Ce livre fait suite, dans cette collection Résistances des éditions Demi Lune, au livre de Daniele Ganser sur les Guerres Illégales de l’OTAN, déjà chroniqué ici. Ces deux auteurs abordent leur travail historique avec pour objectif d’éclairer les zones d’ombre pour permettre ou forcer la paix. Malgré le titre accrocheur un peu choc, il n’y a aucun secret révélé, aucune révélation fracassante mais un éclairage lent et patient des notes de réunions entre certains dirigeants, montrant la difficulté de faire avancer la diplomatie au quotidien. L’auteur est un universitaire israélien devenu binational américain suite à la publication, très mal vue par la censure militaire israélienne, de ce livre en anglais qui a été écrit, en 1998, dans un cadre universitaire américain.
C’est un travail d’analyse sur des sources ouvertes, déclassifiées, des entretiens déclarés avec des interlocuteurs consentants. On a sous les yeux un formidable outil de décryptage des relations israélo-américaines courant sur trois décennies, un jeu de cache-cache avec Kennedy, une normalisation progressive sous Johnson et la fin des espoirs de non prolifération avec Nixon acceptant le fait accompli.
C’est aussi l’occasion de revoir les relations internationales au Moyen-orient, du point de vue arabe, enfin essentiellement du point de vue égyptien, le poids lourd de l’époque qui a d’ailleurs depuis disparu des radars, du point de vue américain à partir de Kennedy qui va déployer une stratégie de non prolifération et enfin du point de vue israélien où le projet n’a pas fait pas l’unanimité, loin s’en faut.
D’ailleurs ce sont des fonds étrangers qui vont permettre la mise en oeuvre de ce projet car l’état Israélien n’en a pas les moyens, étant déjà engagé dans une modernisation de son armée pour anticiper les prochaines guerres et consolider cette tête de pont en Palestine. Mais on ne saura rien de ces fonds, qui les a fournis, quelles étaient les contre-parties ?
L’auteur rappelle avec a propos que l’histoire de la dissémination nucléaire commence aux USA et au Canada avec le plan d’Eisenhower Atom for Peace, qui dans les années 50 prévoit de déployer l’énergie nucléaire civile pour résoudre les crises de développement dans le monde. Cette belle idée, du point de vue de leurs promoteurs, en plein effort de reconstruction d’après guerre au niveau mondial, va rapidement mourir, certains autres dirigeants ne partageant pas cette vision. C’est même l’inverse aujourd’hui, le nucléaire c’est la guerre, c’est la peur.
Au fil des chapitres, on peut suivre d’abord les tractations internes autour de ce projet, puis le rôle crucial des français, en pleine crise de Suez, et enfin les premiers doutes chez les dirigeants américains, qui jusqu’à la mort de Kennedy vont tenter de garder ce projet sous contrôle pour ne pas perdre le bénéfice d’une politique moyen-orientale équilibrée.
L’auteur en postface explique longuement ses démêlées avec la censure israélienne, cette dernière lui reprochant de mettre son pays au pied du mur. En lisant ce livre, j’avais à l’esprit un autre livre écrit récemment par Ron Unz, sur les assassinats du Mossad. On lit pourtant la même histoire, du même pays mais le livre de Bergman montre un pays très différent, où l’on peut tuer ses opposants sur le sol même de pays « amis », alors que ce sont bien des mêmes dirigeants dont on parle, Ben Gourion, Golda Meir entre autre. Comme l’explique si méticuleusement l’auteur, le secret, l’ambiguïté, l’opacité même du projet Dimona, est une tendance globale de ce pays et de son peuple. Et comme il le dénonce, cela peut susciter des peurs externes plus dangereuses que la réalité que l’on veut cacher.
Mais son objectif, louable, peut lui être retourné. Qu’en est il des objectifs réels de ce livre puisque l’opacité règne partout ? Est ce simplement un livre universitaire ou une commande pour éclairer la situation juste ce qu’il faut afin de figer et consolider la position de l’État israélien. Vu l’influence de certains lobbys pro-israéliens dans le milieu universitaire américain, il était sans doute possible de bloquer ce livre. Le laisser publier, autoriser discrètement certaines interviews pour l’orienter, tout en harcelant son auteur pour décourager d’éventuels vocations, ne serait pas si machiavélique que cela. Mais cela n’enlève en rien à la qualité de ce livre puisque l’auteur différencie parfaitement la part des écrits officiels, des interviews et de ses propres déductions. On peut donc le lire avec sa propre grille d’analyse et de connaissances et trier les faits.
En 2020, les choses n’ont pas beaucoup évoluées. Ce que les israéliens se sont permis et ont réussi il y a 50 ans, ils l’interdisent avec la plus grande férocité aux autres, n’hésitant pas à peser de tout leur poids auprès de la super-puissance américaine pour bloquer les projets adverses, y compris en poussant à la destruction de certains états, quel qu’en soit le coût humain. Hier l’Égypte soutenu par l’URSS, puis l’Irak, aujourd’hui l’Iran soutenu par la Russie et la Chine, le contexte n’a pas beaucoup évolué.
Ben Gourion aurait sans doute dû écouter Kennedy à l’époque. Maintenant que les USA sont fragilisés, on pourrait assister à un renversement d’alliance au Moyen-Orient et retrouver l’État d’Israël isolé, sans plus de sécurité avec ses bombes alors que ses projets de profondeur stratégiques, de Grand Israël, s’évaporent. On peut d’ailleurs noter un certain humour des iraniens qui eux aussi jouent maintenant de cette ambiguïté opaque.
C’est un travail d’analyse sur des sources ouvertes, déclassifiées, des entretiens déclarés avec des interlocuteurs consentants. On a sous les yeux un formidable outil de décryptage des relations israélo-américaines courant sur trois décennies, un jeu de cache-cache avec Kennedy, une normalisation progressive sous Johnson et la fin des espoirs de non prolifération avec Nixon acceptant le fait accompli.
C’est aussi l’occasion de revoir les relations internationales au Moyen-orient, du point de vue arabe, enfin essentiellement du point de vue égyptien, le poids lourd de l’époque qui a d’ailleurs depuis disparu des radars, du point de vue américain à partir de Kennedy qui va déployer une stratégie de non prolifération et enfin du point de vue israélien où le projet n’a pas fait pas l’unanimité, loin s’en faut.
D’ailleurs ce sont des fonds étrangers qui vont permettre la mise en oeuvre de ce projet car l’état Israélien n’en a pas les moyens, étant déjà engagé dans une modernisation de son armée pour anticiper les prochaines guerres et consolider cette tête de pont en Palestine. Mais on ne saura rien de ces fonds, qui les a fournis, quelles étaient les contre-parties ?
L’auteur rappelle avec a propos que l’histoire de la dissémination nucléaire commence aux USA et au Canada avec le plan d’Eisenhower Atom for Peace, qui dans les années 50 prévoit de déployer l’énergie nucléaire civile pour résoudre les crises de développement dans le monde. Cette belle idée, du point de vue de leurs promoteurs, en plein effort de reconstruction d’après guerre au niveau mondial, va rapidement mourir, certains autres dirigeants ne partageant pas cette vision. C’est même l’inverse aujourd’hui, le nucléaire c’est la guerre, c’est la peur.
Au fil des chapitres, on peut suivre d’abord les tractations internes autour de ce projet, puis le rôle crucial des français, en pleine crise de Suez, et enfin les premiers doutes chez les dirigeants américains, qui jusqu’à la mort de Kennedy vont tenter de garder ce projet sous contrôle pour ne pas perdre le bénéfice d’une politique moyen-orientale équilibrée.
L’auteur en postface explique longuement ses démêlées avec la censure israélienne, cette dernière lui reprochant de mettre son pays au pied du mur. En lisant ce livre, j’avais à l’esprit un autre livre écrit récemment par Ron Unz, sur les assassinats du Mossad. On lit pourtant la même histoire, du même pays mais le livre de Bergman montre un pays très différent, où l’on peut tuer ses opposants sur le sol même de pays « amis », alors que ce sont bien des mêmes dirigeants dont on parle, Ben Gourion, Golda Meir entre autre. Comme l’explique si méticuleusement l’auteur, le secret, l’ambiguïté, l’opacité même du projet Dimona, est une tendance globale de ce pays et de son peuple. Et comme il le dénonce, cela peut susciter des peurs externes plus dangereuses que la réalité que l’on veut cacher.
Mais son objectif, louable, peut lui être retourné. Qu’en est il des objectifs réels de ce livre puisque l’opacité règne partout ? Est ce simplement un livre universitaire ou une commande pour éclairer la situation juste ce qu’il faut afin de figer et consolider la position de l’État israélien. Vu l’influence de certains lobbys pro-israéliens dans le milieu universitaire américain, il était sans doute possible de bloquer ce livre. Le laisser publier, autoriser discrètement certaines interviews pour l’orienter, tout en harcelant son auteur pour décourager d’éventuels vocations, ne serait pas si machiavélique que cela. Mais cela n’enlève en rien à la qualité de ce livre puisque l’auteur différencie parfaitement la part des écrits officiels, des interviews et de ses propres déductions. On peut donc le lire avec sa propre grille d’analyse et de connaissances et trier les faits.
En 2020, les choses n’ont pas beaucoup évoluées. Ce que les israéliens se sont permis et ont réussi il y a 50 ans, ils l’interdisent avec la plus grande férocité aux autres, n’hésitant pas à peser de tout leur poids auprès de la super-puissance américaine pour bloquer les projets adverses, y compris en poussant à la destruction de certains états, quel qu’en soit le coût humain. Hier l’Égypte soutenu par l’URSS, puis l’Irak, aujourd’hui l’Iran soutenu par la Russie et la Chine, le contexte n’a pas beaucoup évolué.
Ben Gourion aurait sans doute dû écouter Kennedy à l’époque. Maintenant que les USA sont fragilisés, on pourrait assister à un renversement d’alliance au Moyen-Orient et retrouver l’État d’Israël isolé, sans plus de sécurité avec ses bombes alors que ses projets de profondeur stratégiques, de Grand Israël, s’évaporent. On peut d’ailleurs noter un certain humour des iraniens qui eux aussi jouent maintenant de cette ambiguïté opaque.
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