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30 mars 2012

La Bête ouvre la dernière porte (pas trop tôt !)


Il est de plus en plus évident que l'étau policier de la Pieuvre se resserre autour de nous. Chaque jour elle développe une nouvelle technique de surveillance, se glisse dans notre intimité, filme, enregistre, repère le moindre de nos mouvements.

Elle serait sur le point de lire nos pensées. C'est absolument désespérant.

Sauf...

Sauf si on s'en moque.

Cette course démente de la Bête nous accule à l'essentiel. On a tous nos petits secrets. Elle les lèvera tous, nous culbutera, et tout ce que nous cachions sera répandu à sa vue, à la vue de tous.

Révélation, apocalypse.

Le dedans sera mis dehors, exposé.

Est-ce un mal ? Est-ce un bien ?

Plus j'y pense, et plus je me dis que je n'ai strictement rien à faire de cette violence, de cette intrusion. Que tous les flics et les espions se pressent à ma porte, qu'ils examinent chacun de mes gestes et chacune de mes pensées, je m'en fous. Plus ils me talonnent, et plus ma pensée et ma liberté essentielle se dégagent du magma ancien.

Quand une chose est arrivée, on n'a plus peur qu'elle arrive.

Je m'en fous, de leurs manigances, parce que la Bête et sa pauvre morale, je les emmerde. Je suis moi. Face à cette faim de pouvoir, j'affirme de plus en plus le mien. Celui d'être libre d'elle.

Moi, ce moi insupportable qu'on m'a défendu d'être, et qu'elle prétend soumettre, dans son arrogance. Moi, ce rien, ce vermisseau, cet étron, ce microbe puant qui a l'audace d'exister, moi, j'emmerde la Bête et tout le toutim. Les dieux et les autorités, tout ce qui cherche à penser pour moi ? Je les emmerde.

JE SUIS. Non ?

Si. JE SUIS. Dans ce maelström où tout est lié, mon moi surnage et veut vivre. Dans l'existence, cet envers du décor, JE SUIS.

Le fait que la Bête veuille tout savoir, tout contrôler n'est plus une contrainte si je décide que je n'ai rien à cacher. Rien à cacher, puisque j'assume tout. J'assume pleinement ce que je suis. Je ne me déguise plus, je ne joue plus à cache cache, je suis. JE SUIS.

On pourrait dire à la suite d'Hugo que Caïn a cessé de fuir l' Œil. Cessé d'en avoir peur. Caïn n'a plus rien à cacher.

Que peut la Bête contre ça ? Me tuer, peut-être, et ça, pour être tout à fait franc, je m'en fous complètement. Elle m'arrachera à l'existence, m'effacera de ses listes, gommera mon souvenir, et ne pourra rien de plus. Aura ma peau, qui est une sorte de fantôme, de gelée, de coagulation, de concrétion, de coquille, mais ne m'aura pas, MOI.

MOI, je suis indestructible. Elle le sait, d'ailleurs.

Pour penser plus loin, je me demande si le rôle de la Bête n'est pas justement de faire éclore définitivement ce MOI qui n'osait pas sortir.

Une sorte de révélateur.

Une drôle de Bête, tous comptes faits. 

4 commentaires:

  1. Magnifique! Grandiose! Voilà quelqu'un qui a tout compris ! MERCI Vieux Jade ! :-))

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  2. Caïn n'a jamais rien caché. Non content d'avoir tué, il réponds à l'oeil qu'il n'est pas gardien de son frère. L'oeil le bannit, pour la tranquillité des autres. Tu parles, si caïn a eu peur, ce n'est pas de l'oeil, mais d'être tué à son tour, il a simplement découvert la mort.

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    1. Je n'analyse pas le sens du mythe. Je fais référence au poème d'Hugo qui a pour titre "la Conscience". Dans ce poème, Caïn ne fuit pas "la mort" ou "la peur d'être tué", mais bien quelque chose qui le regarde, quoi qu'il fasse, et dont il a peur. Hugo dit à sa manière que la conscience est effrayante.

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  3. :))) J'aimerais avoir tout compris :)
    Mais je n'en suis pas vraiment sûr. Disons que c'est ma compréhension du moment.

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