Le nombre de personnes traitées pour dépression a triplé au cours des dix années [ayant suivi la mise sur le marché du Prozac, en 1987], et environ 10 % des Américains âgés de plus de 6 ans prennent actuellement des antidépresseurs(1).
La hausse des prescriptions de médicaments soignant les psychoses est encore plus spectaculaire. La nouvelle génération de neuroleptiques tels que le Risperdal, le Zyprexa et le Xeroquel a remplacé les anti-cholestérol en tête des ventes de produits pharmaceutiques aux États-Unis (2).
Que se passe-t-il? La prévalence des maladies mentales est-elle si élevée, et continue-t-elle d’augmenter? Ou bien savons-nous mieux reconnaître et diagnostiquer des troubles qui ont toujours existé? Ne sommes-nous pas simplement en train d’étendre les critères de diagnostic des maladies mentales de telle sorte que presque tout le monde en ait une? Et qu’en est-il des médicaments aujourd’hui à la base des traitements? Sont-ils efficaces?
Telles sont les questions, entre autres, que posent les auteurs de trois livres au propos fracassant : « Antidépresseurs. Le grand mensonge », « Anatomy of an Epidemic » et « Unhinged ». Trois auteurs au parcours différent : Irving Kirsch est psychologue à l’université de Hull, en Grande-Bretagne ; Robert Whitaker est journaliste, précédemment auteur d’une histoire du traitement des maladies mentales; Daniel Carlat est psychiatre dans une banlieue de Boston et tient un blog sur son métier. (…) Tous trois sont remarquablement d’accord sur quelques sujets importants et leurs thèses sont solidement étayées.
Telles sont les questions, entre autres, que posent les auteurs de trois livres au propos fracassant : « Antidépresseurs. Le grand mensonge », « Anatomy of an Epidemic » et « Unhinged ». Trois auteurs au parcours différent : Irving Kirsch est psychologue à l’université de Hull, en Grande-Bretagne ; Robert Whitaker est journaliste, précédemment auteur d’une histoire du traitement des maladies mentales; Daniel Carlat est psychiatre dans une banlieue de Boston et tient un blog sur son métier. (…) Tous trois sont remarquablement d’accord sur quelques sujets importants et leurs thèses sont solidement étayées.
La valse des tranquillisants
D’abord, aucun d’eux ne souscrit à la théorie très répandue selon laquelle la maladie mentale naît d’un déséquilibre chimique dans le cerveau. Comme le raconte Whitaker, cette thèse est apparue peu après l’introduction des psychotropes dans les années 1950.
Le premier fut la chlorpromazine, lancée en 1954 comme un «tranquillisant majeur» et bientôt amplement utilisée dans les hôpitaux psychiatriques pour calmer les patients psychotiques, notamment les personnes atteintes de schizophrénie(6). La chlorpromazine fut suivie l’année suivante par le méprobamate, présenté comme un «tranquillisant mineur» pour traiter l’anxiété des malades en consultations externes. Et, en 1957, l’iproniazide arriva sur le marché comme «stimulant psychique» pour soigner la dépression.
Ainsi, en l’espace de trois petites années, des médicaments étaient devenus disponibles pour traiter les trois principales catégories de troubles psychiques tels qu’on les définissait à l’époque – psychose, anxiété et dépression. La psychiatrie s’en trouva totalement transformée. Ces produits n’avaient pourtant pas été mis au point à l’origine pour traiter les maladies mentales. Ils dérivaient de molécules conçues pour soigner des infections, dont on avait découvert seulement à la suite d’heureux hasards qu’elles modifiaient les états psychiques.
Une logique particulière
Au début, personne n’avait la moindre idée de la façon dont elles agissaient. On constatait simplement qu’elles atténuaient les symptômes. Au cours de la décennie suivante, les chercheurs découvrirent que ces médicaments, et les psychotropes qui leur ont rapidement succédé, affectent le taux de certaines substances chimiques dans le cerveau.
Avec la découverte que les psychotropes influaient sur le taux des neurotransmetteurs, on a vu surgir cette théorie : les maladies mentales sont provoquées par une anomalie dans la concentration de ces substances chimiques à l’intérieur du cerveau – anomalie qui est précisément corrigée par le médicament approprié.
Ainsi, puisque la chlorpromazine s’avérait diminuer le niveau de dopamine dans le cerveau, on en a conclu que les psychoses telles que la schizophrénie sont causées par un excès de dopamine. Ou plus tard, parce que certains antidépresseurs font augmenter le taux d’un autre neurotransmetteur, la sérotonine, on postula que la dépression est due à un déficit de sérotonine.
Ainsi, au lieu de mettre au point un médicament pour traiter une anomalie, on a postulé une anomalie correspondant à un médicament. C’était un grand bond en matière de logique, comme le soulignent les trois auteurs. Il est parfaitement possible que des médicaments agissant sur le taux de neurotransmetteurs puissent soulager des symptômes, même si les neurotransmetteurs en question n’ont rien à voir au départ avec la maladie.
Comme l’écrit Carlat, «en suivant ce raisonnement, on pourrait dire que la cause de toutes les affections douloureuses est une carence en opiacés, puisque les narcotiques prescrits contre la douleur activent les récepteurs opioïdes dans le cerveau». On pourrait aussi expliquer que la fièvre est due à un manque d’aspirine…
Effet(s) placebo(s)
Les médicaments sont-ils efficaces ? Toute théorie mise à part, c’est la question qui importe. Dans son livre concis et tout à fait captivant, Kirsch décrit les recherches qu’il a menées pendant quinze ans pour répondre à cette interrogation à propos des antidépresseurs.
Quand il a commencé ses travaux en 1995, il s’est principalement intéressé aux effets des placebos. Pour les étudier, il a passé en revue avec un collègue trente-huit essais cliniques publiés qui comparaient divers traitements avec des substances neutres, ou confrontaient psychothérapie et absence de soins. La plupart des expériences de ce type durent de six à huit semaines, pendant lesquelles l’état des patients tend à s’améliorer quelque peu, même sans aucun traitement. Mais Kirsch a découvert que les placebos étaient trois fois plus efficaces que l’absence de traitement. Ce résultat ne l’a pas particulièrement surpris.
Il l’a été, en revanche, de constater que les antidépresseurs n’étaient que très légèrement plus performants que les substances neutres. À en juger par les échelles utilisées pour mesurer la dépression, un placebo était à 75 % aussi efficace qu’une molécule active. Kirsch a alors décidé de répéter son étude en examinant un ensemble de données plus complet et standardisé. (…)
Au total, l’auteur a pu disposer de quarante-deux essais. La plupart étaient négatifs. Surtout, les placebos étaient à 83% aussi efficaces que les médicaments, selon les critères définis par l’échelle de Hamilton (HAM-D), questionnaire mesurant la sévérité des symptômes de la dépression, très utilisé dans le milieu médical. (…) Les résultats étaient quasi identiques pour les six médicaments : tout aussi médiocres. Cependant, dans la mesure où les essais positifs avaient reçu une large publicité, alors que les expériences négatives avaient été dissimulées, l’opinion et la profession en sont venues à croire que ces produits sont extrêmement efficaces.
Kirsch a également été frappé par une autre découverte inattendue. Sa première étude et les travaux d’autres chercheurs avaient révélé que même des traitements non considérés comme des antidépresseurs – l’hormone thyroïdienne de synthèse, les opiacés, les sédatifs, les stimulants et certains remèdes à base de plantes – étaient aussi efficaces qu’eux pour atténuer les symptômes.
« Quand ils sont administrés en tant qu’antidépresseurs, écrit Kirsch, les médicaments qui font augmenter, baisser, ou n’ont pas d’effet sur la sérotonine soulagent tous de la dépression à peu près au même degré.»
L’importance des effets secondaires
Ce que tous ces produits « efficaces » avaient en commun ? Le fait de provoquer des effets secondaires dont les patients testés avaient été prévenus. Il est important que les essais cliniques, en particulier ceux concernant des troubles subjectifs comme la dépression, continuent à être menés en double aveugle. Cela empêche le cobaye et ses médecins d’imaginer des améliorations inexistantes, ce qui a plus de chances de se produire s’ils pensent que l’agent administré est une molécule active et non un placebo.
Après avoir découvert que presque tous les médicaments produisant des effets secondaires sont légèrement plus efficaces dans le traitement de la dépression qu’un placebo inerte, Kirsch a émis l’hypothèse que la présence de ces effets permet aux individus de deviner qu’un traitement actif leur est administré, ce qui les rend plus enclins à signaler une amélioration (cette hypothèse est corroborée par des entretiens avec des patients et des médecins).
Les antidépresseurs semblent plus efficaces dans le traitement des dépressions sévères que dans les autres cas, suggère-t-il, parce que les patients atteints de symptômes graves reçoivent généralement des doses plus élevées et ressentent donc davantage d’effets secondaires.
Enquêtant plus avant, Kirsch a ensuite examiné certains essais ayant employé des placebos «actifs» au lieu de placebos inertes. Le premier type de substance produisant des effets secondaires. C’est le cas de l’atropine, médicament qui bloque sélectivement l’action de certaines fibres nerveuses. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un antidépresseur, l’atropine provoque, entre autres, un dessèchement notable de la bouche.
Lors d’essais l’utilisant, aucune différence entre l’antidépresseur et le placebo actif n’a pu être observée. Chacun ressentait des effets, et chacun signalait le même degré d’amélioration.
« Tout ceci mis bout à bout, écrit Kirsch, nous amène à la conclusion que la différence relativement faible entre médicaments et placebos pourrait ne pas correspondre du tout à un effet médicamenteux. Il s’agirait plutôt d’un effet placebo amélioré, produit par le fait que certains patients ont percé à jour le test en double aveugle, ayant fini par deviner s’ils avaient reçu un médicament ou un placebo. Si tel est le cas, il n’y a strictement aucun effet véritable lié à un antidépresseur. Plutôt que de comparer placebos et médicaments, nous avons comparé des placebos “normaux” avec des placebos “renforcés”. »
«Imaginez qu’apparaisse un virus…»
À la différence de Kirsch, qui perd rarement son calme, Whitaker est scandalisé par ce qu’il considère comme une épidémie iatrogénique (introduite involontairement par les médecins) de dysfonctionnements du cerveau, en particulier celui engendré par l’usage massif des nouveaux antipsychotiques «atypiques» tels que le Zyprexa, qui provoque de sérieux effets secondaires.
Il invite à cette « expérience de pensée express » :
« Imaginez qu’apparaisse soudain dans notre société un virus faisant dormir les gens douze ou quatorze heures par jour. Ceux qui sont infectés se déplacent un peu plus lentement et semblent détachés émotionnellement. Beaucoup prennent énormément de poids – 10, 20, 30, voire 50 kilos. Souvent, le taux de sucre dans le sang monte en flèche, ainsi que le taux de cholestérol. Nombre d’entre eux – enfants et adolescents ne sont pas épargnés – deviennent diabétiques assez rapidement… Le gouvernement fédéral accorde des centaines de millions de dollars aux scientifiques des meilleures universités pour comprendre comment agit ce virus, et les chercheurs finissent par conclure que, s’il cause un dysfonctionnement aussi général, c’est parce qu’il bloque une multitude de récepteurs de neurotransmetteurs dans le cerveau – dopaminergiques, sérotonergiques, muscariniques, et histaminergiques. Tous ces cheminements neuronaux du cerveau sont compromis. De plus, des études d’imagerie montrent que, sur une période de plusieurs années, le virus rétrécit le cortex cérébral, et ce rétrécissement est lié à un déclin cognitif. La population terrifiée réclame un remède. Aujourd’hui, une telle maladie a dans la réalité touché des millions d’enfants et d’adultes américains. J’ai simplement décrit les effets de l’antipsychotique du laboratoire Eli Lilly le plus vendu, le Zyprexa. »
Psychiatres et labos: la sainte alliance
La psychiatrie devenant une spécialité faisant un usage intensif des médicaments, l’industrie pharmaceutique fut prompte à voir l’avantage qu’elle aurait à conclure une alliance avec la profession.
Les laboratoires commencèrent à prodiguer attentions et largesses aux psychiatres, tant individuellement que collectivement. Ils couvrirent les praticiens de cadeaux et d’échantillons gratuits, les recrutèrent comme consultants et porte-parole, les invitèrent au restaurant, financèrent leur participation à des congrès et leur fournirent du matériel «pédagogique».
Quand le Minnesota et le Vermont appliquèrent les Sunshine laws [lois relatives à la transparence des documents administratifs], qui obligeaient les labos à signaler les sommes qu’ils versaient aux médecins, on s’aperçut que les psychiatres percevaient plus d’argent que les autres spécialistes. L’industrie pharmaceutique sponsorise également les congrès de l’APA et autres rencontres professionnelles. Environ un cinquième du financement de l’APA provient aujourd’hui des laboratoires.
Ces derniers sont particulièrement soucieux de s’attirer les faveurs des psychiatres enseignant dans les grands centres universitaires. Appelés «leaders d’opinion clés» (KOL) par l’industrie, il s’agit de personnes qui, à travers leurs écrits et leur enseignement, pèseront sur la manière dont les maladies mentales seront diagnostiquées et traitées.
Ces « leaders » publient aussi l’essentiel des recherches cliniques sur les médicaments et décident en grande partie du contenu du DSM. En un sens, ils constituent la meilleure force de vente dont puisse disposer l’industrie, et valent qu’on ne lésine pas à leur égard. Sur les 170 contributeurs de la version actuelle du DSM, presque tous peuvent être décrits comme des KOL; 95 d’entre eux entretenaient des liens financiers avec des labos, notamment tous les contributeurs des sections consacrées aux troubles de l’humeur et à la schizophrénie.
L’industrie pharmaceutique soutient bien d’autres spécialistes et associations professionnelles, mais Carlat demande pourquoi «les psychiatres arrivent systématiquement en tête des spécialités quand il s’agit de soutirer de l’argent aux labos». Sa réponse: «Nos diagnostics sont subjectifs et extensibles, et nous avons peu de motifs rationnels de choisir un traitement plutôt qu’un autre.»
À la différence des maladies relevant de la plupart des autres branches de la médecine, il n’existe pas de signes objectifs ou de tests permettant de reconnaître telle ou telle pathologie mentale – ni données de laboratoire, ni imagerie par résonance magnétique – et les limites entre le normal et l’anormal sont souvent floues. Cela permet l’extension des frontières des diagnostics, voire la création de nouvelles pathologies selon des modalités qui seraient impossibles, disons, dans un domaine comme la cardiologie. Et les labos ont tout intérêt à inciter les psychiatres à agir précisément de cette façon. (…)
Le travail du psychiatre
Comme la plupart des autres psychiatres, Carlat traite ses patients uniquement avec des médicaments, non au moyen de la thérapie par la parole, et il confie très franchement les avantages que cela présente. S’il voit trois patients par heure pour de la psychopharmacologie, a-t-il calculé, il obtient des assureurs environ 180 dollars de l’heure. En comparaison, la «thérapie par la parole» l’obligerait à ne recevoir qu’un seul patient par heure, ce pour quoi les assureurs lui verseraient moins de 100 dollars(12).
Carlat ne pense pas que la psychopharmacologie soit particulièrement compliquée, et encore moins exacte, bien que l’opinion soit incitée à le croire:
«Les patients considèrent souvent les psychiatres comme des experts en neurotransmetteurs, qui peuvent choisir précisément la bonne prescription pour le déséquilibre chimique en jeu, quel qu’il soit. Cette trop bonne opinion de nos capacités a été encouragée par les labos, par nous autres psychiatres, et par l’espoir de guérison bien compréhensible des malades.»
Son travail consiste à poser aux patients une série de questions sur leurs symptômes pour voir s’ils correspondent à l’un ou l’autre des troubles répertoriés dans le DSM. Cet exercice, écrit-il, donne «l’illusion que nous comprenons nos malades alors que nous nous bornons à leur accoler des étiquettes(13)».
Souvent, les patients satisfont aux critères pour plus d’un diagnostic, parce que les symptômes se recouvrent partiellement. Par exemple, la difficulté de concentration est un critère pour plusieurs troubles. L’un des clients de Carlat s’est retrouvé avec sept diagnostics différents.
«Nous ciblons des symptômes spécifiques avec les traitements, et ajoutons par-dessus d’autres médicaments pour les effets secondaires.» Un patient type, dit-il, pourra prendre du Seropram pour la dépression, du Lexomil pour les crises d’angoisse, du Stilnox pour l’insomnie, du Modiodal pour la fatigue (effet secondaire du Seropram) et du Viagra pour l’impuissance (autre effet secondaire du Seropram).
Quant aux prescriptions elles-mêmes, Carlat écrit qu’«il n’existe qu’une poignée de catégories génériques de psychotropes», à l’intérieur desquelles les médicaments ne sont pas très différents les uns des autres. Il ne croit pas qu’il y ait vraiment matière à choisir entre eux:
«Nos décisions de prescription sont remarquablement subjectives, voire aléatoires. Votre psy sera peut-être d’humeur à vous prescrire du Seroplex ce matin, parce qu’une accorte visiteuse médicale du labo fabriquant le Seroplex viendra de sortir de son cabinet».
Et de conclure:
« Telle est la psychopharmacologie moderne. Uniquement guidés par les symptômes, nous essayons différents médicaments, sans réelle compréhension de ce que nous tentons de guérir, ni de la façon dont les substances fonctionnent. Je m’étonne en permanence que nous soyons aussi efficaces avec un si grand nombre de patients. »
Si Carlat pense que les psychotropes sont parfois efficaces, il se fonde pour le dire sur le seul apport de témoignages. Ce qu’il désapprouve, c’est leur sur-utilisation et la «frénésie de diagnostics psychiatriques» dont il parle. Pour reprendre ses termes, «si vous demandez à n’importe quel psychiatre clinicien, moi y compris, si les antidépresseurs sont efficaces chez ses patients, vous entendrez un “oui” dépourvu d’ambiguïté. Nous voyons tout le temps des gens aller mieux».
Mais il poursuit en faisant l’hypothèse, comme Irving Kirsch, qu’ils réagissent à l’activation d’un effet placebo. Si les psychotropes n’ont pas toutes les vertus qu’on leur prête – et les données disponibles confirment qu’on peut en douter –, qu’en est-il des diagnostics eux-mêmes? Alors qu’ils sont toujours plus nombreux à chaque nouvelle édition du DSM, que pouvons-nous en tirer?
Extension du domaine des troubles mentaux
En 1999, l’APA commença à travailler à la cinquième révision du DSM, dont la parution est prévue pour 2013. Le comité de rédaction (qui compte maintenant vingt-sept membres) est dirigé par David Kupfer, professeur de psychiatrie à l’université de Pittsburg, assisté de Darrel Regier de l’APA.
Comme pour les éditions antérieures, le comité est conseillé par de nombreux groupes de travail, qui comptent actuellement quelque 140 membres, et correspondent aux principales catégories de diagnostics. Les délibérations et propositions en cours ont d’ores et déjà été largement dévoilées sur le site Web de l’APA et dans les médias, et il apparaît que la constellation des troubles mentaux, déjà très vaste, va encore s’étendre.
En particulier, les limites des diagnostics seront élargies pour inclure les signes avant-coureurs de troubles, tel le «syndrome de risque de psychose» et le «léger déficit cognitif», annonçant peut-être une maladie d’Alzheimer . Le terme «spectre» est utilisé pour dilater les catégories, par exemple : « spectre des désordres obsessionnels-compulsifs», «troubles du spectre schizophrénique» et «troubles du spectre autistique».
Et l’on voit apparaître des propositions pour des entrées entièrement nouvelles, telles que «trouble d’hypersexualité», «syndrome des jambes sans repos», «boulimie compulsive(15)» .
Même Allen Frances, qui présida le comité de rédaction du DSM-IV, porte un regard très critique sur la multiplication des diagnostics dans le DSM-5. Dans le numéro du 26 juin 2009 du «Psychiatric Times», il écrivait que l’ouvrage serait «une aubaine pour l’industrie pharmaceutique, mais à un coût très élevé pour les nouveaux patients “faux positifs” qui se trouveront pris dans le filet extrêmement large» de ce nouveau manuel.
Marcia Angell
Médecin, Marcia Angell a fait carrière au célèbre "New England Journal of Medicine", dont elle a quitté la rédaction en chef en 2000. Elle a écrit plusieurs livres sur le système médical américain. L’un d’eux a été traduit en français par le Pr Philippe Even: "La Vérité sur les compagnies pharmaceutiques et comment les contrecarrer" (Éditions Le Mieux-Être, 2005).
Article paru dans la «New York Review of Books»(23 juin, 14 juillet et 18 août 2011)
traduction de Philippe Babo.
traduction de Philippe Babo.
Notes
1| En France le chiffre était de 5% en 2003.
2| En France, aucun des dix médicaments les plus vendus (en valeur) n’est un psychotrope. Cependant, ils se situent au deuxième rang derrière les antalgiques pour le nombre d’unités vendues (rapport parlementaire sur « le bon usage des médicaments psychotropes », juin 2006).
3| Les effets de la chlorpromazine, en particulier sur les psychoses aiguës et chroniques, ont été découverts en France en 1952 dans le service du professeur Jean Delay, à l’hôpital Sainte-Anne (Paris). Pierre Deniker, assistant du professeur Delay, a joué un rôle majeur dans cette découverte.
4| C’est le cas aussi en France, mais l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) ne délivre que 20 % environ des AMM. Les 80 % restants sont délivrées par l’Agence européenne du médicament (EMA), à Londres. Laquelle se fie largement aux autorisations données par la FDA américaine.
5| En France, un psychiatre ou un psychothérapeute consacre typiquement une demi-heure à trois quarts d’heure à un patient. La « thérapie par la parole » est en grande partie assurée par des professionnels non médecins et dont les actes ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale et les mutuelles.
6| Aux États-Unis, les assureurs remboursent au vu du diagnostic indiqué par le médecin, alors qu’en France le médecin n’indique pas son diagnostic, le remboursement se faisant « à l’acte ».
7| À propos du syndrome des jambes sans repos, Wikipédia, dont nombre d’articles sont manipulés par l’industrie pharmaceutique, écrit que cette « maladie […] touche environ 8,5 % de la population française ».
Vu sur Incapable de se taire
Pour éviter justement à ces effets secondaires, que pensez vous des plantes au lieu de médicaments?
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