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28 juillet 2021

Incendies des fermes solaires à batteries lithium-ion

Alors qu’en Europe, et en France, essaiment les sites de stockage sur batteries afin de combler l’intermittence des énergies renouvelables, deux physiciens tirent la sonnette d’alarme : ces «fermes» pourraient provoquer de véritables désastres. Le point auprès de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques.

«C'est comme une bombe potentielle. Lorsque les batteries prennent feu, vous ne pouvez pas simplement les arroser d'eau.»

Professeur émérite de physique à l’université d’Oxford, Wade Allison s’est inquiété des risques liés aux sites de stockage sur batteries de grande capacité. Des craintes exprimées dans une interview au Daily Mail. Ces systèmes servent à emmagasiner l’électricité produite par les énergies renouvelables. Ils deviennent de plus en plus prisés à travers l’Europe.

Dossier «explosif»

Selon un rapport qu’a co-écrit le professeur Allison, en cas de graves défaillances, ce type de structure pourrait causer des dégâts dépassant ceux de l’explosion de Beyrouth. En effet, ces «fermes» abritent une énergie électrochimique équivalente à des centaines de tonnes de TNT, écrivent les auteurs du document. Ils signalent la possibilité d’explosion. En outre, selon eux, en cas d’incendie de ces «fermes», des émanations toxiques pourraient ravager les villages environnants. Une hypothèse à ne pas prendre à la légère. La Corée du Sud a connu vingt-trois incendies sur ce type d’installation en deux ans! Dans l’Illinois, un site abritant 200.000 batteries lithium-ion a brûlé pendant trois jours. Résultat: il a fallu évacuer des milliers de résidents.

Sputnik a sollicité Benjamin Truchot, chargé de mission - Approche intégrée de l’observation à la simulation au sein de la direction Incendie Dispersion Explosion, de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris). Le spécialiste explique que, sur ces ensembles de batteries, il peut effectivement y avoir une «succession d’emballements thermiques».

«Sur une batterie de type lithium-ion, vous avez une électrolyte qui est combustible et vous avez des mécanismes chimiques au sein de celle-ci. Ce que l’on appelle emballement thermique».

Des batteries qui pourraient donc prendre feu en chaîne. «Les cellules des batteries vont libérer successivement leur électrolyte, qui est un mélange de solvant inflammable, sous l’effet de la chaleur», indique notre interlocuteur. Le sinistre peut engendrer des températures flirtant avec les 600°C.

Le rapport jugé trop «alarmiste»

Suffisant pour créer une explosion de grande envergure comme celle qui a ravagé le port de Beyrouth et démoli une grande partie de la capitale libanaise? Rien n’est moins sûr, relativise Benjamin Truchot: «L’énergie disponible n’est pas la même, les conséquences non plus… Cela n’a pas grand-chose à voir avec une explosion d’engrais comme ce qui s’est passée à Beyrouth.» Ainsi il avance que, même quand on a affaire à de grands conteneurs de batteries, ceux-ci restent divisés en cellules relativement petites. Comme celles-ci ne s’embrasent que les unes après les autres, il n’y a pas lieu de redouter une «explosion» d’une intensité exceptionnelle.

​«Donc éclatements de ces cellules, oui… projections, oui. Mais tout cela ne causera de dégâts qu’à des distances relativement limitées. C’est vraiment de la proximité immédiate: une dizaine de mètres grand maximum pour ces effets de projection», estime l’expert.

Les physiciens du rapport se seraient-ils montrés catastrophistes? Le membre de l’Ineris estime en effet qu’il y a «un côté alarmiste» dans leur propos, car «ils ont mis en avant des points très particuliers» et «les ont un peu montés». Néanmoins, on est face à «un regroupement de matériaux énergétiques», avertit notre intervenant.

Pour éviter d’éventuels problèmes, le ministère français de l’Environnement travaille sur une réglementation spécifique. Des mesures préventives pourraient être adoptées. Par exemple, des systèmes d’«inertage [injection d’un gaz inerte, ndlr] sur détection précoce» des gaz de combustion, des systèmes d’extinction à eau, ou encore un éloignement minimal à respecter entre les conteneurs.

Des «fermes» de plus en plus nombreuses

Pourtant, les infrastructures de ce type se répandent à travers le monde. Et pour cause, les sources d’électricité renouvelable comme l’éolien et le solaire ont connu en 2020 leur plus forte croissance en vingt ans. Selon l’Agence internationale de l’énergie, la capacité de production d’électricité renouvelable a grimpé de 45% par rapport à 2019. La gestion de l’intermittence de ces sources d’énergie reste un point crucial. Pour répondre à cette problématique, en Bourgogne par exemple, le Réseau de transport d’électricité (RTE) a lancé il y a un an une expérimentation qui permettra à terme de stocker la consommation de deux heures de pointe de 10.000 foyers (24 MW/h), grâce à plus de 5.600 batteries. À Dunkerque, Total a initié un projet similaire. Un système de stockage lithium-ion qui disposera d’une capacité de stockage de 25 MW/h).

Les «fermes» à batteries ont donc de l’avenir. Mais, pour ne pas gâcher celui de la planète, on devra édicter une réglementation efficace.

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