Boeing a récemment commis un nouveau gâchis en ce qui concerne son avion 737 MAX. Une porte bouchon, utilisée pour couvrir le trou où certains avions ont des sorties de secours supplémentaires, a explosé alors que le vol 1282 d’Alaska Airways était encore en vol. L’avion a décompressé mais a pu atterrir en toute sécurité à Portland.
J’en concluais :
On espère que la FAA et le Congrès vont enfin s’attaquer sérieusement à Boeing. Ils doivent cesser de lui accorder toutes ces exceptions pour des problèmes qu’une meilleure ingénierie (mais plus coûteuse) pourrait facilement résoudre.
La question laissée en suspens était de savoir qui était responsable de l’absence des boulons censés maintenir la porte bouchon en place, mais qui n’ont pas été retrouvés sur l’avion endommagé. Les coques des 737 MAX 9 sont construites par Spirit AeroSystems à Wichita (Kansas), puis envoyées à Boeing pour être placées. En général, il n’y a pas de raison valable d’enlever la porte bouchon pour équiper l’avion.
Mais Dominic Gates, du Seattle Times, vient de publier un scoop qui révèle que les ouvriers de Boeing avaient enlevé la porte bouchon mais ne l’avaient pas réinstallé correctement. Le travail n’a pas non plus été inspecté.
Voici l’essentiel de son rapport :
Le panneau de fuselage qui s’est détaché d’un avion d’Alaska Airlines au début du mois a été retiré pour être réparé, puis réinstallé de manière incorrecte par les mécaniciens de Boeing sur la chaîne d’assemblage final de Renton, a déclaré au Seattle Times une personne au courant des détails du travail.
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La semaine dernière, un lanceur d’alerte anonyme – qui semble avoir accès aux dossiers de fabrication de Boeing concernant le travail d’assemblage de l’avion d’Alaska Airlines qui a souffert de l’éclatement – a fourni, sur un site web consacré à l’aviation, de nombreux détails supplémentaires sur la manière dont la porte bouchon a été retirée puis mal installée.
“La raison pour laquelle la porte a explosé est indiquée noir sur blanc dans les dossiers de Boeing“, écrit le lanceur d’alerte. “Elle est également très, très stupide et en dit long sur la culture de la qualité dans certaines parties de l’entreprise“.
Le lanceur d’alerte, qui se décrit comme un initié de Boeing, a déclaré que les dossiers de la société montrent que quatre boulons qui empêchent la porte bouchon de glisser vers le haut, hors des tampons de butée du cadre de la porte, qui supportent les charges de pressurisation en vol, “n’ont pas été installés lorsque Boeing a livré l’avion“, a déclaré le lanceur d’alerte. “Nos propres dossiers en témoignent“.
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Le rapport décrit ensuite des lacunes choquantes dans le processus de contrôle de la qualité de Boeing à Renton.
Le travail des mécaniciens sur la porte bouchon aurait dû être formellement inspecté et signé par un inspecteur de qualité de Boeing.
Cela n’a pas été le cas, écrit le lanceur d’alerte, en raison d’une défaillance du processus et de l’utilisation de deux systèmes distincts pour enregistrer le travail accompli.
Le système de production du 737 de Boeing est décrit comme étant “un désastre en attente de se produire“.
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Le Seattle Times a offert à Boeing la possibilité de contester les détails de cet article. Invoquant l’enquête en cours, Boeing s’est refusé à tout commentaire. Il en va de même pour Spirit, la FAA, le syndicat des machinistes et le NTSB.
Demain, la chaîne de production de Boeing à Renton, dans l’État de Washington, interrompra sa production pendant une journée pour permettre à chacun de recevoir un briefing sur la qualité :
Pendant cette période, les employés participeront à des ateliers sur la qualité et “feront une pause, évalueront ce que nous faisons, comment nous le faisons et formuleront des recommandations d’amélioration“, a déclaré Stan Deal, président de Boeing Commercial Airplanes.
Le premier arrêt de production aura lieu dans l’usine de Renton, dans l’État de Washington, où le 737 est construit. Tous les autres sites de production et de fabrication de Boeing Commercial Airplanes seront mis en veilleuse au cours des prochaines semaines, a indiqué Boeing.
Les deux crashs du 737 MAX, l’arrêt de la production du 737 pendant 20 mois et les problèmes de qualité persistants sur plusieurs lignes de production de Boeing (737, 767, 787) sont la conséquence directe des décisions de la direction de privilégier les revenus des actionnaires et des PDG au détriment de la qualité, de la sécurité et de l’innovation technique :
Trouver de l’argent pour racheter des actions conduit inévitablement à réduire les coûts. Le plus souvent, la première mesure consiste à licencier le plus grand nombre de travailleurs possible. Mais d’autres stratégies plus subtiles consistent à réduire la maintenance préventive et les contrôles environnementaux, à sous-traiter le travail à des entreprises moins bien rémunérées, à lésiner sur les protections en matière de santé et de sécurité et à sous-financer le contrôle de la qualité. L’objectif est de devenir mince, en allant jusqu’au bout de la réduction des coûts sans mettre en péril le produit. Ou, du moins, sans lui nuire outre mesure.
On pourrait penser que Boeing ne ferait aucun compromis sur la sécurité, étant donné qu’une petite erreur de production ou un problème logiciel pourrait faire s’écraser un avion valant des centaines de millions de dollars et tuer des centaines de personnes d’un seul coup. Mais vous vous trompez.
Boeing est un leader mondial en matière de rachat d’actions. Entre 1998 et 2018, le constructeur d’avions a également effectué des rachats d’actions pour un montant total de 61 milliards de dollars, soit 81,8 % de ses bénéfices. Si l’on ajoute les dividendes, les actionnaires de Boeing ont reçu 121 % de ses bénéfices. (Données compilées par William Lazonick et The Academic-Industry Research Network, à partir des documents SEC 10-K de Boeing).
Une entreprise qui reverse systématiquement 120 % de ses bénéfices à ses actionnaires ne peut pas être une entreprise qui maintient ses normes et qui innove.
Aux États-Unis, des avantages fiscaux incitent à racheter des actions pour augmenter le revenu des actionnaires plutôt que de verser des dividendes.
Il appartient au Congrès de changer cela.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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