Censure et shaming pour reprendre le pays en main

Visiblement, la situation se tend pour le gouvernement, de plus en plus agacé par les libertés qui subsistent en France. Alors que la contestation dure contre une réforme des retraites menée au pas de charge et avec l’évidente volonté de cliver et de blesser, Emmanuel Macron et ses sbires semblent se crisper et vouloir jouer du bâton pour réfréner les ardeurs de la société civile. C’est le cas d’Elisabeth Borne qui voudrait faire interdire un livre qui évoque sa véritable orientation sexuelle (au demeurant un parfait secret de polichinelle). C’est plus généralement le cas de l’équipe Macron qui présente un projet de loi pour faire discrètement taire les opposants politiques sur les réseaux sociaux. On le sent, le pouvoir se raidit…

“Nous sommes de retour” – “We are back”. C’est le message sobre qui accompagne la plus récente vidéo sur twitter de Tucker Carlson, le grand journaliste américain conservateur limogé voici quelques jours de Fox News car la chaîne de télévision américaine ne supportait pas le caractère imprévisible de son éditorialiste vedette (qui pourtant apportait à la chaîne la plus grosse audience du soir à l’audimat américain des chaînes d’information, avec 3,3 millions de téléspectateurs en moyenne en 2022) .

Eh bien Tucker Carlson n’a pas cherché à aller sur une chaîne concurrente. Il annonce qu’il reprendra l’émission qui l’a rendu célèbre depuis six ans, sur Twitter! Sans jamais nommer Elon Musk, le journaliste déclare que c’est la seule plateforme sur laquelle la conversation reste libre.

We’re back. pic.twitter.com/sG5t9gr60O

— Tucker Carlson (@TuckerCarlson) May 9, 2023

Tucker Carlson le martèle, dans les trois minutes de la vidéo qu’il a mise en ligne: la liberté d’expression est le bien le plus précieux. Or, ajoute-t-il, rien n’est plus tendancieux que le formatage de l’information dans l’ensemble des médias établis.

Et l’homme qui n’avait peur d’aborder aucun sujet, sur Fox News – des effets secondaires de certains vaccins contre le COVID aux risques que la théorie du genre fait courir aux enfants; des problèmes que pose le soutien américain à l’Ukraine en guerre à la catastrophe inflationniste causée par les plans de relance de Joe Biden – annonce qu’il veut contribuer à établir de nouveaux standards – très exigeants – d’information. 

Elisabeth Borne veut censurer sa biographe

Le choix de Tucker Carlson de s’installer sur Twitter révèle en fait le profond malaise dans lequel est plongé le métier de journaliste.. L’actualité française en donne un exemple flagrant.

Élisabeth Borne demande carrément le retrait de plusieurs passages de la biographie que lui consacre la journaliste Bérengère Bonte sous le titre La secrète. Le Premier ministre souhaite que soient enlevés les passages « faisant référence à sa santé et son orientation sexuelle », ainsi que « ceux faisant référence à sa vie familiale, ces informations ne pouvant s’inscrire dans le périmètre d’une légitime liberté d’information du public » (c’est nous qui soulignons).

L’éditeur se défend en soulignant qu’Elisabeth Borne avait accordé deux entretiens à Madame Bonte. Mais visiblement, le Premier ministre n’est pas prêt à courir le risque de la liberté d’investigation. Gageons que si on l’interroge, elle répondra qu’elle agit sur ce sujet comme sur d’autres, “en responsabilité”.

Madame Borne veut-elle dire qu’il est impossible pour un journaliste, aujourd’hui, de mener un travail d’investigation pour informer les Français des ambigüités ou du jeu éventuel avec la vérité de ceux qui nous gouvernent? Pour elle, visiblement, on n’a pas le droit de s’interroger sur le fait que l’homme avec lequel elle affirme partager sa vie soit – si l’on en croit Madame Bonté – pacsé avec une autre femme.

Mais comment étre crédible ensuite lorsque l’on parle de démocratie et de transparence?

Entre les lignes de la loi Barrot

Hier matin, un ministre délégué quasiment inconnu, Jean-Noël Barrot, a présenté un projet de loi particulièrement suspect, qui souligne la tentation de la censure qui domine aujourd’hui le système Macron. Officiellement, ce projet veut sécuriser Internet. On sait à quelle rouerie, d’ordinaire, ce type de promesse nous expose : lorsque l’Etat veut sécuriser, c’est qu’il veut surveiller et interdire les gêneurs.

Le gouvernement n’a pas encore publié l’intégralité d’un texte que nous avons déjà annoncé comme liberticide. Et, les informations qui ont percé jusqu’ici, confirment nos craintes. Les personnes condamnées pour incitation à la haine seront bannies des réseaux sociaux pendant une durée allant de 6 mois à un an. Comme l’avait déjà évoqué Maud Marian sur notre chaîne Youtube, ce texte devrait permettre de faire taire les opposants après qu’un délit d’opinion aura été constitué.

On devine la tentation qui se fera jour, de monter des procédures contre les dissidents les plus gênants pour pouvoir les priver de tribune en toute légalité…
Dénoncer les accapareurs

Dans la ligne officielle des délits d’opinion et des vindictes coercitives contre tout ce qui dérange, la ministre du Commerce Olivia Grégoire a judicieusement apporté sa pierre à l’édifice aujourd’hui en annonçant une campagne officielle de shaming contre les entreprises qui ne baissent pas leurs prix.

“on fera du ‘name and shame’ [mur de la honte], on citera publiquement les marques qui ne veulent pas négocier à la baisse et je ne suis pas sûre que ça [leur] fasse de la publicité” Olivia Grégoire

Je sais que pas mal de gens accusent Emmanuel Macron d’être un affreux libéral. Mais tout de même, c’est un bien curieux libéralisme que celui où le gouvernement entend fixer les prix de vente dans les magasins, et menace de clouer au pilori les marques qui n’obéiraient pas aux injonctions gouvernementales dans ce domaine. On mesure ici l’état de tension qui s’installe au sein du pouvoir, et qui menace dangereusement les libertés, à la fois individuelles et collectives.

Entre censure idéologique et restriction majeure apportée à la liberté du commerce… les temps qui s’annoncent ne sont pas roses.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/05/10/censure-

et-shaming-pour-reprendre-le-pays-en-main/