05 août 2017

Fin du CDI : la bombe à retardement



C'est une orientation gouvernementale qui a tout pour mettre le feu aux poudres. Comme le rapporte Le Monde, le gouvernement compte bien inscrire dans sa réforme du code du Travail la dérégulation du contrat à durée déterminée (CDD), dont les règles sont jugées trop contraignantes par le patronat. En l'espèce, il est question de laisser aux branches professionnelles le soin de définir les caractéristiques du contrat, actant de fait la fin de son uniformité.


Pour la ministre du Travail Muriel Pénicaud, l'idée est de "tenir davantage compte de la diversité des situations", comme elle l'a souligné le 24 juillet devant les sénateurs. En la matière, le projet de loi par habilitation rendu public le 28 juin est on ne peut plus clair: "adapter par convention ou accord collectif de branche les dispositions, en matière de contrat à durée déterminée et de contrat de travail temporaire, relatives aux motifs de recours à ces contrats, à leur durée, à leur renouvellement et à leur succession sur un même poste ou avec le même salarié".

Aujourd'hui, le CDD est rigoureusement encadré. Sa durée maximum est de 18 mois, son renouvellement limité à deux contrats maximum (hors cas exceptionnels) et il existe une période de carence, laissant le poste vacant pendant un laps de temps après la fin du 2e CDD. Avec le dispositif prévu par le gouvernement, sa durée pourrait augmenter, tout comme la limite des renouvellements. La période de carence, elle, pourrait disparaître. Ce qui encouragerait les chefs d'entreprise à recourir beaucoup plus facilement au CDD, qu'au CDI, davantage sécurisant pour les salariés.

Ce qui, bien évidemment, met dans une colère noire les opposants à la réforme.

Précarisation


Pour Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, cette disposition acte tout simplement "la casse" de la protection actuellement en vigueur. "Pour des salariés, très concrètement, qui refuseront une augmentation du temps de travail ou une diminution de salaire prévue dans un accord d'entreprise, ce sera le licenciement", s'est-il alarmé lundi 24 juillet, après une réunion à Matignon.

"Comment on peut penser qu'on créera plus d'emplois dans la durée en développant davantage les CDD?", s'est interrogé ce jeudi 27 juillet le communiste André Chassaigne, chef du file du groupe Gauche démocrate et républicaine à l'Assemblée nationale. Le député du Puy-de-Dôme prédit un "éclatement des contrats précaires", comme c'est le cas selon lui en Allemagne et Royaume-Uni. "Je crois que dans un pays, il faut une protection des salariés. Et on ne règle pas les problèmes économiques en considérant que les salariés sont responsables de tout", a-t-il ajouté (vidéo ci-dessous).

"Le contrat, quelque part c'est quelque chose d'annexe"

Du côté de la majorité et du gouvernement, cette dérégulation du CDD est perçue comme une nécessité pour lutter contre le chômage. "Je veux qu'un petit entrepreneur embauche quelqu'un facilement quand il en a besoin", a justifié ce jeudi 27 juillet sur BFMTV Christophe Castaner.

Idem du côté des parlementaires LREM, qui sont sur la même longueur d'onde. "Moi je suis favorable à tout ce qui crée de l'emploi (...) On a des millions et des millions de chômeurs en France. Ce qu'il nous faut, c'est retrouver l'activité (...) Je dirais le contrat de travail, quelque part c'est quelque chose d'annexe. L'essentiel c'est que chacun d'entre nous puisse avoir un travail, vivre de son travail, puisse se construire un avenir", a déclaré sur RFI le député de Paris Sylvain Maillard.

"J'entends aussi le besoin de flexibilité de beaucoup de secteurs qui ont besoin d'engager des personnes sur du court terme. L'essentiel pour nous, c'est que nous ayons moins de chômage parce qu'à la fin en 2022 nous ne serons jugés que sur une chose: est-ce que nous avons remis la France au travail", a-t-il ajouté.

Une position que semble partager l'opposition de droite. "Je suis plutôt favorable à ce qu'il y ait une plus grande souplesse dans les contrats de travail, que la capacité d'une entreprise à embaucher en fonction de son carnet de commandes ne soit pas entravée par une réglementation trop contraignante qui, au final, ne protège pas le salarié mais handicape l'emploi", a expliqué au HuffPost le député LR Eric Ciotti.

Cette mesure hautement explosive survivra-t-elle à la rentrée sociale, laquelle s'annonce particulièrement chargée? La CGT a appelé à "une journée d'action et de grève dans toutes les entreprises et services" le 12 septembre, alors que Jean-Luc Mélenchon a lancé "un grand rassemblement populaire" le 23 septembre à Paris.

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