C'est l'heure des comptes. Suite à l'incendie qui s'est déclaré dans la nuit du 9 au 10 mars sur le site d'OVHCloud à Strasbourg, 3,5 millons de sites web représentant 464 noms de domaines distintcs (soit en incluant les sous-domaines) se sont retrouvés hors ligne. Le chiffre est publié par Netcraft, spécialiste américain du monitoring d'Internet. "Plus de 18% des adresses IP attribuées à OVH dans notre dernière Web Server Survey publiée il y a deux semaine ne répondaient plus hier entre 7h et 8h du matin", indique Netcraft. Alors que les GAFAM pénètrent l'Europe avec une force concurrentielle sans merci, c'est une véritable déflagration pour la French Tech dont l'image va de facto se ternir. Son porte-flambeau subit la plus importante catastrophe industrielle de son histoire... et de celle de la French Tech.
Le site Downdetector recense de son côté plusieurs centaines de rapports d'erreur. Le datacenter Strasbourg 2 (SBG2) du cloud français a été entièrement ravagé par les flammes. Du côté du SBG1, quatre salles serveurs ont été détruites. Huit ont échappé à l'incendie. Quant à ses salles réseau, elles ont aussi été épargnées. "Les serveurs de SBG3 n'ont pas non plus été impactés", précise Octave Klaba, PDG d'OVHCloud sur Twitter. Par mesure de précaution, l'électricité a été coupée sur l'ensemble du site, ce qui impacte SBG3 ainsi que SBG4. Des dirigeants d'OVH sont sur place, selon un journaliste des Dernières nouvelles d'Alsace.
"Nous prévoyons de redémarrer les centres de données SBG1 et SBG4, et leur réseau associé, d'ici lundi 15 mars prochain, et SBG3 d'ici le vendredi 19 mars", promet Octave Klaba sur Twitter. "Sur nos datacenters de Roubaix et Gravelines, nous disposons d'un stock de nouveaux serveurs prêts à être délivrés à l'ensemble des clients impactés. Evidemment gratuitement. Nous acheminerons 10 000 serveurs dans les trois à quatre prochaines semaines."
Un communiqué de presse a également été diffusé par OVH : "Ce mercredi 10 mars 2021, à 00h47, un incendie s'est déclaré dans une salle d'un de nos quatre datacentres strasbourgeois, SBG2. Nous précisons que le site ne fait pas l'objet d'une classification Seveso. Les pompiers sont immédiatement intervenus sur site afin de protéger les équipes et limiter la progression de l'incendie. Ils ont ainsi procédé à l'isolation complète du site et de son périmètre dès 2h54. À 4h09, le feu a détruit SBG2 et continuait de présenter des risques pour les datacentres voisins jusqu'à ce que les pompiers prennent le contrôle complet de l'incendie. [...] L'incendie est désormais circonscrit." Le PDG d'OVHCloud a immédiatement recommandé à tous ses clients d'activer le "Disaster Recovery Plan".
Situé sur un ancien site du sidérurgiste ArcelorMittal dans le quartier du Port du Rhin à Strasbourg, le site d'OVHCloud a commencé à s'enflammer à 0h40 dans la nuit du 9 au 10 mars. Mobilisant 115 pompiers, 43 véhicules, six lances-canons et deux échelles, il a finalement été circonscrit aux alentours de 5h30 du matin. "Des moyens opérationnels ont également été mobilisés par les autorités allemandes", indique la préfecture du Bas-Rhin dans un communiqué. Les quelques collaborateurs présents sur site ont rapidement été pris en charge par les pompiers.
Incendie sur le site d'OVH Cloud à #Strasbourg : une centaine de #Pompiers67 a été mobilisée cette nuit dont le bateau-pompe franco-allemand Europa1. Les actions menées ont permis de préserver la majeure partie des bâtiments de l'entreprise. COD activé. Pas de blessé. pic.twitter.com/RKjI6F9DB7
— SDIS du Bas-Rhin (@sdis67) March 10, 2021
Mais les dommages sont importants. Aux côtés de SBG2 qui a été entièrement détruit, le datacenter SBG1 aura donc été largement touché. "Les pompiers ont pu protéger SBG3. Pas d'impact sur SBG4 ", a tweeté Octave Klaba. Pour rappel, les serveurs d'OVH hébergent une majorité des sites web en France.
SBG2, le datacenter où le feu s'est déclaré, compte cinq étages et s'étend sur un total de 500m2. Les flammes sont montées à plusieurs dizaines de mètres. Inauguré en 2012, il possède une capacité de 12.000 serveurs. Il abrite une partie de la très stratégique offre Hosted Private Cloud ciblant les grands clients d'OVHCloud. Cette solution d'IaaS basée sur la technologie de virtualisation de VMware est entièrement infogérée par les équipes du groupe. SBG2 héberge également des serveurs dédiés utilisés par de nombreux sites web français.
S'exprimant sur Twitter, certains clients ayant omis de faire une sauvegarde de leurs données se retrouvent en grande difficulté. Ils ont tout perdu. C'est le cas du jeu Rust, ou encore du cabinet d'huissiers Leroi & Associés qui indique avoir perdu ses mails suite à l'incendie. A l'image de ce cabinet, de nombreux utilisateurs issus de presque toutes les régions de France s'inquiètent sur le forum de Downdetector de l'impossibilité d'accéder à leur messagerie chez OVH.
Des conséquences qui démontrent l'importance de souscrire à un service de sauvegarde sur un datacenter situé sur une autre géographie, voire chez un autre provider pour pallier les pannes qui pourraient affecter tous les centres de données du fournisseur, tel un crash réseau pouvant se répercuter par ricochet à tous les services.
Toujours sur Twitter, Octave Klaba indique qu'un plan d'actions est déployé dans les deux semaines. Au programme : la remise en service de l'alimentation électrique du datacenter SBG3 (de 20 kWh), mais aussi celles de SBG1 et de SBG4 (de 240 kWh). Les équipements d'une des salles réseau de SBG1 seront également vérifiés : routeurs, commutateurs, multiplexeurs DWDM. Le groupe prévoit en parallèle de construire une salle réseau temporaire pour le SBG5. Les équipements nécessaires à sa mise en œuvre devaient arriver sur le site dans la matinée du 11 mars. Enfin, le raccordement en fibre optique aux datacenters d'OVHCloud de Paris et Frankfurt ont d'ores et déjà été contrôlé et n'a pas été touché par l'incendie.
De multiples sites web touchés
La liste des sites et services touchés s'allonge : data gouv (qui a depuis été remis en ligne), les sites d'Esri France, du Centre Pompidou à Paris, du CREPS Rhône-Alpes, de la Fédération des Médecins de France, de Génération 5, du Kiosque So Press, de l'agence Resoneo, de l'Office de tourisme de Colmar... De multiples annonces sont faites sur le réseau social.
Nos confrères des DNA ont également recensés les sites suivants : ceux de l'aéroport de Strasbourg, de l'ENT (espace numérique de travail) ONE & NEO à Sarreguemines, de la ville de Cherbourg, du comité d'entreprise de Peugeot-Sochaux, de la brasserie Meteor, du site de réservation de scooters électriques Cityscoot (en région parisienne), de la ville de Vichy, du club de rugby de Clermont-Ferrand, du site de l'UPR (le parti politique de François Asselineau), du stade de Caen, de l'office de tourisme de Saverne, celui de Recyclivre, de l'université populaire européenne. A noter que des sites allemands, italiens, espagnols, polonais ou turcs sont aussi touchés par la panne.
BFM cite de son côté les sites et services suivants : ceux des villes d'Arras ou de Saint-Ouen, plusieurs médias, dont Le Nouveau détective et Front populaire, le média lancé par Michel Onfray. Le site Internet de la chaîne évoque également des clubs sportifs, dont l'ASM Rugby, l'US Créteil Handball ou encore l'AS Saint-Priest.
Un système anti-incendie peu efficace
Reste à savoir si le système anti-incendie déployé dans les datacenters d'OVH à Strasbourg a bien fonctionné. Un dispositif de détection des feux y est bien installé, et des exercices anti-incendie y sont réalisés tous les 6 mois. Mais les premières flammes qui se sont déclarées au sein du datacenter SBG2 ont-elles été identifiées par ce système ? Les procédures prévues ont-elles été correctement mises en œuvre ? Au-delà de ces questions, une certitude demeure : Les centres de données d'OVHCloud à Strasbourg ne sont pas dotés de réseaux d'extinction. Ils ne sont pas équipés de gicleurs d'eau comme c'est le cas dans les datacenters d'OVHCloud à Beauharnois au Canada, ni de brumisateurs haute pression permettant de résorber les flammes tout en protégeant les machines contre l'eau, ni de gaz inerte, à l’instar de la plupart des datacenters du marché. Des gaz qui ont pour vocation de vider les salles serveurs de leur oxygène pour étouffer l'incendie en évitant là-encore de causer des dégâts aux équipements.
L'information intervient alors qu'OVHCloud a annoncé ce 9 mars son intention d'entrée en bourse. Octave Klaba et sa famille entendent néanmoins conserver la majorité des actions suite à l'opération.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.