18 avril 2022

La guerre en Ukraine oblige les épargnants à faire le point sur leur portefeuille

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Le discours de Poutine a consisté à expliquer qu’un changement de régime en Ukraine était nécessaire pour la sécurité de la Russie. Il considérait que l’OTAN était une organisation perfide qui constituait une menace existentielle pour la Russie. Pour lui les gouvernements ukrainiens depuis 2014 sont des marionnettes illégitimes des États-Unis. Il n’y avait donc que deux solutions : soit la Russie envahissait l’Ukraine, soit les États-Unis faisaient de la Russie un satellite occidental. Résultat, les millions de réfugiés qui se sont dirigés vers l’ouest depuis l’Ukraine ne sont que le début de cet événement majeur pour l’Europe.

La résistance acharnée des soldats et des civils ukrainiens a forcé la main des dirigeants occidentaux à agir. La décision de sanction contre les banques russes et la banque centrale est une escalade majeure de la part des puissances occidentales.

Le scénario le moins mauvais pour les citoyens ukrainiens serait que Poutine revendique la victoire et se retire dans la partie orientale du pays. Le scénario le plus inquiétant serait le développement d’une insurrection tenace qui menacerait probablement la sécurité des pipelines traversant l’Ukraine.

Les prix du pétrole vont encore monter

Les prix de l’énergie vont encore monter. Cela pourrait transformer le pic d’inflation actuel en une stagflation durable. Au lieu d’acheter de l’énergie bon marché en euros, l’Europe va devoir acheter de l’énergie chère en dollars américains. La hausse de la devise américaine aura des répercussions sur tous les marchés mondiaux. Les guerres se révèlent toujours inflationnistes

La vente de pétrole en Renminbi n’est pas pour demain.  Deux raisons expliquent que l’Arabie saoudite hésite à l’idée que le pétrole soit vendu pour du renminbi. 1/ Les dirigeants des émirats du Moyen-Orient n’ont plus confiance dans la politique étrangère américaine dans la région. Les princes saoudiens ne veulent pas prendre le risque de voir à leur tour un jour leurs actifs saisis comme cela s’est passé pour les oligarques russes.

2/ Les producteurs du Moyen-Orient savent que des pays comme la Chine et l’Inde deviendront des acheteurs de plus en plus dominants, il est donc préférable de verrouiller les accords de paiement actuels en dollars ou en Euros avant de changer de devise.

Pourtant, l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le gel des réserves russes, la saisie des avoirs des oligarques et les sables géopolitiques mouvants du Moyen-Orient semblent mettre en place un monde très différent.

Une flambée des cours de l’or est probable

Les investisseurs vont chercher à augmenter leur allocation dans l’or. La demande de bons du Trésor américain devrait se réduire alors que Le World Gold Council estime qu’un peu moins de 200 000 tonnes d’or ont été extraites dans l’histoire de l’humanité. Aujourd’hui, cet or vaut 12 000 milliards de dollars, ce qui est peu par rapport au commerce mondial, qui représentait 28,5 trillions de dollars l’an dernier. Néanmoins, la Chine et d’autres exportateurs pourraient souhaiter être payés en métal jaune. Si tel est le cas, le ratio de l’or au commerce mondial devra s’ajuster, soit par une flambée du prix de l’or, soit par une contraction du commerce mondial.

Les investisseurs sont donc confrontés à un problème d’allocation d’actifs. Si la guerre en Ukraine continue, les investisseurs doivent continuer à détenir des métaux précieux, de l’énergie et des actions américaines, et à rester aussi loin que possible de l’Europe.

Parallèlement les tirs récents de roquettes iraniennes sur le Kurdistan irakien semblent avoir anéanti les espoirs qu’un accord à court terme sur le programme nucléaire iranien pourrait conduire à la fin de l’embargo américain sur les exportations de pétrole iranien.

Si la situation perdure, l’idéal serait de posséder aussi des biens immobiliers et financiers à Dubaï, Singapour et même à Hong Kong. Même si les sanctions occidentales contre la Russie sont levées, le précédent a été créé et ces centres financiers semblent au moins aussi susceptibles de prospérer à l’avenir que les centres européens.

Une surperformance des actions chinoises serait logique

Les actifs considérés comme anti fragiles n’ont pas joué leur rôle. C’est une préoccupation pour les investisseurs, car ils avaient commencé à considérer l’énergie verte et les actions technologiques américaines comme anti-fragiles…. Ce qui a émergé comme une classe d’actif procurant un rendement solide et régulier au cours de ces derniers mois, ce sont les obligations d’État chinoises. Les trois classes d’actifs qui s’avèrent désormais anti-fragiles sont les obligations chinoises, l’énergie et les métaux précieux.  Elles sont largement absentes de la plupart des portefeuilles.

Une nouvelle longue période de surperformance des prix des actifs chinois est peut être devant nous.  Le schiste fournissant une énergie bon marché a très largement profité aux actifs américains qui ont surperformé. La Chine profite d’une position énergétique avantageuse.  Elle avait décidé de rouvrir ses mines de charbon et de démarrer ses centrales électriques au charbon, avant même d’avoir la possibilité d’acheter de l’énergie russe à prix réduit dans sa propre devise. La Chine s’est positionnée pour devenir le principal consommateur mondial d’énergie bon marché. Si Pékin peut désormais signer des accords énergétiques à long terme payables en renminbi, la position énergétique de la Chine s’améliorera considérablement. Cela pourrait-il alors déclencher une hausse des actions chinoises.

Les épisodes précédents de désaffection étrangère envers les actions chinoises ont été transitoires. La baisse des valeurs technologiques n’est pas terminée car les perspectives des acteurs technologiques chinois restent difficiles. La Chine n’a aucune incitation à mettre en péril ses relations commerciales avec l’Occident à propos de la Russie, car Il est peu probable que la Chine se libère avant 2030 de sa dépendance technologique.  Bien que des efforts pour accroître son autosuffisance soient en cours des sanctions empêcheraient de nombreuses entreprises chinoises de continuer à fabriquer des biens en raison du manque de composants qui doivent être importés. La Chine doit réinventer tous les outils matériels et logiciels nécessaires pour atteindre l’autosuffisance en semi-conducteurs. Aujourd’hui, les capacités technologiques du premier fabricant de puces chinois, SMIC, ont environ six ans de retard sur celles du premier fabricant de puces mondial, TSMC. Mais même cela sous-estime considérablement la faiblesse de la Chine dans les semi-conducteurs. Les fabricants de puces chinois dépendent d’équipements de production provenant principalement des États-Unis, des Pays-Bas et du Japon qui ont tous rejoint les sanctions contre la Russie.

Tout effort pour exercer plus de pression sur la Chine par le biais de nouvelles sanctions serait probablement une mauvaise idée. Le problème est que, compte tenu des chaînes d’approvisionnement mondiales sous tension, de l’inflation galopante et de la profonde intégration de la Chine dans le commerce mondial, sanctionner Pékin pourrait avoir un effet néfaste.

Les risques identifiés concernent surtout l’Europe

L’ampleur du choc qui touche l’Europe” depuis le 24 février équivaut pour le moment à 2 % du PIB de la zone euro. Il y aura des effets secondaires sur la demande des consommateurs. Depuis l’arrivée du Covid, les niveaux d’endettement de l’Europe du Sud ont augmenté fortement. Et jusqu’à présent, les capitales du Nord ont été réticentes à approuver la mutualisation supplémentaire de la dette. L’Europe du Sud souhaite financer de nouvelles mesures d’allègement. À court terme, il est donc peu probable que la politique budgétaire compense la crise de croissance à venir en Europe.

Un risque systémique sur les marchés dérivés des matières premières surviendra, si un vendeur de protection fait faillite. En raison de l’imposition par l’Occident de sanctions financières à la Russie les acteurs russes des produits dérivés ne peuvent plus accéder au dollar américain pour faire face à leurs obligations. Les marchés pourraient donc être confrontés à une réaction en chaîne du type de celle qui est survenue en 2008. Elle a eu lieu en raison de la discontinuité qui a frappé le système financier américain lorsque le Trésor a refusé de garantir les obligations émises par Fanny Mae.

Dans cet environnement, le système bancaire de la zone euro a une base de capital précaire.

Le marché du crédit aux États-Unis approche de niveaux qui suggèrent qu’une récession est possible.

L’heure du crash est -elle arrivée à Hong Kong ? Des flux constants de professionnels locaux et d’expatriés quittent Hong Kong. L’endettement des ménages de Hong Kong est faible alors que les familles disposent de montant élevés de liquidités. Le taux de chômage est bas. En raison d’une répression plus stricte du Covid , le marché immobilier de Hong Kong fait face aux vents contraires les plus violents.  Une chute de -20 % ou plus, comparable à celle de 2008, est facilement concevable. Mais la baisse sera maitrisée et le risque systémique pour le secteur financier de Hong Kong est faible.

Compte tenu d’un environnement particulièrement incertain tous les investisseurs qui visent une préservation de leur épargne devraient veiller à équilibrer leur portefeuille en quatre postes de 25% : 1/ Liquidités, 2/ Actions de sociétés en mesure d’augmenter leurs prix en période d’inflation 3/ Obligations offrant un taux réel positif dans une monnaie orientée à la hausse 4/ L’or. Les études réalisées sur ce type de portefeuille montrent qu’il peut dans la durée passer dans de bonnes conditions au travers de périodes de forte volatilité.

Jean-Jacques Netter

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