal a écarté les accusations d’escroqueries et d’enrichissement personnel, il a en revanche condamné huit personnes physiques et quatre personnes morales, reconnues coupables d'abus de confiance, de complicité ou recel de ce chef. Elles ont été condamnées à des peines de 2 mois à 18 mois avec sursis et à des amendes de 4.000 à 75.000 euros.
Un verdict plus sévère qu’attendu puisque dans ses réquisitions le procureur Serge Roques avait réclamé des peines de 6 à 18 mois avec sursis et des amendes moins élevées de 7.500 et 10.000 euros. De leur côté, les avocats des prévenus avaient plaidé la relaxe.
Ce qui leur est reproché
D’avoir détourné de l’argent pour financer des emplois fictifs et des prestations au bénéfice de la CGT et de la fédération des mines et de l'énergie (FNME-CGT). Dans le détail, Jean Lavielle, ancien président du conseil d'administration de la CCAS présenté par le tribunal comme "le personnage central" du dossier, a écopé de 18 mois de prison avec sursis et de 4.000 euros d'amende. L'ancien directeur général de la caisse, Jean-Paul Blandino, a été condamné à 8 mois de prison avec sursis.
La sénatrice PCF Brigitte Gonthier-Maurin, reconnue coupable d'avoir occupé un emploi fictif payé par la CCAS, où elle était censée travailler auprès du président Lavielle alors qu'elle exerçait ses activités à la fédération du parti communiste des Hauts-de-Seine, s'est vu infliger 10 mois de prison avec sursis.
Parmi les personnes morales, la CGT et la fédération CGT des mines et de l'énergie (FNME-CGT) ont été condamnés à 20.000 euros d'amende pour "recel d'abus de confiance". La Société nouvelle du journal L'Humanité (SNJH) et l'Institut de formation de recherche et de promotion (IFOREP), financé par la CCAS et qui avait réalisé la captation des images de la grande scène de la fête de l'Humanité de 1997 à 2005, ont chacun été condamnés à 75.000 euros d'amende. Pour le tribunal, cette prestation avait été fournie sans réelle contrepartie et coûté 1,11 millions d'euros, entièrement pris en charge par la CCAS.
Cela aurait pu être pire
La justice a donc décidé de frapper plus fort que le procureur ne le souhaitait mais la facture aurait pu être encore plus lourde pour les prévenus. Car une victime, et pas des moindres, a décidé de ne plus se constituer partie civile : EDF s’est désisté en juin, juste à l’ouverture du procès, ce qui lui a valu d’être encore accusé d’acheter la paix sociale. Quant à la CCAS, pourtant première victime de ces détournements, elle n’a jamais souhaité réclamer réparation. Et a même contesté l’existence même de telles dérives, ce qui a renforcé les accusations d’être contrôlée en sous-main par la CGT.
Côté justice, une page est donc tournée, moins noircie qu’attendue. Côté gouvernance, le chemin reste encore long : dans son dernier rapport datant de 2011, la Cour des comptes note que, malgré les rappels à l’ordre, la gestion du CCAS reste problématique. La faute à une "organisation insuffisamment réformée", une gestion "peu économe, peu transparente et peu contrôlée" avec "de graves carences", notamment en matière d'achats.
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