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18 mai 2024

Il faudra envoyer des troupes en Ukraine

Il faudra, probablement, envoyer des troupes françaises en Ukraine, mais pas pour les raisons évoquées par le Président Macron. On voit mal en effet l’armée française s’interposer face à la Russie pour venir en soutien à l’armée ukrainienne. Quels que soient les mérites de ses soldats, l’armée française ne dispose pas des équipements et des armes pour une telle opération. Les stocks sont vides, les régiments ont été déshabillés, notamment pour aider l’armée ukrainienne. Face à l’offensive russe en cours, Kiev est seule et ne pourra pas être aidée.

Il sera néanmoins probablement nécessaire d’envoyer des troupes françaises en Ukraine, afin de sécuriser ce pays et, surtout, de sécuriser la France et le reste de l’Europe. La guerre actuelle terminée, ou du moins la fin des combats, l’Ukraine connaitra deux phénomènes que tous les pays en guerre ont connus avant elle : le risque de désintégration et la vente des armes en circulation. Ce phénomène s’est notamment produit en Afghanistan, en Yougoslavie, en Libye. Il n’y a aucune raison pour qu’il ne se produise pas aussi en Ukraine.

Désintégration

La guerre aidant, l’unité nationale fut totale autour de Volodymyr Zelensky. Une fois les combats terminés, cette unité disparaitra, les tensions politiques et sociales seront alors fortes. On a vu déjà les tensions entre l’actuel président et son chef d’état-major, ce qui a conduit à son éviction et son remplacement. Tous les mécontentements de la population, la défaite, les frontières mal négociées, le chômage, les morts, seront portés à la responsabilité de Zelensky. À quoi s’ajoutent l’état endémique de corruption du pays, déjà très présent avant 2022 et que le conflit n’a fait qu’exacerber et la déliquescence des structures sociales.

Il n’est pas impossible que des généraux veuillent se lancer dans une carrière politique et opèrent des cessions partielles du territoire, en s’appuyant sur leurs régiments. Où que des bandes criminelles attaquent les zones en guerre, terrorisant les civils. Voir qu’une guerre civile se déclenche, plongeant le pays dans le chaos. Ces hypothèses, si elles sont peu probables, ne sont pas à exclure. C’est ce qu’ont connu la Yougoslavie et la Libye, c’est ce qu’a failli vivre l’Égypte, c’est ce qui ronge le Liban. Un pays faible, avec une unité nationale mal assurée, peut tout à fait connaitre les affres de l’effondrement après le choc d’une guerre. Plus loin dans l’histoire, la guerre civile post-guerre a frappé la Grèce en 1945 et l’Allemagne en 1918 (voir Les Réprouvés d’Ernst von Salomon).

Il y avait certes alors une idéologie concurrente (le communisme) qui a pu structurer les mouvements d’opposition et organiser la guerre civile. Cela n’est pas le cas en Ukraine et c’est ce qui pourrait sauver le pays. Pour qu’une guerre civile se déclenche, il faut que la population soit divisée à tel point que la guerre lui apparaisse comme la moins pire des solutions. Cette division peut reposer soit sur des principes ethniques (Libye, Yougoslavie) soit sur des principes politiques (Allemagne, Grèce).

En Afghanistan, il y avait conjonction de principes ethniques (pachtounes / tadjiks) et politiques (islamisme). La guerre que connait l’Ukraine aujourd’hui est aussi une forme de guerre civile, entre la partie ouest, ukrainophone, et la partie est, russophone et c’est aussi une guerre civile qui repose sur des principes politiques, entre les Ukrainiens attirés par l’Occident et ceux qui se rangent derrière la Russie. La partie de l’Ukraine non occupée par la Russie a l’avantage de l’homogénéité ethnique, religieuse et linguistique ainsi que politique, ce qui limite les risques de guerre civile. Mais dans tous les cas, pour garantir la sécurité intérieure du pays et combattre les bandes criminelles et mafieuses qui peuvent s’abattre sur les populations civiles, le déploiement de contingents français n’est pas à exclure.

Déstabilisation

Le second problème posé par l’Ukraine, problème que nous avons mentionné dès le début de l’invasion russe, est celui des stocks d’armes en circulation dans le pays. Là aussi, en Afghanistan, en Yougoslavie, en Libye, le problème a toujours été le même : les armes sont récupérées par des réseaux criminels qui les revendent à d’autres réseaux. Vu l’état de corruption du pays, il est à craindre que les armes de poings en circulation soient vendues à des réseaux européens et que celles-ci soient ensuite utilisées par le grand banditisme et les réseaux mafieux. C’est déjà le cas en France. Une fusillade à Marseille en mai 2023 fut opérée avec des armes venant d’Ukraine. De phénomènes similaires ont été observés à Grenoble. En juin 2023, le média i24 News rapportait le cas d’armes détournées et vendues à l’Iran, au Hamas et au Hezbollah. Il serait intéressant de savoir si certaines de ces armes furent employées lors de l’attaque du 7 octobre 2023. Dans l’attaque du fourgon pénitentiaire, il n’est pas à exclure non plus que les fusils d’assaut utilisés viennent d’Ukraine. L’enquête pourra peut-être déterminer leur origine.

Face aux stocks nombreux et aux besoins d’argent, la vente illégale de ces armes ne pourra que s’accroître après la fin des combats, inondant le marché européen. Il y aura donc urgence à sécuriser les stocks, à les détruire et à protéger les frontières ukrainiennes pour limiter la sortie de ces armes. Ce peut être une mission pour l’armée française. L’Ukraine sera le poste avancé de la sécurité en France et en Europe. L’armée française peut avoir un rôle à jouer pour participer à la sécurisation du territoire ukrainien et donc du territoire français.

Ce n’est pas ici de la science-fiction. Ce qui est décrit s’est produit dans tous les pays qui ont connu des guerres. De même en France, où l’une des premières actions du général de Gaulle fut de récupérer les armes des communistes pour éviter que ceux-ci ne conduisent une révolte civile (qui a eu lieu en 1947, obligeant le socialiste Paul Ramadier à faire usage de l’armée contre les grévistes). Ici comme souvent, l’anticipation est essentielle pour éviter la déstabilisation.

Jean-Baptiste Noé

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