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03 janvier 2024

Histoires pour longues soirées d’hiver : La Brinvilliers, la marquise empoisonneuse


Seul portrait authentifié de la marquise de Brinvilliers, réalisé le jour de son exécution par Charles le Brun (Musée du Louvre).

C’est au nombre de victimes qu’elle fit et à son total manque de scrupules que la marquise de Brinvilliers, dite "La Brinvilliers", doit d’être passée à la postérité. Son arme ? Le poison, qu’elle étudia avec le plus grand soin et qu’elle utilisa pour se débarrasser de qui la gênait. Si les crimes de sang sont plus souvent le fait des hommes, le poison a la réputation d’être privilégié par les femmes. Au XVIIe siècle, certaines en avaient d’ailleurs fait un métier, une sorte d’artisanat illégal dont elles transmettaient le savoir-faire à des apprenties. Elles vendaient leurs produits à qui voulait se débarrasser d’un(e) rival(e) ou toucher prématurément un héritage. Les poisons étaient d’ailleurs aussi appelés "poudres de succession". La Brinvilliers a appris l’art du poison en autodidacte et a surtout agi pour son propre compte.

Marie-Madeleine Dreux d’Aubray, fille de magistrat, naît le 6 juillet 1630. L’histoire dit qu’elle est violée par un domestique durant son enfance et qu’elle entretient par la suite des relations incestueuses avec ses frères. À 21 ans, jolie jeune femme délurée et richement dotée, elle épouse le marquis Antoine Gobelin de Brinvilliers. Rapidement, les jeunes mariés collectionnent l’un comme l’autre les aventures extra-conjugales, jusqu’au jour où la marquise tombe très amoureuse d’un ancien officier de cavalerie, Godin de Sainte-Croix.

Godin a la réputation d’être un homme peu recommandable et le père de Marie-Madeleine voit d’un mauvais œil les amours adultérines de sa fille. Le magistrat obtient donc une lettre de cachet qui envoie l’amant indésirable à la Bastille pour deux mois. Mal lui en prend, car Godin de Sainte-Croix a pour compagnon de cellule un ancien apothicaire du roi, qui l’initie à l’art de fabriquer et d’administrer les poisons. Un savoir-faire qu’il s’empresse de partager avec sa dulcinée qu’il retrouve sitôt libéré.

Essais sur les malades de l’Hôtel-Dieu

Marie-Madeleine se passionne pour cette science et se lance dans la confection de mortelles potions. Mais un produit, ça se teste. On présume qu’en bonne scientifique, elle a mené des essais pas du tout thérapeutiques sur les malades de l’Hôtel-Dieu. Elle visite ces derniers alors qu’elle est en charge des bonnes œuvres de l’établissement, et elle sera soupçonnée d’en avoir fait passer plusieurs dizaines de vie à trépas. Il faut dire qu’elle a décidé de se débarrasser de son puritain de père, et il n’est pas question de rater son coup. Quand elle est rassurée sur la qualité de ses produits, elle visite son père qui ne survit pas aux soins prodigués par sa fille et décède en 1666.

Notre marquise s’est entichée de l’art du poison qui s’avère bien pratique pour résoudre les problèmes. Quand elle se retrouve désargentée, elle tue méthodiquement ses deux frères puis sa sœur, ce qui lui permet d’empocher la totalité de l’héritage paternel.

Toujours très amoureuse de Godin de Sainte-Croix, elle se met en tête de l’épouser. Seulement voilà, elle est déjà mariée. À tout problème, une solution : elle entreprend d’empoisonner son époux ! Malheureusement pour elle, l’élu de son cœur est devenu très ami avec le marquis. Et malheureusement pour elle encore, il sait diagnostiquer les symptômes d’un empoisonnement. Si bien que, lorsque le marquis de Brinvilliers est pris de malaises, Godin reconnait la main toxique de son amoureuse. Il administre donc un antidote à son ami et le sauve. Marie-Madeleine s’empresse d’empoisonner une nouvelle fois son époux, mais Godin le sauve à nouveau. Le manège dure des années. Plusieurs fois, le pauvre marquis, qui ne se doute de rien, absorbe du poison et reçoit un antidote qui lui permet de se rétablir.

Godin de Sainte-Croix finit par prendre peur devant l’obstination de sa maîtresse à vouloir empoisonner son prochain et prend la fuite. Il prépare aussi sa vengeance dans l’hypothèse où sa redoutable amante déciderait de l’assassiner à son tour. Il laisse, dans une cassette, divers documents et fioles de poison, qui prouvent les crimes qu’ils ont commis ensemble, et destinée à être trouvée au cas où il trépasserait avant la marquise. Ce n’est pas le poison qui tue Godin en 1672, mais un banal accident. Des huissiers, venus perquisitionner sa demeure suite à la requête des créanciers du défunt, trouvent la cassette.

Retrouvée à Liège dans un couvent

La Brinvilliers n’ignore pas les dispositions posthumes de son ancien amant, qui a tenté de la faire chanter pour lui extorquer de l’argent. Quand elle apprend son décès, elle s’enfuit en Angleterre, puis rejoint la principauté épiscopale de Liège, territoire qui a échappé à la domination des ducs de Bourgogne, vassaux des rois de France, et qui dépend du Saint-Empire romain germanique.

Elle est condamnée à mort par contumace avant d’être retrouvée près de Liège, dans un couvent où elle se cache. Ramenée à Paris, son procès débute à la fin du mois d’avril 1676.

Gabriel Nicolas de la Reynie, premier lieutenant général de Paris a dirigé l’enquête et étudié les registres de l’Hôtel-Dieu. Le policier a relevé un taux de mortalité particulièrement élevé chez les malades de l’hospice durant la période où la marquise de Brinvilliers était en charge des bonnes œuvres de l’établissement, mais c’est le parricide qui sera le plus durement reproché à la Brinvilliers. La meurtrière voit sa condamnation à la peine capitale confirmée. Son titre de noblesse lui vaut d’échapper au bûcher qui punit généralement les femmes spécialisées dans le poison. Elle est décapitée en Place de Grève, et ce n’est que post mortem que son corps est brûlé et ses cendres dispersées.

La Brinvilliers est soupçonnée d’avoir commis d’autres assassinats et d’avoir vendu ses services, notamment pour tenter d’empoisonner Colbert.

Elle n’avoua jamais rien. Sa résistance à la torture et une piété, tardive mais fervente à la pratique religieuse, valurent paradoxalement à cette criminelle prolifique d’être considérée comme une sainte par une partie de la population.

L’histoire de la Brinvilliers inspira la chanteuse Marie-Paul Belle qui lui dédia une chanson ! 
 

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