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26 avril 2021

Elle a quitté la Provence et fui «la dictature sanitaire» pour vivre en Russie

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C’est un cheminement à la fois artistique, spirituel et politique qui a amené Laurence Guillon à quitter la chaleur de sa Provence natale pour la province d’Iaroslavl, non loin de Moscou. Battant en brèche quelques idées reçues, elle affirme respirer en Russie un air de liberté qui lui faisait défaut en France. Témoignage.

On entend quelquefois parler français dans la petite ville de Pereslavl-Zalesski, à 150 km au nord-est de Moscou.

Laurence Guillon a laissé derrière elle son Midi natal. Elle vit désormais dans une maison en rondins de bois et va se baigner dans un lac cristallin, où Pierre le Grand s’initiait jadis aux batailles navales. Pour cette Provençale, «inquiète pour l’Occident, qui va à sa perte», vivre en Russie revient également à fuir une «dictature sanitaire qui se transforme en dictature électronique

Orthodoxe, Laurence est sensible à la culture russe. Elle s’est liée d’amitié avec des cosaques et chante avec eux des chansons anciennes, accompagnée d’instruments ancestraux.

Un départ avec un «pincement au cœur»

Laurence Guillon a vécu et travaillé comme enseignante en Russie pendant 16 ans. Obligée de repartir en France pour des raisons personnelles, «la mort dans l’âme», elle ne se sentait plus à l’aise dans sa Provence natale. Pour cette fervente orthodoxe, c’est un conseil du père Placide, prêtre au monastère de Solan, dans le Vercors, qui a été l’élément déclencheur de son retour en Russie. Et voilà qu’il y a cinq ans, elle s’est de nouveau installée sur les terres russes, dans la province d’Iaroslavl, vendant sa maison française et partant avec juste quelques valises.

«Quand vous êtes orthodoxe et que vous vous déplacez en soutane, vous avez l’hostilité musulmane, mais aussi l’hostilité non des catholiques, mais des anticléricaux. Il y en a plus en France qu’en Russie», souligne Laurence, évoquant le quotidien des prêtres du monastère de Solan.
Laurence fait remarquer qu’en Russie, «les gens se signent dans la rue et font des processions» et qu’elle trouve rarement des commentaires hostiles dans son blog. Mais parlant de la France, elle observe la mutation de la notion de l’«État laïque» depuis les années 1960, quand elle allait à l’école et «qu’on avait officiellement les vacances de Noël et de Pâques
«La laïcité consistait à ne pas parler de la religion à l’école, mais à tolérer tout le monde. Actuellement, la tolérance consiste à imposer certaines idées qui sont les seules à avoir droit de cité. Si vous n’avez pas ces idées, si vous vous accrochez à votre héritage, vous êtes un réac et un facho», déplore Laurence.

Le tournant «soixante-huitard», teinté pour Laurence de «trotskisme», l’impressionne fortement lors de ses études à l’université. Elle ne s’y est guère retrouvée.

Le retour «dans le bon camp»

À chaque retour en Russie et au gré de ses multiples séjours, Laurence Guillon sent un pincement au cœur. Des multiples concerts avec le «Cercle cosaque» dirigé par Vladimir Skountsev, la rassurent comme la perturbent: «je me sentais exclue, je me disais “je ne suis plus là-dedans”.» Au cœur de cette crise existentielle, la goutte d’eau qui fait déborder le vase est la couverture du conflit de Donbass par les médias français.

«Quand j’habitais Moscou, je voyais un décalage entre la vie que j’observais autour de moi et ce que l’on racontait en France ou sur Euronews sur cette vie. Il y a des choses qui m’énervent en Russie, je râle comme tous les Français. Mais quand ils parlent d’absence de liberté d’expression ici, je vois tout le contraire», s’insurge Laurence Guillon.
Voir les «débats [télévisés, ndlr] avec des opinions opposées» en Russie, conforte Laurence dans l’idée que «les débats russes sont plus honnêtes que les débats français». Elle apprécie notamment que lors des discussions sur l’Ukraine, on invite également les Ukrainiens: «on s’engueule un coup, mais on s’exprime», souligne la Française russe de cœur.
«En France, ce sont des tribunaux populaires: on invite quelqu’un, soi-disant pour lui donner la parole, mais on fait tout pour ne pas le laisser parler et le faire passer pour un crétin ou un emmerdeur. Autant pour des masques que pour n’importe quel autre sujet», avance Laurence.

Les «mensonges», le désir de «vilipender des gens du Donbass pour justifier ce qu’on leur fait» révoltent toujours autant Laurence. Dans la couverture du conflit dans le Nord-est ukrainien, «il n’y avait qu’un journaliste français qui a fait quelque chose d’honnête, Vincent Morelli! On l’a trainé dans la boue», rappelle-t-elle. Laurence en est persuadée: la Russie est le «bon camp».

Une «anar’ de droite» qui joue de la vielle à roue

Ne soutenant «en aucune manière» la politique occidentale, s’étonnant des critiques extérieures des décisions de politique intérieure russe, Laurence assure «se sentir psychologiquement plus confortable» en Russie.

«Imaginons que Poutine reste trente ans […] Mais la mère Merkel est là depuis 18 ans! Ça ne choque personne. Même si tout n’est pas parfait en Russie, j’y vis librement, personne ne m’emmerde», souligne Laurence.
Cette liberté, Laurence Guillon la trouve également dans l’expression artistique. Écrivaine et chanteuse, elle a fui «le snobisme» de l’art occidental, avec ses «créneaux» et son univers «idéologisé», où il lui était «impossible de faire son trou». Laurence prétend avoir des idées d’«anar’ de droite, comme Céline ou Audiard», mais reste une pratiquante orthodoxe et fine connaisseuse du folklore français et russe. La viole à roue, un instrument médiéval importé de France, gémit et tremble dans ses mains au rythme des chants religieux des vieux-croyants russes.
«La politique, je n’y crois pas! Je m’en occupe, parce que dans ce monde inquiétant, on est amenés à faire des choix politiques. Mais c’est l’art et l’orthodoxie, très liés pour moi, qui me font vivre», souligne Laurence Guillon.
La spiritualité de l’art, que Laurence oppose à «l’art intello, plus répandu en France qu’en Russie», fait qu’elle accueille à Pereslavl-Zalesski une nuée d’artistes «tolérants aux idées contraires». Dans ce cercle d’amis proches, cette Française devenue Russe peut pratiquer l’art tel qu’elle l’entend: «celui qui permet de cultiver l’âme».
«C’est une fonction naturelle de l’être humain. J’ai une conception traditionnelle de l’art. Je suis médiévale de caractère. Et j’aime beaucoup l’art populaire russe», conclut Laurence Guillon.

Seul bémol à ce tableau de retour aux sources: Laurence doit se rendre régulièrement à Moscou pour prolonger son titre de séjour. Elle aurait tant aimé avoir un passeport russe !

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