Alors que l'on pense bien la connaître, Bételgeuse est une étoile encore bien mystérieuse. On sait que c'est une étoile supergéante rouge, qui a une masse d'environ 19 masses solaires et une taille 100 fois plus grande que le soleil. Elle est en fin de vie, en train de fusionner ce qui lui reste d'hélium et peut être ayant débuté la fusion de son carbone, ce qui ne lui laisserait que très peu de temps à vivre avant d'exploser en supernova. On à l'habitude de dire que l'explosion de Bételgeuse, qui sera un spectacle formidable, peut avoir lieu dans 10000 ans ou demain. Il reste beaucoup d'incertitudes sur le stade d'évolution qu'a atteint cette étoile rougeâtre emblématique de la constellation d'Orion.
Nombreux sont les astrophysiciens qui aimeraient réduire toutes ces incertitudes pour avoir une meilleure estimation de la date de la future supernova, surtout si celle-ci devait arriver plus tôt que prévu...
Les astrophysiciens ont développé des logiciels avancés qui permettent de simuler l'évolution des étoiles, en prenant en compte tous les paramètres physiques qui entrent en jeu. Le code de simulation qu'a utilisé l'équipe de l'Université d'Austin s'appelle MESA (Modules for Experiments in Stellar Astrophysics). Il permet de reproduire l'état actuel d'une étoile massive comme Bételgeuse à partir de ses conditions initiales, en fournissant ses observables : température, luminosité, taille, masse, vitesse de rotation... Par comparaison avec ce qui est observé sur l'étoile, on peut alors en déduire certains paramètres clés qui peuvent fournir l'état d'avancement de la fusion du cœur de l'étoile et donc mieux prévoir le temps qu'il lui reste avant l'explosion cataclysmique. On sait notamment que, pour une masse de 20 masses solaires, l'explosion de la supernova doit avoir lieu environ 2000 ans après le début de la fusion du carbone.
Craig Wheeler et ses collaborateurs trouvent qu'il y a un paramètre qui cloche complètement dans le modèle par rapport à ce qui est observé aujourd'hui sur Bételgeuse : sa vitesse de rotation. La vitesse de rotation de la supergéante est mesurée et vaut 15 km/s. C'est vraiment beaucoup pour une étoile de ce type, et le code de simulation le montre très bien : il ne parvient pas à reproduire une étoile de ce type avec une vitesse pareille. La vitesse de rotation maximale que MESA trouve pour être cohérent avec tous les autres paramètres physiques de Bételgeuse vaut 0,1 km/s, 150 fois moins!
On comprend bien intuitivement que les étoiles, lorsqu'elles gonflent démesurément, doivent ralentir fortement, du fait de la conservation du moment cinétique (pensez au patineur qui étend ses bras). Il n'est donc pas étonnant que l'on s'attende à voir une vitesse rotation faible pour les étoiles supergéantes qui ont 100 fois la taille du Soleil. Le code de simulation semble cohérent. Bételgeuse semble anormale.
Mais Bételgeuse semble anormale dans le cas où c'est une étoile isolée. Craig Wheeler, pour expliquer cette incohérence, propose en effet une hypothèse : et si Bételgeuse n'était pas seule au début de sa vie ? "Supposons que Bételgeuse avait une compagne à sa naissance, formant un couple d'étoiles comme il en existe beaucoup. Et supposons que cette compagne avait une orbite qui est plus petite que la taille actuelle de Bételgeuse ? Bételgeuse, en devenant une supergéante, aurait avalé cette compagne.". En absorbant l'étoile compagne dans son enveloppe, cette dernière lui aurait transféré le moment cinétique de son orbite dans son enveloppe, donc accélérant la vitesse de rotation visible de la supergéante.
Wheeler et ses collaborateurs calculent que pour reproduire la vitesse de 15 km/s, l'étoile compagne devait avoir une masse de 1 M⊙, ce qui est tout à fait plausible. Existe-t-il des indices observables de la présence de cette hypothétique compagne ? Il se pourrait bien...
Craig Wheeler explique qu'au moment de l'absorption de la petite étoile, l'interaction entre les deux aurait dû éjecter de la matière à l'extérieur à une vitesse de 10 km/s. Connaissant à peu près le moment où Bételgeuse a commencé à enfler, il y a 100 000 ans, il a donc estimé grossièrement la distance à laquelle devait se trouver ces éjecta aujourd'hui. Et il se trouve que des images de Bételgeuse en infra-rouge obtenues en 2012 avec le télescope spatial Herschel montrent ce qui ressemble à deux coquilles de gaz asymétriques, sur un seul côté de Bételgeuse, qui étaient jusque là mal expliquées et sont situées à une distance proche de celle calculée par Wheeler.
Le Betelgeuse Project va se poursuivre pour tenter d'explorer plus avant cette hypothèse très intéressante, et surtout pour comprendre quelles peuvent être les implications de l'absorption d'une étoile compagne et de cette forte vitesse de rotation sur l'évolution de Bételgeuse. Des mesures d’astérosismologie sont d'ores et déjà dans les tuyaux pour en savoir plus...
Source :
The Betelgeuse Project: constraints from rotation
J. Craig Wheeler et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 465 (3) (March 01, 2017)
http://dx.doi.org10.1093/mnras/stw2893
On comprend bien intuitivement que les étoiles, lorsqu'elles gonflent démesurément, doivent ralentir fortement, du fait de la conservation du moment cinétique (pensez au patineur qui étend ses bras). Il n'est donc pas étonnant que l'on s'attende à voir une vitesse rotation faible pour les étoiles supergéantes qui ont 100 fois la taille du Soleil. Le code de simulation semble cohérent. Bételgeuse semble anormale.
Mais Bételgeuse semble anormale dans le cas où c'est une étoile isolée. Craig Wheeler, pour expliquer cette incohérence, propose en effet une hypothèse : et si Bételgeuse n'était pas seule au début de sa vie ? "Supposons que Bételgeuse avait une compagne à sa naissance, formant un couple d'étoiles comme il en existe beaucoup. Et supposons que cette compagne avait une orbite qui est plus petite que la taille actuelle de Bételgeuse ? Bételgeuse, en devenant une supergéante, aurait avalé cette compagne.". En absorbant l'étoile compagne dans son enveloppe, cette dernière lui aurait transféré le moment cinétique de son orbite dans son enveloppe, donc accélérant la vitesse de rotation visible de la supergéante.
Wheeler et ses collaborateurs calculent que pour reproduire la vitesse de 15 km/s, l'étoile compagne devait avoir une masse de 1 M⊙, ce qui est tout à fait plausible. Existe-t-il des indices observables de la présence de cette hypothétique compagne ? Il se pourrait bien...
Craig Wheeler explique qu'au moment de l'absorption de la petite étoile, l'interaction entre les deux aurait dû éjecter de la matière à l'extérieur à une vitesse de 10 km/s. Connaissant à peu près le moment où Bételgeuse a commencé à enfler, il y a 100 000 ans, il a donc estimé grossièrement la distance à laquelle devait se trouver ces éjecta aujourd'hui. Et il se trouve que des images de Bételgeuse en infra-rouge obtenues en 2012 avec le télescope spatial Herschel montrent ce qui ressemble à deux coquilles de gaz asymétriques, sur un seul côté de Bételgeuse, qui étaient jusque là mal expliquées et sont situées à une distance proche de celle calculée par Wheeler.
Le Betelgeuse Project va se poursuivre pour tenter d'explorer plus avant cette hypothèse très intéressante, et surtout pour comprendre quelles peuvent être les implications de l'absorption d'une étoile compagne et de cette forte vitesse de rotation sur l'évolution de Bételgeuse. Des mesures d’astérosismologie sont d'ores et déjà dans les tuyaux pour en savoir plus...
Source :
The Betelgeuse Project: constraints from rotation
J. Craig Wheeler et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society 465 (3) (March 01, 2017)
http://dx.doi.org10.1093/mnras/stw2893
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