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20 octobre 2019

Terrible crise en Équateur : les risques d’une transition injuste touchant les populations les plus pauvres

 Plusieurs incendies ont été déclenchés lors des manifestations à Quito en Équateur.
@Santiak/Twitter

En Équateur, la partie de la population la plus fragile, en particulier les Indiens, a mis la rue en feu après un décret présidentiel qui a supprimé les subventions aux carburants, faisant doubler les prix. Cette condition était imposée par le FMI en échange d’un prêt de plusieurs milliards de dollars. 

Après 12 jours de crise en Équateur, le bilan est lourd, très lourd : 8 morts, 1 340 blessés dont certains dans un état critique, 1 192 arrestations et une capitale en feu. Un calme précaire est désormais revenu dans le pays sud-américain mais pour combien de temps. Car si un accord a été trouvé entre gouvernement et manifestants, rien ne semble réglé à long terme.

À l’origine de la révolte, on trouve un décret du Président Lenin Moreno. Celui-ci a accepté de supprimer les subventions aux carburants en échange d’un prêt du Fonds monétaire international (FMI) de 4,2 milliards de dollars. Cela a entraîné une augmentation des coûts de 123 %, qui n’a pas été supportée par la partie la population la plus pauvre, en particulier les Indiens, représentant un quart de la population équatorienne.

Mouvement indigène contre gouvernement

La rue s’est soulevée. Le pays a été à l'arrêt pendant près de deux semaines, entre manifestations, blocages de routes, écoles fermées, transports publics quasi inexistants et puits pétroliers à l'arrêt, ce qui a suspendu la distribution de près de 70 % de la production de brut. L’accord trouvé avec le gouvernement le 12 octobre a simplement consisté à retirer le décret présidentiel, soit un retour à la situation d’origine moyennant de nombreuses victimes et une perte économique de 1,5 milliard de dollars.

"Ces journées doivent nous enseigner à privilégier la paix, la stabilité, la sécurité", a déclaré le président Moreno dans un message télévisé enregistré à Guayaquil, la deuxième ville d'Equateur, sur la côte ouest du pays, alors qu’il a dû y délocaliser l’exécutif en raison des affrontements à Quito. Pour les experts sur place, cette crise n’a fait qu’accentuer la méfiance entre le mouvement indigène et le gouvernement en place.

Impossible de toucher aux carburants

Cette crise équatorienne est sans doute la plus aiguë d’une tendance mondiale sur le besoin de transition juste, à l’image de celle qui se déroule en France avec les Gilets jaunes. À l’origine de cette tension dans l’Hexagone, on retrouve l’accroissement de la taxe carbone qui a fait augmenter sensiblement les prix des carburants, touchant particulièrement la partie de la population la plus pauvre.

Même dans un pays très riche comme l’Allemagne, il est impossible de réellement imposer une fiscalité écologique. Dans son plan vert de 100 milliards sur 10 ans, présenté fin septembre, la coalition gouvernementale a été incapable de mettre sur les rails une fiscalité écologique tant l’impact social observé en France et ailleurs dans le monde est craint à Berlin.

Finalement, quand bien même tous les économistes au monde jugent que la taxe carbone est l’un des plus puissants outils au monde pour accélérer la transition écologique mondiale, celle-ci est gelée en France, inapplicable en Allemagne et les subventions sont intouchables en Équateur, à l’instar de nombreux pays pétroliers.

Ludovic Dupin

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