15 juin 2022

Une polarisation qui dégénère

Le premier tour des législatives s’est déroulé comme prévu, c’est-à-dire aussi mal et mollement que possible.

Comme l’explique fort bien Frédéric Mas de Contrepoints, c’est donc la défiance qui a raflé la mise au premier tour : avec 53% d’abstention, un vrai gros record bien solide et indiscutable, la majorité des Français a clairement exprimé son parfait détachement pour l’exercice de style qui lui était proposé. Peut-être a-t-elle (enfin ?) compris que tout ceci n’est qu’un théâtre sinistre ?

Et dans tous les sens de sinistre, du reste, tant la gauchisation du spectre politique est patente sur les voix exprimées : la droite telle qu’elle aurait pu être représentée par un RPR des années 90 n’existe plus (la contre-performance de Reconquête est suffisamment cuisante pour qu’on n’y revienne pas). Sous Marine Le Pen, le Rassemblement National a fini sa mue en parti social-démocrate conservateur mais farouchement étatiste, qu’on aurait probablement placé au centre-gauche il y a 40 ans.

Quant aux Républicains, ils ne sont qu’une version ramollie de la Renuisance présidentielle, sans panache ni saveur mais avec exactement les mêmes entêtements interventionnistes que le gloubli-boulga élyséen qui ressemble à s’y méprendre à ce qu’on trouvait dans les programmes socialistes des années 80. Le reste est bien évidemment encore plus interventionniste, étatiste et pour tout dire, à gauche.

Il n’y a donc plus de droite en France et ce qui en reste n’est qu’anecdotique.

Peut-être peut-on expliquer l’abstention record par cette disparition d’une vraie droite modérément conservatrice, favorable à la liberté des citoyens, aux baisses des ponctions et de l’étouffante bureaucratie française et au retour à un pays en ordre de fonctionnement comme il existait encore dans les années 70 ou 80…

Peut-être pourra-t-on aussi trouver une explication complémentaire à cette débâcle démocratique dans les actuels comportements lamentables de trop de politiciens français : entre Borne qui insulte ses opposants politiques ou Blanquer qui veut introduire un recours contre son adversaire, et si l’on ajoute le niveau abyssal des arguments et des propositions politiques en place publique, on est très loin d’une lutte pour le bien commun et bien plus pour l’accaparement d’une parcelle de pouvoir supplémentaire… « Quoi qu’il en coûte », comme dirait l’autre.

En tout cas, ces comportements et ce record d’abstention montrent surtout que le régime actuel est à l’agonie et plus personne ne peut le nier.

Seuls quelques indécrottables parasites politiciens persistent à trouver quelques fiertés ridicules dans les suffrages qui leur sont attribués : il faut vraiment être déconnecté comme les macronistes ou les mélenchonistes pour croire représenter une vraie tendance sociétale lorsqu’on ne représente au mieux qu’un Français sur huit.

En réalité, la société française a achevé sa partition : d’un côté, une caste de votants constituée essentiellement des citadins qui approchent de la retraite ou y sont maintenant confortablement installés, avec des revenus sinon confortables mais au moins suffisants pour vivre, et de l’autre côté, le reste des Français qui marque très majoritairement son ras-le-bol de participer à cette mascarade et de payer pour tout ça sans rien en retour (même pas des services publics ou un semblant d’ordre républicain).

Ainsi, 69% des jeunes de 18-24 ans, 71% des 25-34 ans, 59% des 35-49 ans et 52% des 50-59 ans n’ont pas voté, et on peine à le leur reprocher…

Cette magnifique performance de tout le personnel politique – qui tente, comme à son habitude, de s’en dédouaner – est évidemment le résultat d’une absence consternante de connexion entre ce qui est proposé et ce qui est attendu, entre ce qui est promis et ce qui est réalisable. Dès lors, ne votent plus que ceux qui ont un intérêt effectif et bien calculé à conserver le statu quo (avant de partir en laissant la note aux générations futures), et les naïfs qui croient encore à toute la batterie d’instruments à vent qui joue frénétiquement chez les principaux partis politiques.

Pour tous ceux dont les perspectives sont maintenant nulles de tirer un quelconque bénéfice du système actuel, le vote n’a plus aucune importance : quoi qu’ils fassent, ils seront tondus, exploités et ouvertement méprisés voire jugés systématiquement coupables, parce qu’ils ne sont pas de la bonne communauté religieuse, du bon sexe, de la bonne localité, de la bonne couleur de peau ou, pire que tout, ont un travail régulier et quelques économies.

Le pompon est atteint lorsque toute la classe jacassante (politiciens et médias à l’unisson) feint de croire à une spécificité réelle entre les différents parfums de la gauche extrémiste et la molle majorité présidentielle : il suffit de voir les appels presqu’enamourés des sbires de Macron à voter pour les députés de la NUPES à chaque fois qu’un politicien du Rassemblement National menace d’obtenir un mandat pour comprendre que tout ceci n’est, encore une fois, qu’une mascarade tragique.

Eh oui : il n’existe aucun « front républicain » contre les extrêmes, seulement contre la droite. En revanche, il existe beaucoup d’intérêts convergeant tous à gauche (le hasard est total), et les médias, eux-mêmes généreusement à gauche, ne dénoncent surtout pas cette asymétrie pourtant criante de la vie politique française.

Tout ceci n’aboutit qu’à polariser encore plus la population française qui n’avait probablement pas besoin de ça : ceux qui payent d’un côté et ceux qui profitent de l’autre, ceux qui ont tout compris de la mondialisation et ceux qui se la prennent en pleine figure, deux fois et avec des poignées de chardons, ceux qui votent pour qu’on continue le même délire (avec les coureurs du Chon, et les marcheurs du petit ‘Cron) et ceux qui ne votent plus parce que, finalement, à quoi bon ?

Cette polarisation, déjà largement visible dans les précédents votes et de plus en plus aigüe à chaque année qui passe est maintenant en train de dégénérer : à force de politiques tribalistes, applications cyniques d’un diviser pour mieux régner poussé à son paroxysme, et des médias qui excitent ces tendances d’autant plus qu’ils sont explicitement payés pour, la société française n’est plus qu’une cocotte minute de frustrations et de jalousies, une arène où se joue la guerre de tous contre tous et où le moindre événement sera le prétexte à des émeutes et des révoltes de plus en plus violentes.

Si ces élections nous montrent quelque chose, c’est que les prochains mois ne pourront pas être calmes.

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