18 mars 2023

Les banques dans l’œil du cyclone ou le retour du cash

La SVB Financial, la banque de la Silicon Valley, s’est effondrée de 63% en bourse cette semaine, après avoir jeté un pavé dans la mare jeudi 9 mars, en annonçant dans l’après-midi avoir besoin de « capitaux frais » depuis qu’elle a été contrainte de céder à perte un portefeuille obligataire. Toutes les valeurs bancaires américaines, même les plus grosses (JP Morgan, Wells Fargo, etc.) ont été attaquées depuis. D’autres banques US sont également passées sous le contrôle du régulateur, joli euphémisme pour évoquer leur mise en faillite (la First Republic et la Signature Bank). Faut-il voir dans le nom des banques qui tombent outre-Atlantique le symbole du triple défaut américain sur sa tech, sur son régime politique (alors qu’on apprend que l’attaque du 6-Janvier sur le Capitole n’en était pas vraiment une…) et sur sa signature en matière de dette publique ? Alors que Bruno LuMière© nous exhortait, tout transpirant et dans un anglais parfait (« Calm down, calm down ! ») à ne pas paniquer, la contagion semble avoir gagné les bourses européennes, où, mercredi, Crédit Suisse, mais aussi les banques systémiques à la française (BNP Paribas et Société Générale en tête, comme d’habitude) ont fait un beau plongeon. En perspective des JO 2024 ? C’est ce qu’a bien voulu croire le mari de Brigitte qui, dans une pâle imitation de Jacques Chirac, s’emploie à rendre possible la baignade dans la Seine. Entre deux détritus qui flottent ?

Dans les faits, la SVB est la plus grande banque à faire faillite depuis la crise financière de 2008, après avoir fait des investissements avec les dépôts de ses clients, ce qui n’est plus illégal depuis l’abrogation en 1999 du Glass Steagle Act, qui, sous l’Administration… Clinton, avait mis fin à la séparation, pourtant de bon sens, entre banques de détail et banques d’investissement. Les investissements de la SVB ont commencé à mal se comporter et la banque a alors parié sur l’achat d’obligations d’État américaines (US Treasuries) réputées « sûres ». Mais, depuis que la Réserve fédérale a entamé son cycle de hausse des taux d’intérêt pour tenter de calmer l’inflation, la valeur de ces titres de dette, comme nous l’expliquons régulièrement dans Finance & Tic, a fortement chuté et le bilan de la SVB avec. Obligée de vendre, elle l’a donc fait, mais à perte. On connaît la suite.

Les hausses agressives du principal taux directeur de la FED depuis 12 mois commencent donc à faire entrer dans le dur du pire krach obligataire depuis le milieu des années 90 de nombreuses banques, jusque-là assises sur des pertes latentes, les assureurs, contraints par la législation à se bourrer d’obligations occidentales, commençant eux-aussi à trinquer sévèrement. La liste des banques ou des compagnies d’assurance qui risquent de s’effondrer à leur tour devrait donc très certainement s’alourdir. Bretelles et ceinture sont de rigueur.

Le chiffre de la semaine

35%, le nouveau plafond du taux d’effort des ménages en matière de crédits

Depuis plus d’un an, le taux d’effort des ménages ne peut pas dépasser 35% et leur durée d’endettement est limitée à 27 ans (sauf exception). Par taux d’effort, on entend en réalité leur taux d’endettement, c’est-à-dire le rapport entre leurs charges de crédits mensuelles (le service de leur dette, donc) et leur revenu disponible net mensuel.

Les établissements bancaires peuvent cependant déroger à ces critères pour 20% des crédits, à condition que ces exceptions concernent à 80% l’acquisition d’une résidence principale et à 30% des primo-accédants. Comme me l’a récemment dit un conseiller bancaire : « En fait, on fait ce qu’on veut. » La SVB, aussi, n’en a fait qu’à sa tête. Et les banques, en 2005, aux USA, sont même allées jusqu’à prêter à des ménages insolvables : cela a donné la fameuse crise des subprimes

Cette semaine, le HCSF a jugé « globalement tout à fait satisfaisante » la limitation du taux d’effort (qui a, dans les faits, augmenté, car il était de 33% auparavant…). Si le Haut Conseil de Stabilité Financière est satisfait, je bats bien humblement ma coulpe et rends hommage à la clairvoyance de Bruno : ce dernier a raison, nous voguons vers la stabilité financière…

La déclaration de la semaine

« Le paiement électronique présente beaucoup d’avantages, mais on doit aussi pouvoir utiliser le cash. » Per Bolund, ministre suédois des marchés financiers

Impressionnant coup de théâtre qui ne surprendra cependant pas les lecteurs assidus de notre Hebdo (ici par exemple) : la Suède renonce finalement à supprimer le cash ! Le frein à main dans la course au paiement numérique vient en effet d’être tiré par Per Bolund, le ministre des marchés financiers, lequel a fait état d’une nouvelle loi entrant en vigueur pour obliger les banques à fournir des services en liquide. Otroligt ! (Incroyable !)

Dans cette anti-Allemagne où l’on peut absolument tout payer par carte bancaire, sans minimum d’achat, les Suédois étaient pourtant de plus en plus nombreux à n’avoir aucune pièce ni aucun billet dans leur porte-monnaie. Plus surprenant (mais tristement véridique), même les SDF, plutôt que de tendre en vain la main, affichent sur leur poitrine leur numéro de Swish, un système de paiement mobile lancé en 2012 par six banques suédoises. Les 56 Mds de couronnes qui circulent encore dans le pays ne représentent désormais plus que 1,2% du PIB, le plus bas niveau au monde (la moyenne dans la zone Euro étant d’environ 10%) et le cash n’est plus utilisé que dans 6% des transactions… Donc ?

Les fondements de ce revirement sont, officiellement, sociaux : si l’on sait, depuis Cantillon, que l’injection de monnaie se propage de façon inégalitaire (c’est-à-dire au bénéfice de ceux qui se trouvent à proximité du robinet, en l’espèce la banque centrale), ceci eût été encore plus vrai si le cash avait disparu pour de bon au profit d’une couronne numérique. Voilà pour le narratif gouvernemental, qui n’est guère convaincant. Dans les faits, la raison est bien plus technique et politique à la fois et a trait aux échecs successifs des mondialistes en matière de Great Reset monétaire : en effet, la numérisation, en Suède, supposant d’avoir un numéro universel d’immatriculation, un compte en banque et un domicile fixe, s’est heurtée aux cas, insolubles, des immigrés, des touristes, des SDF, mais aussi des Suédois habitant en zone rurale, la couronne numérique requérant un accès permanent au réseau téléphonique et à Internet. Le rapport de force avec la population n’a, de plus, pas tourné en faveur de ce projet : la digital krona en est morte. De froid.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/03/18/les-banques-dans-loeil-du-cyclone-ou-le-retour-du-cash-par-florent-machabert/

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