17 décembre 2018

La crèche à roulettes

Un nouveau concept à Béziers : la crèche à roulettes

Pas terrible, ce matin, la grisaille et le frisquet ! Ce cher vieux Blaise, dans son gros pardessus en loden, m’a tout l’air du quasi-cadavre. Vous savez, le teint blanchâtre à reflets verts, les ailes du pif qui se pincent, l’affaissement général de la gueule, le pas improbable, bref tout pour s’inquiéter grave à son sujet. Que voulez-vous, les nonagénaires c’est fragile, ça peut basculer d’un instant à l’autre, surtout par temps frais et humide…souvenons nous du brave Théodore (voir le chapitre qui lui est réservé DERRIERE NAPOLEON), canné du jour au lendemain suite à une absorption massive de Martini dry. Du coup, au bistrot on s’inquiète, on le fait asseoir le vioque, on lui propose des coussins, tout ça quoi, histoire de le réconforter bien comme il faut, qu’il ne s’avise pas de nous claquer entre les doigts sans crier gare, comme à la SNCF!
« Diable, je me sens tout gripoteux, s’avise-t-il enfin de nous faire connaître, pour moi ce sera un grog, Thérèse, je vous prie, à base de rhum blanc, s’il vous plaît, je le digère mieux, vous savez, il faut que je fasse attention mes vingt-ans sont bien loin… »
-« Même tes soixante, rigole Jean Foupallour, le prochain qu’on te souhaite, les bougies reviendront plus cher que le gâteau, dis donc! C’est bon pour toi, t’es sûr, de carburer au « cœur-de-chauffe » à soixante degrés? Tu gagnerais pas à t’orienter plutôt vers la camomille, avec la tronche de décavé que je te vois? Parce que bon, la picole, même à visée thérapeutique, vaudrait peut être mieux la laisser aux jeunes, non, à présent? Sans quoi, en guise d’avenir proche, tu risques de te retrouver avec un petit jardin sul’ ventre; fais gaffe Blaisounet, l’Hiver ça reste la saison à piège chez les mecs de ta génération! »

Si l’intention apparaît louable, la formulation n’en demeure pas moins brutale et dépourvue d’aménité. Foupallour avec son gilet jaune et son apéro de la même couleur qui vous colle sous le nez la vérité toute nue, toute mal foutue et malodorante, pour un vieux birbe en instance d’extrême-onction ça frise l’insoutenable.
« M’en fous, ducon, occupe toi de ton foie, abruti! Tu sais ce qu’il te dit le Blaisounet? N’ai-je donc tant vécu que pour entendre un soiffard de ton calibre me faire la leçon sur ce que je dois pitancher ou pas? Et puis si ça me fait plaisir, à moi de crever bourré, hein? Qu’est-ce que t’en as à foutre? Retourne donc plutôt sur ton rond-point à gueuler « Macron-Démission » et à taper dans le cubi en compagnie de tes petits camarades à revendications éthyliques! Profites-en bien, elle ne va pas tarder à s’arrêter, votre révolution arrosée, Noël arrive, il va falloir songer à décorer le sapin et à mettre le petit Jésus dans la crèche… A en juger par les tronches des insurgés en jaune-fluo, les catholiques en constituent l’écrasante majorité…et ça fait quoi, à Noël, les Catholiques? Ça picole, oui d’accord, mais à la maison, au coin du feu, en famille, pas sur les carrefours de rase-campagne! Alors enfourche ta mobylette, retournes-y fissa tant que ça dure encore un peu, et laisse moi me finir comme ça me chante, gros plouc! »

Mince alors! Du coup il a retrouvé des couleurs, le vieux teigneux! Comme quoi, finalement, un bon gros coquin de dieu ça vous remet la santé en place, l’adrénaline sans doute… Jean Foupallour, honteux et confus, jurant sur son Ricard qu’on ne l’y prendrait plus, se le tient pour dit tout en restant imperturbablement accoudé au zinc. Aucune envie d’aller se les geler sur le bord de la route, tel un gilet-jaune en déroute… On le sent bien, le cœur n’y est plus. Et puis de toute façon ils ont tout gagné, Présipède a baissé les brailles: enterrés, la taxe écolo sur le gazoile, la CSG sur les retraites… Ils voulaient quoi d’autre, les Foupallour et les Grauburle? Ce dernier ayant depuis belle burette, d’ailleurs, remis le gilet dans le vide-poches de la 4L sur injonction formelle de Germaine, sa mégère non apprivoisée, qui appréciait moyen de le laisser vadrouiller hors de son contrôle. Ils voulaient quoi, disais-je? Ben oui, un peu plus de sous, juste pour assurer, quoi. Après, exiger la démission du petit mignon, bof, lui ou un autre, pas vrai, y a pas de raison de foutre le pays à feu et à sang pour si peu. Et le reste ça vire à l’amusement pour intellos à la petite semaine…le RIC, vous savez, le « referendum d’initiative citoyenne »! On se fout de qui, là? Oh, bien sûr, si l’on nous demandait notre avis sur la conduite à tenir au regard des Chancepourlafrances de type Chekatt, le flingueur de Strasbourg, là ça pourrait présenter un certain intérêt…mais avant qu’on en arrive là les gilets auront viré au gris-foncé.
En d’autre termes, les vieux révoltés du week-end , les Grauburle, Foupallour et consorts, vont s’en retourner, bien pépères, dans leurs charentaises. Simultanément leurs confrères smicards, forts d’une bonne centaine d’Euros conquis de haute lutte, ne manqueront pas de les craquer illico dans l’achat d’un véhicule moins polluant et donc subventionné. Resteront les baisés, les éternels couillonnés, les damnés de la terre, les vieux à plus de deux-mille balles de pension, les jeunes payés un peu au dessus du SMIC…ce ne sont pas à eux seuls qu’ils feront une révolution dont, pour la plupart, ils n’ont pas la moindre envie, faut pas déconner. A l’exception de quelques irréductibles déterminés à obtenir la peau de Macrounette ou bien encore acharnés au rétablissement de l’ISF pour faire cracher les riches, le joli mouvement automnal aux couleurs de jonquille en plastoc commence à manquer de carburant. Autrement dit, c’est fini, nous n’irons plus au rond-point, les gilets sont pliés! Bon débarras, ça commençait tout de même à bien faire leurs petits monômes de collégiens sur le retour.

Restera maintenant le « Grand Débat » promis par Présipède. Moi, je ne voudrais pas persifler, vous me connaissez, mais là j’aurai du mal à éviter, vous voyez. Le Grand Débat ! Dans le genre grosse pantalonnade ça risque d’atteindre des sommets. On vient déjà de nous annoncer qu’en dépit des assurances formelles données par leur petit patron en chef, les députés de la majorité rejettent avec horreur l’idée qu’on puisse y inclure les questions relatives à l’immigration, aux immigrés, aux migrants et à tout ce qui tourne autour. M’enfin, ça va pas la tête, on n’en cause pas de ces affaires-là ! Vous vous rendez compte, ce serait la porte ouverte à tous les fachos, à tous les réacs, à tous les beaufs, à tous les boutiquiers, à tous les petits bourges et même aux ouvriers vu qu’ils votent Marine ces cochons-là! En gros vous avez les trois quarts de la population qui, d’une façon ou d’une autre, sont favorables à ce qu’on fasse quelque chose pour arrêter les conneries ! On ne va tout de même pas donner la parole à ces gens-là au moment ou la France signe le Pacte de Marrakech, tout de même ! Un peu de logique bordel ! Heureusement il y a Le Monde pour remettre les pendules à l’heure, cet illustre paquet de papier s’insurge avec l’énergie indignée des détenteurs de la vérité révélée, ce n’est pas au pays des droidlom qu’on va débattre des questions d’invasion et de perte d’identité nationale, manquerait plus que ça, tiens ! Alors on la boucle, on ne bouge pas d’un iota et on parle d’autre chose, voilà! Y en a tellement des sujets de débat, on ne va pas choisir celui du consensus nauséabond, y a des limites ! La démocratie ça veut dire qu’on donne la parole à ceux qui savent de quoi et comment il faut parler … pas au peuple, bien sûr, on irait où comme ça !

Alors voilà, c’est dans un contexte en voie d’apaisement, comme on dit dans les journaux, que nous allons attaquer les fêtes de fin d’année, formule heureuse permettant d’éviter de prononcer Noël. Ça pue Noël! Bien sûr certaines allusions apparaissent difficilement évitables, le Père homonyme, notamment! On ne lui a pas encore trouvé un nom politiquement correct à celui-là, sans parler de Tino Rossi et sa rengaine nauséabonde: petit Papa Noël! Je t’en foutrais, moi! Et d’abord pourquoi on l’interdirait pas, celui-là, qu’est-ce qu’il nous emmerde! On interdit bien la crèche! Alors!
Il ne reste plus que Ménard, ce sale facho répugnant, passez moi le pléonasme! A la Mairie de Béziers il a récidivé l’affreux! Une grosse crèche, bien réac comme pas possible, avec tout, les bergers, les moutons, le bœuf, l’âne, Joseph le saint patron des cocus et sa petite femme en cloque des œuvres du Saint-Esprit, enfin la provoc caractérisée, le délit qui frise le crime, une honte. Dieu merci…enfin non mais vous voyez ce que je veux dire, le Préfet a immédiatement sorti un arrêté d’interdiction, ah mais! Et figurez vous que cet espèce de petit führer de province, Ménard, a contesté la légalité du truc devant le Tribunal Administratif…bon évidemment sans succès, encore heureux, ils savent bien, les juges, ce que représente la crèche, une insulte à la laïcité et, par surcroît, à la Charia. Pas question de laisser passer: ou il enlève sa crèche, le rebelle à nœud- pap, ou il crache deux-mille Euros par jour d’astreinte, force restera à la loi! Alors il va l’enlever, Ménard, bien sûr… enfin il va la mettre ailleurs, dans un autre coin de la Mairie: il voyait arriver l’embrouille alors il l’a montée sur roulettes, sa crèche! Ça durera bien jusqu’à l’Épiphanie, c’est grand la Mairie de Béziers!

Bonne semaine à tous et à Dimanche prochain si Allah me pardonne… ou plutôt s’il ne se presse pas trop pour m’administrer le châtiment que je mérite.

Et merde pour qui ne me lira pas.

NOURATIN

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