24 juin 2017

Qui a détruit la classe moyenne ?


Les difficultés auxquelles est confrontée la classe moyenne aux Etats-Unis sont, de mon humble opinion, liées de très près à l’abandon de la convertibilité du dollar en or qui remonte à 1971. J’ai tout à fait conscience que beaucoup pensent mon opinion ridicule. Mais l’une des raisons pour lesquelles je suis persuadé de cela est que, même d’après les statistiques officielles, les revenus moyens des hommes ont commencé à stagner à cette période, après avoir fortement augmenté tout au long des années 1950-60.

Le revenu moyen des hommes aux Etats-Unis était de 47.715 dollars en 2010. En 1969, il était de 44.455. Ces chiffres ont bien entendu été ‘ajustés à l’inflation’, bien que nous sachions tous que les ajustements effectués par le gouvernement sont généralement fortement sous-estimés.

Une autre façon d’observer cela est de le faire en termes d’onces d’or. Après tout, l’or a représenté la base monétaire des Etats-Unis 182 années durant, entre 1879 et 1971. Pourquoi donc ne pas l’utiliser pour déterminer combien les salariés sont réellement rémunérés ?

Notre employé modèle recevait autrefois un salaire nominal de 8.668 dollars. A l’époque, un dollar valait 1/35e d’once d’or. Son salaire représentait donc 248 onces d’or. En 2010, la valeur du dollar était en moyenne de 1/1224e d’once d’or. Un employé à temps plein de touchait donc pas plus de 39 onces d’or en 2010. Cette approche exagère quelque peu la situation en raison du rapide du déclin du dollar par rapport à l’or enregistré ces dernières années. Il n’en est pas moins qu’elle permette de mettre en lumière cette réalité économique.

Voyons les choses comme suit : qu’en serait-il si, au cours d’une année A, un employé Mexicain gagnait 8.668 pesos, et que la valeur du peso était d’un dollar. Notre employé Mexicain toucherait donc l’équivalent de 8.668 dollars. Imaginons que quarante ans plus tard, après quatre décennies de politiques d’argent facile et de dévaluation de devise, ce même Mexicain touche 47.715 pesos, mais que la valeur du peso ne soit plus que de 35 pesos pour un dollar. L’employé Mexicain ne gagnerait plus que 1.363 dollars. Aucun argument lié à la parité du pouvoir d’achat ne pourrait nier cette évidence.

Qu’il soit possible d’acheter un iPad à Mexico aujourd’hui, alors qu’il y a 40 ans, il fallait se contenter d’un écran de télévision et de tubes d’aspirateur, ne change rien au fait que l’employé Mexicain moyen gagne moins. Pour quelque raison que ce soit, la situation semble plus facile à accepter lorsque j’utilise l’exemple d’un travailleur Mexicain. Il semblerait que les Américains soient enclins à nier l’idée que quelque chose de similaire ait pu leur arriver.

C’est pourquoi il est impossible de dévaluer son chemin vers la prospérité. ‘Prospérité’ ne signifie rien de plus que des salaires nominaux plus élevés. A chaque fois que vous dévaluez une devise, les salaires diminuent en termes réels, même s’ils grimpent en termes nominaux.

Les Keynésiens ne se font jamais attendre pour décréter que leurs politiques d’argent facile entraînent une baisse du taux de chômage. De telles politiques peuvent fonctionner, mais ce n’est pas toujours le cas. Et si elles fonctionnent, c’est souvent parce que les salaires ont diminué par le biais de la dévaluation de devise, ce qui entraîne une augmentation de la demande en main d’œuvre en raison de son faible coût. La dévaluation des devises peut aider ceux qui n’ont pas d’emploi, mais se fait aux dépens des travailleurs – qui sont en plus grand nombre – parce que leurs salaires s’en trouvent diminués.

Non seulement le timing est parfait, mais cela paraît également sensé sur le plan théorique. Une stagnation et un déclin réel des salaires sont exactement ce à quoi s’attendre après qu’aient été employées des politiques de monnaie de singe.

Ce n’est cependant pas le seul problème auquel a été confrontée la classe moyenne des Etats-Unis ces dernières années. Les Etats-Unis ont un système fiscal bien meilleur aujourd’hui qu’il y a quarante ans, du moins pour ce qui concerne les salaires les plus élevés. J’espérerais un jour faire l’expérience d’un système basé sur une taxe de 18% du type de celle avancée par Steve Forbes.

Réduire les taxes sur les revenus les plus élevés peut bien évidemment rendre les riches plus riches qu’ils le sont. En revanche, je ne vois pas en quoi cela rend la classe moyenne plus pauvre, à moins peut-être que la baisse de taxes entraîne une réduction du financement des services gouvernementaux. Et cela n’est pas du tout le cas : le pourcentage du PIB représenté par les recettes fiscales est resté le même tout au long de ces 60 dernières années. L’important déclin enregistré ces dernières années est largement lié à la performance économique, et non aux politiques de taxation. Les dépenses du gouvernement sont, en termes de pourcentage du PIB, plus élevés aujourd’hui qu’elles ne l’ont jamais été auparavant.

S’il est une chose à retenir des soixante ans qui viennent de s’écouler, c’est la hausse des taxes applicables aux revenus les plus modestes. Ces taxes étaient de 3% en 1960, ou de 6% si vous y ajoutez les charges patronales, contre 6,5% (ou 15,3% charges patronales et Medicare inclus) aujourd’hui. Cela représente une augmentation très importante.

Les taxes sur les ventes ont augmenté de 7% en 1983 à 9,6% en 2010. Malheureusement, nous ne disposons pas de chiffres clairs avant cette date, bien qu’il semble que les taxes sur les ventes aient augmenté depuis les années 1950.

Notons également que les salaires bénéficiant d’exemptions d’impôts n’ont cessé d’être limités en raison des effets de l’inflation sur les catégories de revenus. En 1950, un couple marié était exonéré à hauteur de 1.200 dollars de salaire. Cela peut sembler être très peu, mais en 1950, le revenu moyen par tête était de 1.510 dollars. En 2010, le revenu moyen par tête était de 40.584 dollars, et un couple marié n’était exonéré qu’à hauteur de 11.400 dollars.

Nous avons pu assister à une hausse graduelle du taux d’imposition sur les premiers 50.000 dollars de revenus. Aujourd’hui, une famille de quatre personnes qui vit de 36.900 dollars – ce qui n’est pas grand-chose – paie un taux marginal d’imposition de 15%, et un impôt sur le revenu de 15,3%. Elle paie également 10% de taxes sur les ventes ainsi que des taxes locales et régionales, des taxes d’habitation, des frais, des taxes sur les appels téléphoniques, l’essence… Un contribuable célibataire atteint ce niveau de taxation dès que son salaire franchit les 14.650 dollars. De mon point de vue, c’est un fardeau bien trop important pour un revenu de ce type.

Un autre thème phare de ces quatre dernières décennies a été la sous-traitance, d’abord aux Sud-Coréens, puis aux Mexicains, et aujourd’hui majoritairement aux Chinois et aux Indiens. Le problème est qu’une très importante quantité de main d’œuvre a été introduite dans l’économie de marché globale. Cela tend à favoriser le capital, c’est-à-dire les chefs d’entreprise, c’est pourquoi les marges des sociétés Américaines sont au plus haut depuis des décennies.

C’est un problème auquel nous avons tenté de nous adapter depuis la naissance du capitalisme industriel. J’aime y faire référence en utilisant le ratio capital/force de travail. Il s’agit là plus d’une idée que d’une donnée d’importance. Tous les économistes sont d’accord sur le fait que la hausse des salaires est la réflexion de l’augmentation de la productivité. Imaginez une personne qui ne dispose que de peu de capital. Elle ne peut pas creuser beaucoup de trous avec son seul bâton. Sa productivité est très faible. Maintenant, donnez-lui plus de capital. Elle s’achète une pelle. Sa productivité augmente. Avec plus de capital, elle peut automatiser son travail et sa productivité peut atteindre des records. Imaginez qu’elle détienne de très importantes quantités de capital et qu’il puisse s’offrir un excavateur tel que ceux utilisés par les sociétés minières. Sa productivité augmenterait encore.

Dans la pratique, le capital ne prend jamais une forme si simpliste. Il pourrait s’agir d’un niveau d’éducation, d’un investissement dans le domaine de la recherche et du développement ou encore d’un investissement sur un hôtel de luxe plutôt que d’une notion dépassée ‘d’un homme et de sa machine’. Mais l’idée de base est la même : là où il existe beaucoup de capital et très peu de force de travail, les salaires augmentent. Investir un milliard de dollar sur un hôtel de luxe permet à des centaines de personnes d’offrir leurs services à un hôtel de luxe, de la même manière qu’investir un milliard de dollars sur de l’équipement permet à des centaines de personnes de proposer des services d’excavation.

Bien que le capital circule à l’échelle internationale, c’est là où se trouve le plus important niveau de création de capital (épargne élevée et faibles taxes) que l’on trouve généralement les plus importants investissements domestiques. La Chine détient la palme d’or dans ce domaine, puisqu’elle dispose d’un taux d’épargne de 50%. Pour reprendre notre exemple, disons que les Chinois passent du bâton à la pelle à l’excavateur en très peu de temps. Les Etats-Unis ont un taux d’épargne très faible, généralement de moins de 5%, ce qui contribue grandement au manque de capital de l’économie Américaine d’aujourd’hui.

En clair, l’offre de force de travail a augmenté aux Etats-Unis suite au développement de la sous-traitance, dans le même temps que le capital s’est amoindri en raison d’un très faible taux d’épargne et de l’une des pires gestions de capital - en termes de régime de taxation - du monde développé.

Aucun des points que nous avons vus jusqu’ici n’a quoi que ce soit à voir avec le fameux 1% dont on entend parler partout. En revanche, et notamment au cours de ces récentes dernières années, les politiques employées par les Etats-Unis sont devenues ouvertement corporatistes et ont favorisé le vol de grande échelle par le secteur financier ainsi que les secteurs de l’éducation, de la défense et de la santé. De nombreuses corporations ont utilisé leur influence politique pour s’engager dans des campagnes destructrices pour la classe moyenne, comme par exemple la délivrance excessive de prêts immobiliers et personnels. Le système de santé des Etats-Unis est également un grand prédateur de la classe moyenne, et son coût s’élève à 17% du PIB contre 5 à 8% du PIB dans d’autres pays.

En clair, certaines entreprises font pression sur le système politique pour obtenir de l’argent de la part du gouvernement. Et puisque ce sont majoritairement les 99% qui sont à l’origine de cet argent, qui n’est autre que le fruit de leurs taxations, cela constitue un vol de la classe moyenne par l’oligarchie. Jusqu’à aujourd’hui, ce vol a été financé par la dette, et ses effets sur la classe moyenne n’ont pas été ressentis directement. Mais la dette devra un jour être remboursée, et ce sont bien entendu les 99% qui seront chargés de payer.

Ces quatre éléments – dévaluation des salaires par la mauvaise gestion de la devise, politiques de taxation médiocre, détérioration du capital et activités prédatrice du capitalisme de copinage – constituent la base de la détérioration de la classe moyenne dans les Etats-Unis d’aujourd’hui. Comment pourrions-nous y répondre ?

1) En mettant en place une politique de stabilité monétaire et en retournant à un étalon or tel que celui qui était utilisé jusqu’en 1971.

2) Réformer les taxes, réduire les taux et baisser les taxes sur les salaires les plus bas.

3) Améliorer le ratio capital/force de travail en supprimant les obstacles à l’accumulation de capital et générant un meilleur taux d’épargne. Notez que cela s’oppose aux théories Keynésiennes qui se concentrent simplement sur la consommation.

4) Abolir le capitalisme de copinage et réguler les activités corporatistes qui portent atteinte à la classe moyenne.

Malheureusement, nous ne sommes pas prêts de voir se développer un débat rationnel autour de ces sujets. Les Démocrates, pour la plupart, ne les comprennent même pas. Les Républicains les comprennent mais ne les abordent pas par peur d’attiser les colères des Démocrates.

Je pense qu’il serait utile que les Républicains se concentrent un peu plus sur les familles qui appartiennent à la classe moyenne. Expliquer des politiques telles que celles mentionnées ci-dessus les aideront plus que toute réforme de taxes Démocrate. Les Républicains se sont eux-mêmes rendus inéligibles, tout simplement parce que les gouvernements Républicains tendent à oublier tout ce qu’ils promettent lors de leur campagne et à se lancer, une fois élus, dans une orgie de guerres, d’expansion de l’Etat-police et de financement de pots-de-vin.

Peut-être qu’avant la fin de la crise, le système politique des Etats-Unis sera remis sur pieds. Mais il se pourrait qu’un autre pays découvre avant eux la formule magique qui nous mènera tous vers la richesse et la prospérité.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.