02 octobre 2020

La vie des balles


Une balle de fusil se déplace à une vitesse qui dépasse largement celle du son (340 m/s au niveau de la mer). La 7,62 M43 de la Kalachnikov AK-47 a une vitesse initiale (car bien sûr elle diminue au cours du déplacement) de 720 m/s, ce qui est plutôt lent comparé, par exemple, à la 5,56 F1 du Famas qui part à 930 m/s. Il existe bien sûr des projectiles subsoniques, pour des usages spécifiques et avec certaines contraintes mais c’est rare. Je n’en parlerai pas.

Comme tout objet supersonique cette balle déplace autour d’elle une onde de surpression de l’air qui se matérialise par un « bang » violent. Contrairement à une légende, cela ne correspond pas à au franchissement du mur du son. C’est un phénomène qui accompagne l’objet tout au long de sa trajectoire supersonique. J’ai toujours eu beaucoup de mal à savoir jusqu’à quelle distance le bang d’un petit objet comme de fusil pouvait être audible, sur des centaines de mètres certainement mais vraiment fort sur quelques dizaines de mètres.

Le problème est que ce « bang » ressemble beaucoup à celui de la détonation de départ, qui elle-même provoque une onde qui se déplace…à la vitesse du son. Pour compliquer le tout, le tir du même projectile va entraîner un troisième bruit : un sifflement provoqué par le cône de vide juste derrière la balle. Là encore, je ne connais pas la distance maximale pour ce sifflement (tous les avis experts seront appréciés).

Une balle provoque donc trois bruits dans l'air que nous baptiserons : TAC pour le claquement du bang, SI pour le sifflement et TO pour la détonation de départ. Après il y a bien sûr le bruit de l'impact, en espérant que celui-ci ne soit qu'à proximité. Retenez que si vous entendez des impacts, c'est que vous être relativement proche et que ceux-ci se confondront plus ou moins avec les TAC. Considérez-les de la même façon pour comprendre la suite.

Ces trois bruits dans l'air peuvent être pollués par d’autres, des échos sur des bâtiments par exemple. Ils sont normalement assez caractéristiques et je n’en parlerai pas. En revanche, la connaissance des interactions des trois sons directs produits par une balle dans l'air constitue un paramètre important de la survie sur le champ de bataille. Imaginons quelques cas de figures.

Un tireur perché en haut d’un bâtiment à 600 m, et tire dans votre direction, par très loin mais pas sur vous : vous aurez entendu successivement TAC et TO.

Si vous ne connaissez pas l’existence de l’onde de Mach et de TAC, vous le confondrez avec TO, la détonation de départ. Vous croirez qu’on vient de vous tirer dessus depuis un endroit très proche. Ce sera une erreur grossière, qui peut vous amener à des réactions dangereuses (vous poster et/ou riposter face à une mauvaise direction ; vous placer ainsi, immobile, dans une position où le tireur, où contrairement à ce que vous pensez, vous voit toujours). Vous entendrez le deuxième bruit qui vient à vous, TO donc si vous suivez, mais vous le négligerez probablement car plus sourd et surtout plus lointain, vous le considérerez comme un autre tir (d'où les comptes-rendus qui annoncent bien plus de tirs et de tireurs qu'en réalité) nettement moins dangereux. Dans tous, les cas vous serez perdu.

Si vous connaissez le phénomène, vous aurez compris qu’une balle est passée pas loin de vous et vous attendrez le TO (un bruit beaucoup plus sourd et qui se traîne à la vitesse du son) qui viendra un tout petit peu plus tard. Le décalage entre TAC et TO vous donnera un indice très grossier de la distance (n'oubliez pas que quand vous entendez le TAC, le TO s'est déjà déplacé). Retenez qu'avec un décalage d'une seconde environ vous êtes entre 300 et 600 mètres du tireur. Vous aurez surtout une meilleure idée de l'endroit où il se trouve. Vous pourrez donc réagir de manière plus judicieuse.

Au passage, ne croyez pas comme le bang est puissant qu’il s’agit de munitions explosives, non c’est un bruit normal de projectile plein. C’est ce bruit fort et surprenant qui vous incite par réflexe à baisser la tête et les épaules, ce qui ne sert évidemment à rien car le projectile est déjà passé. Ce n’est pas tant l’habitude qui vous empêche d’avoir ce réflexe que l’attention. Si vous vous attendez à entendre ce bruit (ce qui, il est vrai, se confond souvent avec l’habitude), vous ne bougerez pas plus que ça. Sinon, surpris, même ancien, balafré et tatoué, vous sursauterez.

Si en plus vous entendez un SI juste après le TAC, cela ne change rien fondamentalement au phénomène sinon que vous savez que la balle est passée très près et que donc, information précieuse, c’est sans doute vous qui étiez visé. Rappelez-vous alors qu’à cette distance, les deux secondes nécessaires à la balle pour venir à vous, vous permettent de faire plusieurs mètres. Si vous ne pouvez pas vous mettre à l’abri, bougez ! Vous pouvez même vous baisser. Vous réduirez considérablement la probabilité d’être touché.

Variante fréquente : vous pouvez entendre TAC, TAC, TAC, etc…puis TO ou même TO, TO, TO. Félicitations, vous êtes dans l’axe d'un tir en rafale ou d'une mitrailleuse. Dans ce dernier cas, le calibre est généralement plus important, les claquements sont plus forts (jusqu’à devenir écrasants lorsqu’ils passent au-dessus de votre tête) et la distance des projectiles par rapport à vous peut-être plus importante. Le phénomène reste cependant le même. Il faut attendre la fin de la séquence et, encore une fois, l’arrivée du TO ou des TO pour avoir l’origine et la distance du tir. C'est même en général plus facile car vous avez plus d'informations. Vous entendrez deux séries de bruits, des TAC dans l'air ou sur le sol, les murs, etc. puis des TO et plus il y en a et plus le tireur est loin (le dernier TO correspond au dernier TAC). Au passage, si vous vous apercevez que deux séquences successives de TAC+ TO ne se ressemblent pas, vous pouvez effectivement dire à ce moment-là qu'il y a probablement deux tireurs.

Petite particularité des tirs en rafales : vous pouvez aussi les voir arriver avant de les entendre (la lumière va plus vite que le son), de nuit bien sûr si le tireur n'est pas caché ou si les balles touchent quelque chose en allant dans votre direction. Dans un tir unique, hors ricochet malheureux, le choc va neutraliser la balle et vous ne serez plus menacé par elle (mais d'autres peuvent venir et vous êtes averti). Pour un tir en rafales en revanche, voir des impacts ne signifie pas la fin du danger. Pour de nombreuses raisons, les balles ont plutôt tendance à partir plus haut qu'on ne voudrait, le mitrailleur peut donc tirer sciemment trop bas pour corriger cela et savoir où il tire.

Maintenant, vous ne pouvez entendre aussi qu’un seul bruit. Dans ce cas, soit, bonne nouvelle, vous n’êtes pas dans l’axe du tir (les TAC vont dans une autre direction et vous n’entendez que le TO, qui, lui, va dans toutes les directions) ; soit, et selon les situations cela peut-être une mauvaise nouvelle, vous êtes très proche du tireur et là tout se confond. Si vous n’êtes pas armé et que vous n’avez rien de particulier à faire dans le secteur, le mieux est de fuir.

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