09 juin 2017

Montpellier : bagarres au couteau, barbecues sauvages, l'enfer à Figuerolles


Des commerçants voisins de la place Salengro disent le sentiment d'insécurité grandissant qui les ronge.

Un enfer. Rien de moins. “Les commerçants ne peuvent plus travailler !” Mounir Letaief, longtemps patron d'une épicerie-primeur au 26 rue du Faubourg, récemment cédée, toujours engagé dans la vie associative - il préside depuis 2010 aux destinées de Mieux vivre à Figuerolles - se désole d'une insécurité décrite comme galopante.

Ou quand Salengro semble rimer avec Chicago. “Moi, monsieur, je ne veux pas risquer ma vie pour 1,50 € ou 3 €.” Solide gaillard, le serveur du bar La Pleine lune avoue craindre “certains clients assis en début de soirée, dès 19 h... On bascule dans un autre monde. C'est quand même grave.”
 
“On se demande si c'est encore Montpellier, ici...”

Alain Hachemi, propriétaire depuis un an de cette institution figuerolienne, confirme les dires de son employé. “On se demande encore si c'est Montpellier, ici. Je veux vendre. Je vois d'ailleurs un acheteur ce vendredi. Si on ne fait pas affaire, je dépose le bilan. Je me casse.”

Le bonhomme, verbe haut, narre une situation vécue. “Je vois des gens se battre avec des couteaux. J'appelle le 17, on me dit : “Nous viendrons quand les pompiers seront là.” Dernièrement, une patrouille est passée. Des jeunes qui faisaient un barbecue leur ont fait des signes... ils sont partis ! Et quand il y a un vrai problème, les policiers arrivent, toutes sirènes hurlantes, trente minutes après. Maintenant, je ferme plus tôt, avant 21 h, pour limiter les risques.”

"Ils sont dans une zone d'impunité totale !"

Rue Guillaume-Pellicier, la Table du Maroc pleure après des jours meilleurs. “J'ai perdu 70 % de ma clientèle”, résume Arahou Keddouch. Depuis le début du ramadan, le restaurateur, installé en 2008, observe de nouveaux comportements. “Le soir, quand je pars, ils installent un barbecue. Le matin, je dois tout nettoyer avant de rouvrir. Quand j'ose leur demander d'aller un peu plus loin, ils me disent : “Nique ta mère” ou “On s'en fout.” Cela prend des proportions incroyables !”

Mounir Letaief décrit des groupes de jeunes venus de La Paillade et du Petit-Bard. “Ils disent être bien à Salengro, pas très loin du centre-ville.” Un secteur circonscrit à quelques rues (Faubourg-Figuerolles, Guillaume-Pellicier, Daru et Palissade) sur lequel ces individus ont jeté leur dévolu. “Ils sont dans une zone d'impunité totale ! Nous sommes délaissés.”

Les pouvoirs publics, notamment alertés par courriers, semblent sourds. Quand ils ne bottent pas en touche. Comme Philippe Saurel, questionné sur le sujet par une riveraine, à la mi-mars, lors d'une réunion publique. “Je fais suivre à la police nationale. Ne comptez pas sur moi pour jouer le shérif avec un pétard !”

Certes, la Ville promet de remodeler, d'ici fin 2019 (et pour 4,4 M€ quand même), quelques lieux emblématiques du quartier. À commencer par cette fameuse place Salengro (rendue aux piétons) mais également le boulevard Renouvier (réduit à une seule voie de circulation) et la rue Daru (semi-piétonne).

“Moi-même, j'avais fait un pari sur l'avenir, convaincu que les lieux allaient s'améliorer, en rénovant mon magasin, détaille Mounir Letaief. Mais dès la première semaine, des gens ont commencé à menacer mon personnel. Du coup, j'ai préféré vendre voici trois mois. À 57 ans, je n'avais plus l'âge ni l'envie de me battre au quotidien.”

Entre bagarres de rue, vols et insultes

La nouvelle propriétaire, Leïla Khenissi, a découvert un quotidien fait de vols, d'altercations, d'insultes. “Il y a également des bagarres collectives, des règlements de compte entre clans tous les soirs à partir de 18 heures, au moment où on travaille le plus !”

La jeune femme n'oublie évidemment pas la violente agression à coups de couteau contre un trentenaire laissé gisant dans une mare de sang, lundi 5 juin dernier vers 18 h 30, à quelques dizaines de mètres de sa boutique, rue du Faubourg-de-Figuerolles. “Franchement, j'ai déjà porté plainte deux fois pour vol et agression. On m'a notamment dit : “T'es une femme, va te couvrir, sinon tu vas voir...” Ils veulent m'intimider.”

Le projet de chantier municipal laisse rêveuse Leïla Khenissi. “Il faudrait d'abord travailler à une meilleure fréquentation avant d'investir de l'argent dans des aménagements qui ne servent à rien. Ils se sont déjà approprié Guillaume-Pellicier et Daru.” Jeux de ballon jusqu'au bout de la nuit sur Salengro, barbecues sauvages : les commerçants interrogés témoignent tous des mêmes scènes surréalistes. “On est à Chicago, ça me dépasse complètement”, se désole encore Leïla Khenissi.

Zone de non-droit

Chez Dédé la boulange, Monique Devise arrive au bout d'une histoire de vingt ans. “Je viens de vendre à la Serm.” La sexagénaire ne se console pourtant pas de voir cette rue Daru qu'elle a tant aimée - “mes parents y tenaient un commerce dès 1964” - devenir une zone de non-droit. “L'autre jour, des vendeurs de cigarettes bouchaient l'entrée de ma boulangerie. Les clients n'osaient même plus entrer.”

Julien Simic, patron de la Pêcherie, décrit lui aussi une atmosphère qui décourage la clientèle. “Entre deal et vente de cigarettes à la sauvette, ce n'est plus possible. Sur trois ans, j'ai perdu du chiffre d'affaires. J'ai licencié deux de mes salariés en janvier. Nous ne sommes plus que sept. On le voit bien : il n'y a pas de passage. Et ce qui a eu lieu lundi dernier ne va pas arranger les choses. Si les types commencent à se poignarder entre eux, où est-ce qu'on va ?”

► La Ville n'a pas souhaité répondre à nos sollicitations.

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