29 août 2023

Hitler sans bunker

La dernière intervention de communication de Zelenski (interview télévisée) soulève nombre de questions et alimente nombre d’hypothèses. Pour beaucoup (dans tous les cas dans nos sources), il s’agit de la reconnaissance de l’échec de ce que certains nomment “Project Ukraine”, soit l’impossibilité d’envisager de vaincre la Russie. Si c’est le cas, reste alors à voir comment Zelenski va conduire sa retraite qui est une défaite. On voit déjà se dessiner, d’une part la poursuite des fantasmagories, d’autre part la “gestion” de la défaite.

Il est bien difficile de rendre compte d’une interview du président ukrainien Mister Z, surtout lorsque cette interview, donnée (en ukrainien) à la chaîne parlementaire ukrainienne et notamment présentée (en anglais) notamment par un quotidien de Kiev ‘KyivPost’, est adressée à la fois à la population ukrainienne, à l’ami américaniste-occidentaliste et à l’ennemi-détesté russo-poutinien. Il y a un grand travail de déchiffrement, de décodage, – de “blanchiment” comme on fait pour l’argent douteux, –  à réaliser, en plusieurs étapes, avant d’oser prétendre que la chose est importante et qu’elle signifie ceci ou cela.

Dans son premier commentaire général, Andrei Korybko estime qu’il y a directement deux informations importantes avec des conséquences. Il y a l’idée de la recherche d’un cessez-le-feu et l’idée de la recherche de garanties de sécurité (de l’OTAN, what else ?), notamment sous la forme, – ‘nouvelle’ assez inattendue qui reste à être examinée de plus près, – de la production par l’Ukraine de système d’armes occidentalistes ...

« ...Une sorte de cessez-le-feu semble donc inévitable. Le problème, cependant, est que le gel du conflit entraînera une atteinte considérable à la réputation des dirigeants américains et ukrainiens. Ni l’un ni l’autre ne se sent suffisamment à l’aise pour que son peuple blâme entièrement l’autre pour cette débâcle, c’est pourquoi ils restent réticents à faire le premier pas dans ce qui pourrait alors devenir un processus rapide. C’est pour cette raison qu’ils continuent de se blâmer mutuellement et continueront probablement de le faire au moins au cours des prochains mois.

» ... [M]ais [...] la dernière affirmation de Zelenski selon laquelle l'Ukraine produirait des systèmes d'armes de l'OTAN signifie que [la réputation de Poutine] pourrait également être ternie s'il acceptait un cessez-le-feu. Après tout, l’opération spéciale a été lancée en partie pour démilitariser l’Ukraine et spécifiquement pour éliminer la menace que l’expansion clandestine de l’OTAN dans ce pays faisait peser sur les intérêts objectifs de sécurité nationale de la Russie. »

Ces deux observations précises sont évidemment et radicalement obscurcies par les innombrables variables de narrative, du simulacres, d’évolution funambulesque dont Mister Z est coutumier depuis le début du conflit. Par exemple, une phrase comme celle qu’on cite plus bas, de Korybko également, mesure l’étendue du travail de décryptage nécessaire (“blanchiment” de simulacre), sans aucune garantie d’en savoir quoi que ce soit d’assuré.

La phrase, du type “cela pourrait être vraie mais la vérité elle-même pourrait être fausse si Z dit la vérité en bluffant” concerne l’affirmation de Mister Z à propos de la production en Ukraine de système d’armes venus des confins amicaux de l’Ouest ; et elle pourrait signaler que le comédien-président ukrainien aurait inventé, tel un maître du genre, une nouvelle catégorie de l’art oratoire qu’on nommerait alors, telle une sorte de “théorème de Pythagore” de la modernité-tardive, avec un nom patronymique bien plus considérable, – “la vérité-bluffée de Zelenski-bouffe“ :

« Il se pourrait également que Zelenski bluffe et aurait pu mentir à ce sujet simplement pour donner une mauvaise image de son homologue russe en cas de cessez-le-feu, même si personne ne peut vraiment le dire avec certitude. »

Alors, Korybko, malgré son souci de la précision et sa constante volonté d’en appeler à la raison, se décide à conclure sur ce qu’il retient de cette interview, en extrapolant tout de même, en synthétisant le propos au-delà des affirmations volatiles et insaisissables de Zelenski. Pour lui, Korybko, apparaissent alors nettement quelques points précis marquant une évolution importante de la situation, – tout cela précédé de l’expression restrictive (“quoi qu’il en soit”) que tout commentateur sérieux ne cesse d’employer lorsqu’il s’agit des dires de Mister Z :

« Quoi qu’il en soit, la dernière interview télévisée du dirigeant ukrainien a fait ressortir que la dynamique du conflit a radicalement changé. Zelenski prépare clairement son peuple à un cessez-le-feu, mais il parle également des garanties de sécurité de l’OTAN et de la prétendue production de systèmes d’armes par son pays, deux choses qui vont irriter la Russie. La pression exercée par [l’évolution de la situation politique aux Etats-Unis] montre que les divergences [entre les USA et lui] sur une multitude de questions se creusent après l’échec de la contre-offensive. »

Effectivement, malgré les jeux de simulacres à multiples bandes entre lesquelles nous devons tenter de progresser, il commence à se faire voir que la situation US est en train d’évoluer... Qu’il s’agisse de l’ouragan déclenché par Vivek Rawaswamy chez les républicains contre l’engagement en Ukraine et contre l’aide que l’administration Biden fait déverser sur ce pays ; que ce soit le ‘Speaker’ (républicain) de la Chambre Kevin McCarthy affirmant nettement que la mise en accusation de Biden (sans doute en septembre), donc la route vers un procès en destitution du président, est désormais inévitable :

« “Si l'on considère toutes les informations que nous avons pu rassembler jusqu'à présent, il est devenu inévitable de passer à une enquête de destitution”, a déclaré McCarthy dimanche lors d'une interview sur Fox News. “Et pour que vos téléspectateurs comprennent bien ce que cela signifie, cela donne au Congrès la force suprême du pouvoir légal pour obtenir toutes les informations dont il a besoin”. »

A chacun son “Crépuscule des dieux”

De leur côté, les deux compères Christoforou-Mercouris consacrent tout un segment à l’intervention de Mister Z, avec leur gaieté coutumière lorsqu’il s’agit des incroyables aventures oratoires du président ukrainien. Du coup, ils se trouvent moins contraints par les impératifs de la logique et donnent libre court à leur faculté d’interprétation, en élargissant le sujet. Le titre du segment dit tout, dans le style concis qui convient :

« Dans son interview, Zelenski prépare la narrative du coup de poignard dans le dos... »

Après divers échanges sur tel et tel sujets dont Mister Z nous entretint lors de son interview, les Christoforou-Mercouris en arrivent à donner une appréciation générale de l’interview. Pour eux, il s’agit d’une sorte d’appel à la mobilisation générale des esprits autant que des armes et des pseudo-soldats pour une “Longue Guerre” que l’Ukraine doit mener, seule s’il le faut, et en dépit de tous les jugements sur l’impossible que constitue la perspective publicitaire d’une victoire sur la Russie. Mercouris, qui n’a décidément peur de rien, fait une analogie avec l’Allemagne “dans les derniers mois de la guerre, à partir de novembre-décembre 1944“... Son ton devient plus grave :

« ... Tout cela me rappelle de plus en plus ce que se disaient et faisaient les dirigeants en Allemagne dans les derniers mois de la guerre, à partir de novembre-décembre 1944, qui était d’exhorter à continuer à se battre, de continuer le combat, de mobiliser les plus âgés et les adolescents par centaines de milliers... d’augmenter la production, ce qui fut fait, en attendant les armes-miracles qui allaient arriver...

» Et en fait, qu’est-ce qu’ils voulaient faire, parce que les gens qu’on exhortait ainsi savaient parfaitement où en était l’Allemagne, en train d’être écrasée, et que tôt ou tard tout s’effondrerait... Alors, ce qu’ils voulaient faire, c’était maintenir l’état d’esprit, la volonté de se battre, avec une sorte d’espoir qu’à un moment ou l’autre, quelque part, l’Allemagne se rétablirait... Et c’est exactement ce que fait Zelenski, il veut redonner un peu d’espoir aux gens, il parle d’une ‘Longue Guerre”, de l’Ukraine devenant une sorte d’Israël, vivre désormais en état de guerre permanente... »

Là-dessus, Mercouris s’interroge : Zelenski a-t-il un plan à long terme ? Les dirigeants allemands en avaient un : ils espéraient qu’au dernier moment, la mésentente s’installerait entre les alliés et qu’ils pourraient se retrouver en alliés d’un côté ; on connaît les hypothèses d’un retournement d’alliance, avec la grande idée de Patton proférée avec l’entrain d’un régiment de ‘Sherman’ de sa IIIème Armée, d’intégrer les restes encore importants de l’armée allemande dans les forces alliés Ouest et de foncer sur Moscou, parce que le communisme était un ennemi aussi dangereux que le nazisme... Et si cela ne se réalisait pas, les dirigeants nazis attendraient alors une sorte de “Crépuscule des dieux” dans le tonnerre et les flammes, – qu’ils eurent effectivement... Est-ce le cas de Mister Z ? Pas vraiment son genre, du Wagner postmoderne et déstructuré...

« Je crois qu’il y a chez lui une espèce d’attente assez vague qu’il se passe enfin quelque chose à Moscou, dans le régime, qui bouleverse la situation... Ou bien, alternativement, il y a le fait qu’il est en train d’entamer la narrative du coup de poignard dans le dos... »

Le « coup de poignard dans le dos » ? C’est-à-dire, les Ukrainiens continuant à se battre, laissés seuls par les couards de l’Occident-craintif, et finalement battus si c’est le cas, en pleine gloire de la bataille menée jusqu’au bout, et en pleine honte pour les “alliés”, surtout les américanistes, de les avoir abandonnés (le fameux “coup de poignard”, c’est eux). Mercouris sait bien que l’on parle ici de pure ‘fantasy’ au regard des faits...

« ... Mais il est possible qu’il y ait, malheureusement, une partie des gens en Ukraine qui croient à cela, une partie des gens à l’Ouest qui y croient aussi, et parmi ceux-ci, il y a les Britanniques dans le chef de leurs dirigeants. »

... Sur ce dernier point, parce que Mercouris juge que le Royaume-Uni est le pays le plus engagé au côté de Zelenski, et qui croit voir en son “impossible victoire” possible le moyen de rattraper quelques miettes de la gloire passée. Bref, on peut rêver.

Les vertus quasi-aphrodisiaques de la narrative

“Cela” est d’autant plus possible, cette sorte d’hypothèses impossibles et abracadabrantes et que, dès le début de cette guerre, la narrative a pris le pas sur tout le reste. Ici, il s’impose de rappeler Alastair Crooke, Britannique lui-même, fin observateur de l’immense crise en cours, qui connaît bien ses compatriotes à leur niveau actuel, les dirigeants, l’espèce d’extraordinaire médiocrité d’une sorte d’immobilisme paralysé et hystérique, pimenté de croyances absolument extraordinaires.

« Récemment, le Daily Telegraph a publié une vidéo ridicule de neuf minutes prétendant démontrer que “les narrative gagnent les guerres” et que les revers dans l’espace de combat sont accessoires : ce qui compte, c’est d’avoir un fil narrativiste unitaire articulé, à la fois verticalement et horizontalement, à travers tout le spectre – du soldat des forces spéciales sur le terrain jusqu’au sommet de la hiérarchie politique.

» L’essentiel est que “nous” (l’Occident) avons imposé notre narrative, tandis que celle de la Russie est “maladroite” – “Notre victoire est donc inévitable” . »

Il est tout à fait possible, – “au point que c’en est probable”, selon une formule qui nous est chère, – que nombre de dirigeants occidentaux suivent absolument cette croyance, et, selon Mercouris, les dirigeants britanniques plus que tous les autres, comme si la narrative, – et la narrative-Zelenski dans ce cas, – était la voie à suivre aveuglément. Ainsi survit, non, – ainsi renaît la gloire de l’empire britannique puisqu’au bout du compte triomphera la narrative.

Il nous apparaît vraiment très-très possible, “au point que...”, etc., que de telles attitudes intellectuelles, qui étaient évidemment en germe déjà bien solides lors de l’attaque de l’Irak, soient en fait les fondations essentielles de la politique suivie. Pour les Britanniques, pourquoi pas ? Il n’y a rien de plus aveugle aux pièges de l’utopie que les gens qui se disent réalistes jusqu’à refuser de penser, mais mentionnent en passant qu’ils exercent une hégémonie totale sur le monde. Cela se termine en narrative, évidemment.

Une telle perception, tandis que défilent les vidéo, les interviews, les analyses, nous expliquant que cette pseudo-contreoffensive ukrainienne plutôt ratée dissimule à peine les germes d’une véritable et superbe offensive tout court qui nous mènera de Moscou à Vladivostok. Depuis le début, depuis qu’on proclame inévitable la victoire de l’Ukraine sur la Russie, plane cette option de la ‘fantasy’ totale, absolue, définitive, qu’est l’idée de la victoire sur la Russie. Il faut penser éventuellement que nous en sommes bien là, que les Britanniques, qui en sont réduits à mobiliser leur personnel politique pakistanais tant les “de-souches” se perdent dans les abysses de la dégénérescence, décideront d’épouser absolument cette option et de proclamer enfin ‘Mission Accomplished’, – sous le regard approbateur du milliardaire Tony Blair.

En attendant et puisqu’on ne sait jamais, on appréciera, comme l’écrit notre complotiste favori ‘What Does It Means’, que la marionnette-Z ait acheté une superbe résidence au Caire. L’homme est finaud, il a noté que l’Égypte est un des nouveaux pays-BRICS.

Source

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.