EuropaCorp a été condamné par le tribunal de grande instance de Paris pour avoir violé les droits d'auteur de quatre dessinateurs d'Arthur et les Minimoys.
Luc Besson a la réputation d'être dur en affaires, et de faire signer des contrats toujours très favorables à son studio EuropaCorp. Parfois même un peu trop favorables... La justice vient ainsi de déclarer illicites des contrats passés avec quatre des principaux dessinateurs de la série Arthur et les Minimoys. Ces contrats ont donc été annulés.
Luc Besson a la réputation d'être dur en affaires, et de faire signer des contrats toujours très favorables à son studio EuropaCorp. Parfois même un peu trop favorables... La justice vient ainsi de déclarer illicites des contrats passés avec quatre des principaux dessinateurs de la série Arthur et les Minimoys. Ces contrats ont donc été annulés.
108 millions de dollars de recettes
EuropaCorp avait décidé de payer ces quatre dessinateurs en leur versant un cachet, de 18.000 à 43.858 euros pour le premier film, et de 40.000 euros pour le troisième.
Mais ces dessinateurs (Philippe Rouchier, Robert Cepo, Georges Bouchelaghem et Nicolas Fructus) se sont rebellés. Ils ont demandé en justice à recevoir un pourcentage de 0,3% des recettes des films, réclamant au total 7,2 millions d'euros (les entrées du seul premier épisode ont rapporté 108 millions de dollars, selon Box Office Mojo).
Le tribunal de grande instance de Paris leur a donné raison: il a estimé que les quatre dessinateurs avaient bien droit à un pourcentage des recettes. Il a mandaté un expert pour fixer la somme à leur verser, mais a d'ores et déjà ordonné à EuropaCorp de leur verser 15.000 euros de frais de procédure, plus 55.000 euros de "provision à valoir sur leur préjudice".
Un principe vieux de 60 ans
Les quatre dessinateurs ont obtenu un pourcentage des recettes car ils ont été reconnus co-auteurs des films. Dès lors, les principes du droit d'auteur s'appliquent, notamment que l'auteur doit être rémunéré proportionnellement aux recettes, une obligation inscrite dans la loi depuis près de 60 ans...
Certes, le droit d'auteur permet de rémunérer un auteur au cachet, mais si "sa contribution ne constitue pas l'un des éléments essentiels" de l’œuvre.
La bataille devant le tribunal a donc porté sur l'importance du travail de ces quatre dessinateurs. Luc Besson et le dessinateur en chef Patrice Garcia ont argué qu'ils avaient travaillé sous leur "subordination", et que leur contribution était "accessoire et secondaire". Surtout, EuropaCorp a exhibé les contrats des quatre dessinateurs, qui stipulaient qu'ils devaient créer seulement "les personnages secondaires, les accessoires et les décors". "Mais les tribunaux ne sont pas liés par les qualifications retenues par les contrats: ils examinent la contribution effectivement apportée par un auteur", observe Me Juan-Carlos Zedjaoui, associé chez Aja Avocats.
Lors de la procédure, les quatre dessinateurs ont rétorqué "avoir créé la quasi-totalité des personnages principaux, sans indication précise de la production, ni de Luc Besson, qui s'est contenté de valider le travail créatif qui lui était soumis. EuropaCorp prévoyait dès l'origine de nous tromper en minimisant notre travail de création".
Luc Besson se tire une balle dans le pied
Las! Le tribunal a tranché la question avec plusieurs éléments imprudemment fournis par Luc Besson lui-même... D'abord, le générique des trois films attribue "la création des personnages et des décors" à cinq personnes: Patrice Garcia et les quatre plaignants.
Ensuite, Luc Besson avait édité un livre sur le making of des trois films, qui indique: "C'est seulement lorsque les quatre dessinateurs considéraient une recherche comme aboutie qu'elle était proposée à Luc Besson". Conclusion des juges: "Il ressort de ce livre que les quatre dessinateurs ont participé dès le départ à la création des personnages principaux".
Et EuropaCorp a aussi indiqué qu'il y avait 57 personnages secondaires, 56 décors et 55 accessoires. Pour les juges, "cette liste permet de mesurer l'ampleur de la création artistique des quatre dessinateurs. Cette importante contribution ne peut, en tout état de cause, être qualifiée de non essentielle à la création de l’œuvre, alors qu'elle consiste à poser les bases et à créer l'univers graphique de l'oeuvre".
Me Zedjaoui conclut: "Il était audacieux d’invoquer le caractère accessoire de la contribution des quatre dessinateurs, compte tenu de l’importance de leur travail de création, qu'EuropaCorp avait d’ailleurs reconnue".
Pas un kopeck sur les produits dérivés
Mais ce n'est pas tout. Les quatre dessinateurs se sont aussi plaint de ne pas toucher un kopeck sur certains produits dérivés, comme le parc d'attraction Europa Park en Allemagne. Certes, leurs contrats prévoyaient bien de les rémunérer (à hauteur de 1,5% du prix de vente) sur le merchandising, mais "uniquement pour la représentation d'un personnage secondaire". Le tribunal a jugé cette clause illégale, car trop facilement contournable: "La condition de réalisation de cette clause dépend de la seule volonté d'EuropaCorp, qui peut, en associant la représentation d'un personnage secondaire avec un personnage principal, s'exonérer unilatéralement du paiement des sommes prévues".
EuropaCorp ayant violé les droits d'auteur des quatre dessinateurs, le studio de Luc Besson a donc été condamné pour "contrefaçon".
A noter que le tribunal a annulé uniquement les contrats portant sur les deux derniers épisodes de la trilogie, mais pas ceux du premier épisode, car la plainte a été déposée trop tard pour cela (cf. jugement ci-dessous).
Contactés, les quatre dessinateurs n'ont pas répondu, tandis que Patrice Garcia n'a pas souhaité faire de commentaires, et notamment indiquer s'il a fait ou non appel. De son côté, EuropaCorp répond: "Le tribunal a rejeté la majorité des demandes des quatre dessinateurs. Patrice Garcia et EuropaCorp ont fait appel du jugement".
À noter qu'un autre procès avait été intenté par le co-producteur de la trilogie, Avalanche Productions. Selon le livre Luc Besson, l'homme qui voulait être aimé (Flammarion), ce litige s'est réglé par une transaction à l'amiable.
La réponse d'EuropaCorp
Vendredi 4 mars, EuropaCorp nous a fait parvenir le texte suivant:
"Monsieur Luc Besson et la société EuropaCorp désirent rétablir les faits qui ont été dénaturés par l’article publié sur le site internet de bfmtv en date du 2 mars 2016 intitulé "Le studio de Luc besson condamné en contrefaçon". Monsieur Patrice Garcia a présenté en 2001 à Monsieur Besson un univers et des personnages dont il est l’auteur et qui sont à l’origine de la trilogie Arthur et le Minimoys. Monsieur Besson a décidé de réaliser ce projet et EuropaCorp, société qu’il contrôle, a décidé de le produire. Monsieur Garcia a logiquement demandé à ce que une équipe de trois puis quatre dessinateurs soit engagée à partir de 2002 pour l’assister dans le développement de cet énorme projet en travaillant sur des personnages secondaires, des décors et des accessoires. Bien des années plus tard, ces quatre dessinateurs "secondaires" estimant que les centaines de milliers d’euros que chacun avait touché n’étaient pas suffisant ont engagés un procès contre Monsieur Garcia et par ricochet contre EuropaCorp en vue de toucher un complément de rémunération en alléguant que leur rôle avait dépassé le rôle secondaire qui leur avait à l’origine été dévolu. L’article mentionne pourtant que "la justice vient de déclarer illicites les contrats passés avec les quatre dessinateurs principaux de la série Arthur et les Minimoys. Ces contrats ont donc été annulés". Cette assertion est à la foi mensongère et biaisée pour au moins trois raisons. Il ne s’agit pas des dessinateurs principaux de la série Arthur et les Minimoys mais bien de dessinateurs secondaires, Monsieur Patrice Garcia créateur de tous les personnages principaux d’Arthur étant au premier chef mis en cause par ses collaborateurs. Monsieur Garcia créateur principal est donc dans cette affaire au côté d’EuropaCorp et non contre le studio de Luc Besson, ce qui relativise grandement le titre accrocheur de l’article qui laisse entendre que Luc Besson se serait illégalement emparé du travail de tous les dessinateurs principaux, ce qui est parfaitement faux. De plus, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rejeté la demande de ces dessinateurs secondaires pour deux des trois contrats dont il demandaient la révision et n’a donc pas déclaré "illicites" l’ensemble des contrats concernés contrairement à ce que laisse entendre l’article. Enfin ce n’est pas le caractère illicite en soit du dernier de ces contrats qui a justifié la décision du tribunal de grande instance mais simplement l’appréciation que ce tribunal croit pouvoir faire après bien des années du travail respectif de Monsieur Garcia et de ses collaborateurs. Cette appréciation est parfaitement subjective et le tribunal a d’ailleurs renvoyé cette question à une expertise et n’a alloué aucun dommages et intérêts définitifs aux quatre plaignants. La réalité des faits est que Monsieur Luc Besson -dont le travail créatif sur cette trilogie est reconnu par tous- n’est absolument pas en cause dans cette affaire qui concerne au premier chef le créateur de l’univers d’Arthur, Monsieur Patrice Garcia et ses relations de travail avec ses collaborateurs. Ce n’est que par voie de conséquence que le producteur EuropaCorp a été attrait dans ce procès. Quoi qu’il en soit, Monsieur Besson qui a travaillé intensément sur ce projet dans toutes ses phases tient à souligner que l’appréciation subjective du tribunal sur le travail respectif de Monsieur Garcia et de ses collaborateurs, huit ans après les faits est complètement infondée, Monsieur Garcia étant bien le seul créateur de tous les personnages principaux de la trilogie. Monsieur Garcia et EuropaCorp ont donc fait appel de cette décision".
Le jugement du tribunal publié par BFMBusiness
Par Jamal Henni
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