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25 juillet 2020

La France écarte subtilement le chinois Huawei de ses réseaux 5G



Fin juin, en annonçant la suppression de 1.233 postes en France, Nokia a donné ce qui semble être le coup de grâce aux mânes d’Alcatel, racheté, après sa malheureuse fusion avec l’américain Lucent par le groupe finlandais en 2015. Et la presse de s’interroger sur la « descente aux enfers » de ce qui fut l’un des fleurons du secteur français des télécommunications. En 2000, ce dernier était en effet le numéro un mondial de la technologie d’accès réseau large bande ADSL, avec 56% de parts de marché.

Évidemment, les orientations stratégiques décidées par la direction d’Alcatel dans les années 2000 expliquent en partie cette déroute. De même que l’apparition de concurrents compétitifs comme l’équipementier chinois Huawei. Au moment de la fusion avec Lucent, les commentaires élogieux à l’endroit du groupe de Shenzhen ne manquèrent pas, certains saluant son efficacité quand d’autres s’enthousiasmaient sur le montant de ses dépenses en recherche et développement [R&D]. Et les soucis avec Cisco pour violation du droit de la propriété intellectuelle n’étaient évoqués que du bout des lèvres.

Or, Huawei n’est pas totalement étranger aux déboires d’Alcatel, comme le raconte Antoine Izambard, journaliste de Challenges et auteur du livre « France Chine, les liaisons dangereuses« .

Ayant soumis son nouveau DSLAM [multiplexeur d’accès à la ligne d’abonné numérique] dans le cadre d’un appel d’offres lancé par British Telecom en 2005, le groupe français fut battu à plates coutures par Huawei. « Cela a été le début de la fin », écrit le journaliste. Or, l’examen de l’équipement proposé par l’industriel chinois permit de découvrir qu’il utilisait le même code source que le DSLAM français. « Tout le code était identique. Quand nous avions commis des erreurs, elles y étaient, lorsque nous avions inscrit des codes de maintenance ‘alcatéliens’, ils étaient aussi », a confié un ex-cadre du groupe.

À l’époque, les autorités françaises firent l’autruche. Et quand Alcatel demanda des comptes à Huawei, il lui fut répondu que le marché chinois lui serait fermé s’il persistait dans son attitude. Cependant, le groupe français obtint « quelques dizaines de millions d’euros » pour solde de tout compte. Le prix [dérissoire] de dix ans de R&D…

Aussi, il n’est guère surprenant que Huawei ait pu progresser rapidement… Pour être désormais en mesure de proposer des équipements performants et compétitifs pour les futurs réseaux 5G. Cela étant, en raison des risques d’espionnage, le groupe chinois n’est pas le bienvenu. C’est le cas aux États-Unis, en Australie, et, plus récemment, au Royaume-Uni.

La position de la France est… moins directe. Mais le résultat sera le même. Officiellement, Huawei est autorisé à déployer ses équipements 5G mais seulement dans les parties « non sensibles » du réseau.

Il « parfaitement compréhensible qu’on puisse à un moment ou à un autre privilégier un opérateur européen [Nokia et Ericsson, ndlr] » mais « si Huawei a une meilleure offre à présenter à un moment ou à un autre du point de vue technique, d’un point de vue de prix, il pourra avoir accès à la 5G en France », avait assuré Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, en février dernier. Cependant, avait-il précisé, « s’il y a des installations critiques, des installations militaires, des zones nucléaires à proximité, nous mettrons un certain nombre de restrictions pour protéger nos intérêts de souveraineté. »

Selon le décret n° 2019-1300 du 6 décembre 2019, les opérateurs télécoms qui veulent utiliser des équipements fournis par Huawei, Nokia ou Ericsson doivent demander une autorisation à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations [ANSSI]. Et cela, a prévenu son directeur, Guillaume Poupard, avec de possibles refus « au cas par cas » s’agissant du groupe chinois.

En outre, il est question que les autorisations attribuées à Huawei soit à la fois courtes [de 3 à 8 ans] et non reconductibles. C’est en effet ce qu’affirme l’agence Reuters, qui s’appuie sur trois sources proches du dossier, ainsi que le quotidien économique Les Échos.

« Pour décourager SFR et Bouygues [qui utilisent du Huawei sur 50% de leur réseau 4G] de continuer avec le géant chinois, l’agence a délivré aux deux opérateurs des autorisations temporaires plus courtes que le maximum légal de huit ans. Or, pour les opérateurs, une durée courte signifiait déjà un refus implicite. Difficile, d’un point de vue technique et économique de choisir une équipementier pour quelques années quand un réseau télécoms a une durée de vie d’au moins 15 ans », explique le journal.

En clair, Huawei n’est effectivement pas banni des réseaux 5G français… mais tout est fait pour décourager les opérateurs de travailler avec lui. « La position de la France est similaire à celle du Royaume-Uni, mais la communication du gouvernement est différente », a résumé l’une des sources de l’agence Reuters.

« Le risque n’est pas le même avec des équipementiers européens, qu’avec des non européens. Il ne faut pas se mentir », a récemment justifié Guillaume Poupard. D’ailleurs, selon Antoine Izambard, Matignon aurait mis en place le comité « Cerbère », qui, réunissant les représentants des ministères sensibles et les services de renseignement, se penche régulièrement sur le cas « Huawei ».

Quoi qu’il en soit, si la 5G va ouvrir de nouvelles possibilités en matière de villes intelligentes, d’Internet des objets, de Big Data ou encore de voitures autonomes, grâce aux performances qu’elle promet [une connexion 1.000 fois plus rapide, avec une très faible latence], elle aura immanquablement des applications dans le domaines militaires.

« Plusieurs cas d’usages prospectifs mettant en scène la 5G dans le milieu de la défense semblent aujourd’hui pertinents et plausibles. C’est le cas notamment de la télémédecine et l’utilisation de capteurs de santé, des convois logistiques autonomes, de l’optimisation de la chaîne logistique et des entrepôts connectés, de la robotique autonome, de la sécurité des réseaux dans le cadre d’activités de renseignement, etc », avance le ministère des Armées.

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