Élisabeth Borne a visiblement quelques trous de mémoire. En janvier dernier, l’hebdomadaire Marianne dévoilait que la ministre de la Transition écologique avait oublié de mentionner sa participation passée (de mai 2015 à mai 2017) à un lobby de constructeurs, l’Institut de la Gestion Déléguée (IGD), dans sa déclaration d’intérêts à la HATVP. Fâchée par les révélations de nos confrères, qui pointaient la présence concommitante à l’IGD, de “géants de la construction et des transports” (Vinci, Bouygues, Veolia...) susceptibles de répondre aux appels d’offres ministériels, Elisabeth Borne s’était vigoureusement défendue d'un quelconque conflit d’intérêts.

Capture Twitter @Elisabeth_Borne

Logiquement, l’oubli de la ministre a fini par attirer l’attention des limiers de la Haute autorité, qui passent au peigne fin les déclarations d’intérêts et de patrimoine des responsables publics. Le collège de l’autorité indépendante a donc récemment procédé à un nouvel examen minutieux du “dossier Borne”.

Le résultat de ces investigations complémentaires, dévoilé par un communiqué du mercredi 24 juin, n’est pas franchement favorable à la ministre. Si la HATVP considère que les omissions d’Elisabeth Borne ne peuvent “pas être qualifiées de substantielles au sens de (...) la loi” de 2013 sur la transparence de la vie publique — écartant la menace de poursuites pénales — sa décision enfonce un peu plus la ministre : elle révèle en effet qu’en plus de n’avoir pas signalé sa présence à l’IGD, la ministre avait oublié de mentionner son appartenance aux conseils d’administration de cinq autres organismes, dont quatre à raison de ses fonctions de PDG de la RATP. Selon nos informations, confirmées par le cabinet d’Elisabeth Borne, il s’agit de l’Atelier Parisien d’urbanisme (APUR), de la fédération d’entreprises Paris Ile-de-France Capitale Economique, de la Fondation Groupe RATP et du Comité stratégique de Fer de France.

Neuf mandats au total

Enfin, la ministre a également été membre du conseil d’administration de l’Ecole nationale des Ponts et chaussées, en tant que personnalité qualifiée, désignée par l’ex-ministre de l’Environnement Ségolène Royal — dont elle était directrice de cabinet — entre juin 2016 et mai 2017. En incluant ses participations aux conseils de surveillance de Ratp Développement et Systra, qui, elles, ont dûment été mentionnées dans sa déclaration d’intérêts, et à l’IGD, Elisabeth Borne détenait donc un total de 9 mandats d’administrateurs. Tous ont pris fin à son entrée au gouvernement, en mai 2017.

Malgré cette série de négligences, le collège de la Haute autorité a estimé que les “participations [omises dans la déclaration d’intérêts] ne sont pas de nature à caractériser un risque de conflit d’intérêts avec les fonctions de ministre de la Transition écologique et solidaire, dès lors notamment que les intérêts en cause sont passés et que Madame Borne participait à la plupart de ces organismes en raison de ses fonctions de présidente de la RATP”.

Le spectre de l'affaire Delevoye s'éloigne

Le gouvernement voit donc s’éloigner la crainte d’une nouvelle affaire Delevoye. Cependant, la délibération du collège de la HATVP ne vaut pas quitus pour Elisabeth Borne. Pour preuve, la Haute autorité lui a demandé de fournir une déclaration d’intérêts modificative, mentionnant l’intégralité des mandats manquants, ce dont la ministre a pris acte.

Cette injonction démontre qu’Elisabeth Borne faisait fausse route en affirmant, pour réponse à Marianne, que l’IGD n’avait pas à figurer dans sa déclaration d’intérêts puisqu’il s’agissait d’une fonction exercée ès qualités de PDG de la RATP. Une erreur de bonne foi ? Possible, car le guide du déclarant tenu à la disposition des responsables publics par la HATVP n’est pas, sur ce point, d’une précision redoutable. A l’époque des révélations de Marianne, Elisabeth Borne avait, de plus, mis en avant un échange de mails avec un agent de la Haute autorité lui indiquant, à rebours de la délibération du collège, que sa participation à l’IGD “n’avait pas à être mentionnée dans sa déclaration d’intérêts”.

Malgré ce hiatus qui la dédouane en partie, la ministre aurait sans doute été bien inspirée de prendre les devants en fournissant une déclaration d’intérêts corrigée et exhaustive à la HATVP, dans la foulée des révélations de Marianne. Ce qu’elle n’a pas fait, puisque le document actuellement en ligne a été déposé en juillet 2019, au moment où elle a quitté les Transports pour prendre la tête du ministère de la Transition écologique et solidaire.

Source