14 septembre 2019

Les bolcheviks arrivent ! (Partie I)


Supposons que vous êtes américain et supposons que vous avez passé les 60 dernières années de votre vie au repos dans un congélateur, après vous être injecté suffisamment de glycérine pour empêcher les cristaux de glace de perturber vos membranes cellulaires. Seul le Seigneur sait pourquoi vous avez fait ça, mais c'est du passé maintenant. Quoi qu'il en soit, nous sommes en 2019 et pour une autre raison insondable, vos arrières petits-enfants vous sortent du congélateur, font redémarrer votre cœur, vous promènent en vous nourrissant de café noir très fort : vous voilà de nouveau comme neuf et prêt à passer à l'action !

Vos arrière-petits-enfants commencent donc à vous parler de la vie en Amérique en 2019. Ils vous disent que le loyer absorbe maintenant la moitié de leurs revenus et qu'ils ne peuvent même plus rêver d'acheter une maison. Ils vous disent que leurs frais de scolarité prendront toute leur vie pour être remboursés et qu'ils finiront probablement par solder leur épargne-retraite (s'ils leur arrive d’en avoir une un jour, ce qu'ils ne font pas actuellement). Ils vous disent qu'au lieu de leur laisser un héritage, leurs parents sont décédés en leur laissant une maison délabrée, hypothéquée par de lourdes dettes médicales concernant leurs soins médicaux palliatifs de fin de vie. Quand on demande où tous les enfants sont partis, ils vous expliquent patiemment que c’est maintenant trop coûteux d’avoir des enfants, même si maman et papa travaillent à temps plein, à moins que maman ne soit une mère célibataire, auquel cas le gouvernement la subventionnera sur la base du nombre d'enfants qu'elle a eu avec des hommes de passage, qui ne sont pas autorisés à vivre avec elle (dans tous les cas, ils passent la plupart de leur temps en prison !)

Toute cette nouvelle information importune vous laisse quelque peu perplexe, mais étant un homme du monde, doté d'une vision mentale large et d'une tête bien rangée, vous décidez de faire un zoom arrière et regarder la situation dans son ensemble, pour voir si vous pouvez la comprendre, que diable est-il arrivé à votre pays ? Et vous découvrez que le gouvernement des États-Unis a contracté une dette de plus de 20.000 milliards de dollars et qu'il est sur le point de continuer à assumer environ 1 billion de dollars de nouvelle dette chaque année, simplement pour rester solvable. Vous découvrez que la moitié de cette dette appartient à des pays étrangers qui discutent activement entre eux du meilleur moyen de la décharger et de se procurer de l'or à la place. Vous êtes choqué de découvrir que les gouvernements fédéral, étatiques et locaux assument des dettes incroyables, à hauteur de centaines de trillions de dollars, selon leur estimation, sans aucun moyen imaginable de les couvrir.

Et ensuite, vous entendez dire que le meilleur et le plus brillant espoir pour les États-Unis de pouvoir se sortir du plus grand abîme financier que la planète ait jamais connu est ce qu'on appelle la théorie monétaire moderne, selon laquelle des gouvernements souverains peuvent imprimer de l'argent à leur guise. Vous vous assurez que leurs ressources (naturelles et du travail) sont pleinement utilisées et peuvent le faire sans conséquences négatives. Étant analytique, il vous est extrêmement difficile de comprendre comment un pays qui doit des milliards de milliards à des étrangers, importe la moitié de tout ce qu'il consomme, ne fabrique plus grand-chose et serait contraint de déclarer son défaut souverain s’il cessait d'emprunter des sommes encore plus importantes, que l’on appelle encore « dette souveraine ». Le terme ne s'applique pas à ce qui semble être des arrangements permanents avec des entités privées transnationales, avec les quelque 2 billions de dollars US en espèces, principalement sous forme de liasses de billets de 100 dollars (que peu d'Américains ont déjà vus). Ainsi, bien que vous réalisiez que vous êtes peut-être un peu trop prompte à tirer des conclusions, vous ne pouvez néanmoins pas réprimer le sentiment que, dans ce cas, l’impression de monnaie sans limite donnera exactement le même résultat que dans tous les cas précédant : Weimar en Allemagne, Zimbabwe, Venezuela, etc., à savoir l'hyperinflation et l'effondrement économique.

En abordant les questions militaires, vous découvrez que les États-Unis dépensent plus pour l’armée que tout le reste du monde, et maintiennent un millier de bases militaires sur la planète, mais n’ont pas gagné un seul conflit militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Vous constatez également que les États-Unis ont pris beaucoup de retard par rapport à la Chine, en ce qui concerne le développement des armements, à un point tel que la plupart de leurs matériels sont obsolètes et donc complètement inutiles. Vous avez du mal à obtenir des informations fiables sur l’actualité mondiale auprès des médias américains, vous utilisez votre formation linguistique à bon escient et constatez que partout dans le monde, les gens se moquent activement et ridiculisent les Américains pour leur obstination obstinée à prétendre à leur supériorité militaire, en fait, ils sont maintenant terriblement dépassés à tous les niveaux, sauf en ce qui concerne le détournement de fonds publics, la seule catégorie où ils sont vraiment très performants. Vous aboutissez donc à une conclusion évidente : les États-Unis ont clairement perdu la guerre froide.

Enfin, vous entendez la pire nouvelle de toutes : le plus haut poste du pays, celui de la Maison Blanche, a été repris par un tyran et un usurpateur, un homophobe-raciste-sexiste-misogyne-fasciste, un vandale mégalomane qui aurait été installé par les Russes. Mais ceci, savez-vous, est sur le point de changer : en 2020, il y aura une nouvelle élection libératrice, au cours de laquelle une foule de jeunes se manifestera et votera pour une administration entièrement socialiste, qui détruira le vieil ordre mondial pour établir un nouveau monde glorieux à sa place. Des dizaines d'entreprises seront nationalisées et forcées de répondre aux besoins du public au lieu d'essayer d'être rentables. Il y aura des soins de santé gratuits, un enseignement gratuit, des frontières ouvertes et un revenu garanti pour tous. Et la théorie monétaire moderne financera tout cela. Dans ce processus, les émissions de gaz à effet de serre, les pets de vache, disparaîtront complètement. L'air chaud expiré par les politiciens ne contiendra que des gaz nobles ; les vaches seront reprogrammées pour produire du lait de soja. Avec l'aide d’elfes magiques, les voitures seront alimentées par des éoliennes et des panneaux solaires. Les traditions doivent être démantelées et un nouveau monde parfait naîtra, rempli d'égalité raciale et de genre, de réussite garantie pour tous.

Étant familiarisé avec l'histoire, vous n'avez pas à chercher trop longtemps le nom de ce nouveau mouvement politique : le bolchevisme !

Et puisque vous savez déjà comment cette histoire va se terminer, vous préférez retourner dans votre congélateur…

Dmitry Orlov

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