Retraites : comment la CGT et FO ont discrètement sauvé Macron

Mais comment une réforme qui a suscité tant de mécontentements a-t-elle pu passer ? Il ne suffit pas ici de réciter le manuel de la désespérance patiemment distillé par la caste, selon lequel nous serions impuissants. Il faut encore expliquer comment techniquement une mobilisation qui fut victorieuse en 1995 ne l’a plus été, ni en 2019 et 2020 contre la première version de la réforme des retraites imaginée par Macron, ni en 2023 contre la seconde version, beaucoup plus « pauvre ».

En grattant un peu, on comprend que le pouvoir n’a ménagé ni son temps ni sa peine pour nouer de discrètes alliances avec les seules organisation syndicales capables de faire plier le pouvoir : les fédérations CGT et FO de la RATP, qui ont, sans le dire et sans qu’on ne le voie, cassé le mouvement. Didier Mathis, secrétaire de la Fédération UNSA Ferroviaire, nous l’explique…

Bien évidemment, officiellement, les syndicats se sont levés contre le gouvernement, et spécialement contre Macron, CGT en tête, pour empêcher la réforme des retraites. Mais, au-delà des apparences, y a-t-il eu des petits arrangements en coulisse pour laisser l’opposition s’exprimer, mais en neutralisant les leviers d’opposition les plus puissants ?

L’histoire est encore trop fraîche pour le dire, mais des voix s’élèvent désormais pour dresser un inventaire de ce qui a été fait ou ne l’a pas été. Et, à ce petit jeu, les regards se tournent vers les sections FO et CGT de la RATP, dont certains considèrent qu’elles n’ont pas vraiment fait toutes leurs diligences pour faire plier Emmanuel Macron.
Bloquer Paris pendant 10 jours…

C’est en interviewant le secrétaire de la Fédération UNSA Ferroviaire (syndicat dit réformiste) que l’une des clés du conflit qui s’est déroulé (et balbutie encore) apparait au grand jour. Didier Mathis nous explique clairement quelle était sa stratégie pour faire plier Macron : bloquer l’Ile-de-France par une grève des transports pendant au moins une dizaine de jours. Dès le mois de janvier, il a donc préconisé une grève reconductible qui devait inclure deux week-ends consécutifs.

Malheureusement, la grève reconductible n’est intervenue que le 7 mars, c’est-à-dire bien trop tard pour infléchir le gouvernement, et Paris n’a pas été bloquée.

Son interview, réalisée ce matin par le Courrier, permet d’y voir plus clair :

Didier Mathis, de l’UNSA Ferroviaire, révèle les raisons de l’échec syndical dans la lutte contre la réforme des retraites

Selon Didier Mathis, la « passivité » de la CGT et de FO à la RATP ont empêché la mise sur pied d’une stratégie de blocage qui aurait pu dissuader Emmanuel Macron de continuer sa stratégie.

Comment Castex a circonvenu les syndicats

De fait, Jean Castex, président de la RATP, a eu le bon sens de négocier d’importantes augmentations de salaires à la RATP (toutes payées in fine par le contribuable parisien…), ce qui a permis de faire baisser la tension sociale.

«L’ensemble des salariés de la RATP va donc bénéficier d’une mesure générale, avec une augmentation nette de 1.365 euros sur une année, soit 105 euros net sur un mois» Communiqué RATP

Ce coup de pouce non négligeable a permis de rallier l’UNSA, la CGT et FO, soit les principaux syndicats de la RATP. Dès lors que cet accord était signé à la mi-janvier, on comprend que les syndicats en question ne se soient pas précipités pour appeler à la grève, encore moins pendant 10 jours.

Accessoirement, on notera que, à titre d’exemple, début janvier, la CGT de la RATP s’agitait beaucoup sur les augmentations de salaires, mais restait étrangement muette sur la réforme des retraites.

 

Il faut attendre la fin février pour que le site de la CGT RATP n’évoque clairement la réforme des retraites.

Bref, le petit coup de pouce donné par Jean Castex aux salaires en début d’année, à la RATP, s’est accompagné de quelques zakouski bienvenus pour Emmanuel Macron.

Source : https://lecourrierdesstrateges.fr/2023/04/20/retraites-comment-la-cgt-et-fo-ont-discretement-sauve-macron/