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09 octobre 2023

Un ver congelé pendant 42.000 ans dans le permafrost est revenu à la vie

Deux vers vieux de 42.000 et 30.000 ans ont été retrouvés encore en vie dans les sols gelés de Sibérie. Ils sont ainsi devenus, de fait, les deux êtres vivants les plus vieux existant sur notre planète.

Après 42.000 ans pour l'un et 30.000 ans pour l'autre passés dans la glace, ils sont encore en vie. Peu de chance cependant qu'ils puissent venir nous raconter à quoi ressemblait la vie quand c'était le bon temps, le temps d'avant, celui avant qu'on ait trop chaud, puisqu'il s'agit de vers. Plus précisément de deux espèces appartenant au groupe des nématodes. C'est une équipe de chercheurs russes, accompagnée d'un Américain, qui a publié cette étonnante découverte dans la revue de l'académie russe des sciences Doklady Biological Sciences.

Les biologistes russes ont extrait du permafrost sibérien deux échantillons contenant des centaines de nématodes (des vers ronds) vieux de 42.000 ans dans un cas et 30.000 ans dans l'autre (fin du Pléistocène). Le permafrost est par définition un sol dont la température ne remonte jamais au-dessus de 0 °C. Il recouvre 20% de la surface terrestre du globe.

«Quand on a affaire à des nématodes, on peut s'attendre à tout», juge Jean-Lou Justine, professeur au Muséum national d'histoire naturelle. «Ce sont des vers très résistants au froid. Qu'ils aient patienté près de 42.000 ans, c'est certes surprenant, mais tout à fait crédible.» En effet, en 1946, des scientifiques avaient réussi à ramener à la vie des nématodes dans des échantillons végétaux vieux de 39 ans. Des tardigrades, une espèce proche, ont eux aussi résisté à un séjour de 30 ans dans la glace à -30 °C. Mais jamais les scientifiques n'avaient été témoins d'un si long sommeil.

Les nématodes ne creusent pas aussi profond

Les premiers vers appartiennent au genre Panagrolaimus, ils ont été découverts à 30 mètres de profondeur, dans une couche datée de 30.000 ans. Les seconds sont, eux, des représentants du genre Plectus. Ils ont été déterrés à 3.5 mètres dans une couche qui date d'il y a près de 42.000 ans. «Dans les deux cas, il s'agit de tout petits vers (quelques dizièmes de millimètres, NDLR)», précise Jean-Lou Justine. «Ce qui ne fait qu'augmenter leur capacité de résistance.»

Ramenés à Moscou, seuls deux de ces vers présentaient encore des signes de vie. Ils ont été réchauffés pendant plusieurs semaines dans une boîte de Petri à 20 °C avec de l'agar-agar (une algue) et des bactéries E.coli comme nourriture. Les vers se sont alors progressivement reveillés. Bien qu'une contamination ne puisse être totalement écartée, les chercheurs assurent avoir respecté une procédure de stérilisation très stricte. Il est également exclu que d'autres vers se soient introduits ultérieurement dans le sol. De tels vers ne sont pas réputés pour creuser aussi profond, d'autant que le permafrost ne dégèle pas sur plus de 80 cm. Et sur les 40.000 dernières années, rien n'indique que même à leurs heures les plus chaudes, ces sols sibériens n'ont dégelé sur plus d'1,50 mètre.

Un danger endormi?

Un tel exploit est-il possible pour d'autres espèces? Pour les chercheurs russes, les mécanismes d'adaptation de ces petits vers peuvent servir à d'autres domaines scientifiques connexes, comme la cryomédecine, la cryobiologie et l'astrobiologie. Mieux connaître les mécanismes biochimiques utilisés par les nématodes pourrait ouvrir la voie à de meilleures technologies de cryoconservation. Une idée qui convainc beaucoup moins Jean-Lou Justine. «Les nématodes ont une structure tellement différente de la nôtre que cela me paraît pour le moment impossible de transposer ces extraordinaires capacités de résistance à des organismes autrement plus complexes!»

Mais derrière cette découverte se dissimule peut-être une nouvelle bien plus inquiétante. Si les nématodes ont réussi à survivre si longtemps, les chercheurs russes s'inquiètent des microbes qui auraient pu, eux aussi, être prisonniers de la glace. Bactéries et virus que le réchauffement climatique pourrait réveiller. Or nul ne sait quelles seraient les conséquences pour les organismes vivants.

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