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01 avril 2012

Au tout début...


Au tout début...

Avant ce changement de vie, j'ai été élevée dans un milieu tout à fait classique, et me dirigeais vers une vie classique. Je travaillais sur les marchés, je vendais de l'alimentaire pour le compte de patrons. Mais je ne me sentais pas à ma place, trop de goudron, trop de monde, trop de consommation, trop plat :
le besoin de vivre en montagne se fit sentir très fortement. La vie "civilisée" ne m'épanouissait pas, j'avais besoin d'altitude, de grands espaces, d'odeur de fumier, de sons de cloches et de prairies fleuries... A 23 ans, après avoir mis quelques sous de côté, je décide de tout quitter : je démissionne de mes CDI, mets les meubles dans un garage et pars à l'aventure près des montagnes d'Auvergne. Je laisse s'exprimer mes instincts.

Puis vint une idée originale

Mon idée première était de vivre à la montagne avec une activité agricole, complétée par celle d'Accompagnateur en Moyenne Montagne. Arrivée en Auvergne, je loue un gîte et découvre une nouvelle région. J'entame une recherche d'emploi et une formation d'Accompagnateur.

Je rencontre le père de "mes" enfants (ce ne sont pas les miens !) et deviens vite "ronde" comme un ballon… Le diplôme d'Accompagnateur en Moyenne Montagne est bien compromis ! Très vite nous tentons une installation agricole, mais le système DJA ne nous convient pas (Dotation pour Jeunes Agriculteurs : c'est une subvention très alléchante mais avec des obligations de revenus, ainsi, l'agriculteur est contraint de rentrer dans le moule de l'agriculture productiviste et rentable, et s'endette jusqu'au cou de façon à faire vivre le système : banquiers, groupements, etc).
 

Alors je décide "d'agricultiver" quand même mais pour notre famille : j'apprends sur le tas et me découvre vraiment une vocation et une passion. Vient l'achat du lieu où je vis aujourd'hui (trouvé tout simplement chez le notaire). C'est la suite d'un grand changement en moi, car ce lieu respire l'autarcie et la vie d'autrefois. Ma personnalité va de plus en plus vers l'autarcie, la vie simple et "pauvre" (mais riche à l'intérieur !). Notre couple n'a pas survécu à ce changement. Je reste dans ce lieu où j'ai l'impression d'être née, avec "mes" 2 enfants qui ont aujourd'hui 3 et 5 ans.

À l'origine, je voulais vivre dans un buron (petite construction de pierres en montagne où l'on fabriquait autrefois le fromage en belle saison lorsque les animaux étaient en estive) isolé du monde civilisé, vivre en montagne et en altitude. En fait je n'en suis pas loin car ce n'est pas un buron mais presque.

L'habitat : il s'agit d'une vieille maison typique auvergnate. Lors de notre arrivée, elle était déjà habitable. Si je compare la vie que je mène avec celle de nos ancêtres, la maison est très confortable, mais si on la compare à la vie "civilisée", cette vie est très rustique.

Une source alimente la maison en eau, mais je chauffe l'eau grâce au bois, avec une cuisinière, qui me sert aussi à cuire le repas et le pain, à sécher le linge et à chauffer la pièce. Le village où j'habite dispose d'une coupe d'affouage gratuite (droit de prendre du bois de chauffage ou de construction dans une forêt dont on n'est pas propriétaire), mais le terrain est très pentu : il faudrait un animal pour sortir le bois. Actuellement je l'achète car je ne manie pas la tronçonneuse, mais je vais régulièrement couper du bois mort à la scie pour en acheter moins.

La maison est raccordée à EDF : je l'utilise pour la lumière, la musique et la machine à laver, et aussi pour un congélateur et Internet.

La toilette se fait dans un grand baquet avec l'eau chauffée sur la cuisinière. Ce qui a été pris à la terre retourne à la terre tout simplement.

L'accès à la maison passe par un chemin de 700 m. L'altitude (1050 m) fait qu'il neige souvent l'hiver et que la voiture, parfois, ne peut monter jusqu'à l'habitation : je termine donc à pied le 1,5 km restant.

Le cadre est magnifique et les paysages me nourrissent. Le lieu que l'on choisit est d'une grande importance car il nous donne parfois les forces de vivre ce qui est parfois difficile. De "l'extérieur" on s'imagine souvent cette vie comme facile et belle, c'est une erreur de penser cela car elle est rude. Mais quel que soit le "chemin" que l'on prend, il y aura toujours des inconvénients : l'essentiel est de savoir ce qui est le plus important pour soi et sa famille. Dans ce choix de vie, il faut être capable d'être heureux avec de "petites choses" simples : un seau rempli de lait chaud, un œuf tout chaud, un panier de légumes, un bouquet de fleurs, un chevreuil entr'aperçu, un coucher de soleil… sont tant de choses qui me "nourrissent" ! Elles me permettent de surmonter les moments plus durs (le froid, les difficultés de circulation, les chevreuils qui mangent mes choux, le renard qui mange les poules, l'eau qui gèle...).

Il est important aussi de noter que je ne possède pas de surface agricole mais juste des jardins en terrasses. L'endroit étant abandonné, je profite des friches, chemins et bois communaux, et la bonne entente avec les agriculteurs du coin fait que les animaux ne manquent de rien (car les animaux sont souvent en liberté). J'envisage d'acquérir du terrain mais pour le moment je n'ai pas l'argent et ma capacité de travail avec les enfants en bas âge est à son maximum en pleine saison.

La vie au quotidien

Cela fait 5 ans que je vis sur ce lieu et pour les gens du village, seuls les enfants des gens nés dans la vallée sont d'ici. Généralement, ils acceptent les "étrangers" mais au bout de 10 ans environ. Cet été, je fus étonnée de constater que j'étais considérée comme quelqu'un d'ici : 3 hivers seule dans la montagne, ils savent maintenant que je resterais. Pour eux, il fallait faire ses preuves. Je n'ai rien à prouver, ni à moi, ni aux autres : je vis simplement ce qui est au plus profond de moi, ce que j'ai dans les "tripes", même les idées les plus folles.

Mes parents, lorsque je suis partie à l'aventure (départ pour l'Auvergne), ont eu peur pour moi, mais maintenant eux aussi, au bout de 7 ans, ont compris que la Vero va jusqu'au bout de ses idées et qu'elle n'en fait qu'à sa tête. La famille et les gens du village ne comprennent pas, évidemment, cette vie… mais lorsque l'amour règne, les liens demeurent malgré tout.

Être différent ne veut pas dire être intolérant à la différence... chacun son chemin.

Le quotidien est rythmé par les saisons.

L'hiver, l'énergie est concentrée sur le chauffage, les repas, les soins aux animaux.

En saison de végétation, le travail est plus intensif, de mars à novembre les tâches s'enchaînent. Actuellement je produis tous nos légumes et quelques fruits. Nous sommes autonomes en légumes, 2 chèvres nous donnent du lait (7-8 mois de l'année) et je fais des fromages. J'élève aussi de la volaille et des lapins. Et puis il y a aussi les cueillettes sauvages : cela va de l'ortie aux mûres, chénopodes (plante herbacée à feuilles plutôt triangulaires), lamiers (plante de la famille des labiacées) et bien d'autres que je découvre chaque année. A l'automne, il y a toutes les récoltes à préparer pour tenir l'hiver : sable, conserves, séchage, confitures...

La confection du pain et la préparation des repas font partie du quotidien. Les enfants y participent et prennent aussi une place importante dans mes occupations. Cette vie est vraiment d'une grande richesse pour eux et leur apporte un épanouissement et une autonomie indispensables pour une construction solide. Elle leur donne de bonnes bases pour leur vie future, qui sera peut-être différente de la mienne.

L'aînée est, à sa demande, scolarisée à temps partiel dans la petite école du village. Pourtant, je suis convaincue que si on fait confiance aux enfants, ils sont vraiment capables d'apprendre par eux-mêmes. Pour moi, la vraie école, c'est l'école de la vie, celle de la nature, celle où l'on apprend à prendre en charge ses besoins ; évidemment pour l'éducation nationale, savoir faire son pain et cultiver sa nourriture n'a pas de valeur. J'aimerais vraiment que la cadette ne soit pas en demande d'école : à moi de lui apporter ce contact régulier avec d'autres enfants, ce qui n'est pas évident lorsque l'on vit dans un endroit isolé.

Concernant la santé, certaines conditions de ma vie présente font que je n'arrive pas à vivre certaines passions et convictions concernant la phytothérapie et l'aromathérapie. Je suis aussi convaincue des bienfaits de l'allaitement long sur la santé de "mes" enfants.

La liberté étant plus forte, j'ai réussi à me détacher de l'argent, mes besoins ont baissé et baisseront encore je pense, ainsi j'ai décidé de vivre pauvrement mais pleinement. Au niveau des dépenses, je dois acheter les céréales pour les animaux et nous, l'huile, le sucre, les légumineuses, le savon. Reste aussi les assurances obligatoires, la taxe foncière, le carburant, le téléphone et l'électricité…

Les dépenses pour ces charges sont couvertes grâce à l'allocation familiale et de soutien de famille. Je me refuse à perdre ma liberté d'agir et de penser pour gagner de l'argent. Je suis intègre et vis ce que je suis jusqu'au bout.

Mon isolement m'oblige à utiliser une voiture. Téléphone, ordinateur et voiture me relient socialement aux autres et sans ce lien, je ne pourrais vivre si isolée. L'isolement n'a rien à voir avec l'endroit où l'on vit. Actuellement, je mets en place de l'accueil pour, une fois de plus, être reliée et trouver aussi de l'aide. Dans un plus long terme, je souhaiterais vraiment rattacher d'autres familles à proximité afin de créer des liens d'entraides et de partages (partages de savoirs, d'expériences, de matériels, ...)

Je ne m'informe pas sur l'actualité : je n'ai ni journaux ni radio.

Sans l'entraide, ma vie serait très pénible, c'est grâce à l'entraide et la solidarité que je dois cet ordinateur par exemple ou les bûches tronçonnées que je mets dans le feu. Le message que je souhaiterais faire passer c'est : NE PASSEZ PAS VOTRE TEMPS A RÊVER MAIS VIVEZ VOS RÊVES !!

Si vous souhaitez me contacter, vous me trouverez sur le forum de ce site sous le pseudo Autarcie.

4 ans plus tard...

Le 20 août 2007
Bonjour à tous,

Je me décide enfin a prendre le temps d’écrire la suite de mon témoignage qui date maintenant de 4 ans.

Je voudrais tout d’abord remercier tous ceux qui ont envoyé des messages sympas, des messages d’encouragements...

Toujours dans les montagnes, et plus que jamais.

C’est un peu tout qui s’est agrandi, la famille, la ferme...

S., mon compagnon, est venu ensoleiller encore plus notre vie, de cette union un petit bonhomme de 2 ans maintenant est né (à la maison).

Les deux aînés ont vécu l’école à la maison cette année, nous n’avons pas encore décidé pour l’année qui vient.

Après plusieurs années de “bricolage” à cultiver des terres abandonnées, à faucher les fossés, les friches... nous avons pu acheter plusieurs hectares et ainsi agrandir un peu le troupeau : 8 chèvres et un bouc partagent notre vie, les biquettes nous ont donné une belle lactation et je fabrique de nombreux fromages en saison (toujours aussi bons).

Un âne nous a aussi rejoint, pour le plaisir mais aussi pour nous aider à porter le bois, et divers choses.

Les poules sont aussi plus nombreuses et ont maintenant une jolie demeure, nous avons eut de nombreuses couvaison cette année.

Les lapins sont toujours là mais leur élevage est remis en question, rien n’est décidé pour le moment.

Nous attendons avec impatience la venue d’une vache jersiaise qui devrait arriver dans les semaines avenir (ah la bonne crème et le bon beurre) :)

Le jardin s’est grandement agrandi, un verger est aussi en cours de réalisation, les premiers arbres devraient être plantés a l’automne normalement.

Nous avons aussi profité de l’arrêt d’activité d’un maraîcher pour acheter une serre de 25 m de long qui nous permet de prolonger la saison de végétation. On y a prit goût et une 2ème s’apprête à voir le jour.

Nous n’avons pas le label bio, mais nous produisons du 100% bio, nous n’avons pas encore de statut agricole mais pensons être déclarés à la MSA dans les années qui viennent (c’est un peu un retour en arrière sur mes idées, à la suite de la découverte du texte de loi sur les obligations de l’obtention de la DJA).

Pour le moment nos revenus viennent toujours de l’extérieur de notre ferme. Je refuse toujours de perdre ma liberté de vie pour gagner de l’argent et préfère toujours réduire mes besoins financiers. Je commence à vendre quelques produits qui sont des surplus de notre production. Nous faisons à présent notre farine (grâce à une personne qui à bien voulu nous vendre son moulin à un prix raisonnable) et donc toujours notre pain.

C'est ainsi que nous parvenons à être en très grande partie autonome sur notre nourriture.

Nous avons pu grâce à S. beaucoup progresser en ce qui concerne la santé, les enfants sont très rarement malades et lorsque cela arrive nous arrivons à les soigner par nous même (huile essentielle, homéopathie, infusions, remèdes de grand-mère...)

Au niveau confort, la cuisinière “fourneau” est toujours mon inséparable : nous n’avons toujours pas l’eau chaude courante, et nous chauffons toujours au bois, mais S., a beaucoup amélioré la répartition de la chaleur ce qui nous a permis d’avoir des températures très correctes, nous sommes à présent autonome sur notre bois (sauf le carburant), c’est le grand luxe en fait.

L’accès à la maison reste identique mais la commune fait plus d’efforts pour nous déneiger, un petit tracteur et l’âne nous aident aussi à circuler mieux.

Les gens du village nous ont à présent vraiment acceptés, je pensais qu’il faudrait 10 ans, mais cela a pris bien moins de temps : les relations sont bonnes et permettent des ouvertures pour installation d’alternatifs sur la commune.

Au niveau de la communication, je confirme que le lieu de vie que l’on choisi n’a rien a voir avec la vie sociale qui en découle et qu’il est possible de vivre de façon isolée dans la nature et d’être très reliée avec d’autres humains : merci à internet, notre voiture, et le téléphone.

Je ne peux que continuer à vous encourager vers une vie plus simple et plus proche de nos origines, vous encourager à vivre ce qui est au fond de vous, même si c’est difficile, et c’est difficile mais c’est merveilleux, que de richesses !

Alors faites-le, demain sera peut-être trop tard !

Véronique d’Auvergne

Je suis S., le compagnon de Véro.

Le message que je souhaite faire passer c’est que pour changer de façon de vivre il faut aussi bien souvent changer sa vision du monde.

Nous vivons simplement parce que nous ne croyons plus à l’idéologie de la croissance.

Si l’homme a encore un avenir sur terre, il passe certainement par la décroissance.

C’est avec d’autres yeux, d’autres valeurs, que nous regardons le monde qui nous entoure. 

3 commentaires:

  1. Sublime ! :-) Merci a ces gens d'exister! :-)

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  2. Bonjour,
    Je suis tombé sur ce blogue au travers de Gravoline, lorsqu'elle a suspendus le sien...
    Lorsque je vivais encore en France, sur les marchés de campagne je rencontrai parfois certaine de mes connaissance qui professait le même courant de pensé...
    Mais voila qu'avec la distance, et quelques révélation prophétique j'ai enfin commencé a prendre au sérieux ce que "S" conclus si bien, je cite : " Si l’homme a encore un avenir sur terre, il passe certainement par la décroissance."
    Maintenant j’apprécie et je respecte encore plus votre approche de la vie physique que vous professez. Bravo et tenez bon dans les mauvais jours comme dans les bons.
    Stéphane de Thaïlande.

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