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04 août 2020

Loi "bioéthique" sans éthique : le naufrage moral de l’amendement sur l’interruption médicale de grossesse


Adopté lors de l’examen de la loi de bioéthique, un amendement sur l’interruption médicale de grossesse (IMG) est au cœur d'une polémique. L’IMG, ou un avortement thérapeutique, peut être réalisée jusqu’à la fin de la grossesse.

Atlantico.fr : L’amendement présenté par la gauche afin de faciliter l’avortement pour des raisons médicales ou de détresse sociale et voté d’extrême justesse lors du débat parlementaire sur la loi bioéthique ouvre-t-il une brèche vers des IVG hors délai ?

Bertrand Vergely : À propos de cette loi bioéthique sur l’avortement, il importe de faire une distinction entre les apparences et la réalité.

En apparence, le législateur qui vient de voter la PMA et la nouvelle loi sur l’avortement se présente comme un sauveteur volant au secours de la détresse des femmes lesbiennes ou célibataires qui ne peuvent pas avoir d’enfants ou des mères confrontées à un problème médical ou social dramatique. Quand la question de la PMA et de l’avortement est présentée ainsi, il est difficile d’être contre. Des femmes pleines d’amour veulent un enfant mais ne peuvent pas en avoir simplement parce qu’elles sont lesbiennes, comment le leur refuser ? Inversement, des femmes enceintes sont confrontées à une situation médicale et sociale dramatique, comment les obliger à accoucher ?

Maintenant, revenons sur terre. Derrière cette loi de bioéthique, à qui fera-t-on croire qu’il n’y a aucune arrière-pensée idéologique et politique ?

Il est évident que l’on va aller vers des lois sur l’avortement de plus en plus permissives et donc que le délai à propos de l’IVG va s’allonger. Quand on est de gauche, on veut pouvoir apparaître comme un grand libérateur du genre humain. On aime prendre la Bastille avec les révolutionnaires de 1789, créer les congés payés avec Léon Blum, abolir la peine de mort avec François Mitterrand et faire voter le mariage pour tous avec François Hollande. Avec la PMA et la nouvelle loi sur l’avortement, Emmanuel Macron est sûr de faire plaisir aux députés socialistes qui ont rejoint la REM et qui rêvaient d’une grande réforme sociétale. En ce qui nous concerne, il est sûr que le loup va rentrer dans la bergerie.
Lorsque Simone Weil a fait voter la loi sur l’avortement, il s’agissait alors d’éviter à des femmes qui avaient avorté d’aller en prison. Il ne s’agissait nullement de transformer l’avortement en un moyen contraceptif. À l’époque, le législateur pensait que s’il était scandaleux de faire payer aux femmes les effets non souhaités d’une relation sexuelle avec un homme, il fallait absolument éviter de recourir à ce drame qu’est l’avortement. Souci de prudence qui n’a pas été respecté. Sous la pression d’un féminisme radical, la femme devant pouvoir choisir d’être ère quand elle le veut, l’avortement a cessé d’être considéré comme un drame pour devenir un droit.

Aujourd’hui, nous assistons à l’apparition du troisième âge de l’avortement. Lorsque l’on décide d’autoriser cedlui-ci pour des raisons médicales et sociales, on décide certes de voler au secours de la détresse des femmes, mais on se donne aussi le droit de tuer ouvertement un enfant qui gêne. Si bien que le caractère transgressif et meurtrier de l’avortement est ouvertement banalisé.

On avance la détresse et des raisons médicales et sociales. Il n ‘empêche. Derrière le fait de porter secours, il y a un double coup politique : plaire à la gauche de la REM qui rêve d’une grande réforme sociétale tout en faisant plaisir au consommateur et à son appétit de confort.

Il faut oser regarder la réalité en face. Ce qui vient de se produire avec la loi de bioéthique est excessivement grave. Un pas a été franchi.

Jusqu’à présent, notre monde autorisait l’avortement afin de faire des enfants quand ça chante. Avec la loi qui vient d’être votée, notre monde est passé à la possibilité des enfants comme ça chante. La nuance est importante.

Lorsque Gisèle Halimi, récemment décédée, a lutté pour l’avortement, il s‘agissait de protéger les femmes face à la société, non d’en faire un bien. Lorsque Simone de Beauvoir a lutté pour l’avortement, il s’agissait de libérer les femmes face à la nature, pas d’en faire un bien. Aujourd’hui, avec la loi qui vient d’être votée, fait inédit dans l’histoire de l’humanité, l’avortement est devenu un bien.

Depuis longtemps déjà, l’avortement se pratique. Depuis longtemps déjà, le cynisme individuel pousse un ouf de soulagement quand un enfant qui gêne meurt. On avortait, mais on n’en était pas fier. Il y avait encore quelque scrupule. Et quand on faisait mine d’être fier d’avorter, on n’était pas si fier que cela. On se rendait compte que l’on jouait. En luttant pour l’avortement, on aimait provoquer. On avait conscience de provoquer.

Avec la loi bioéthique qui vient d’être votée sous les applaudissements de l’Assemblée, après la disparition du père et avant celle des notions d’homme et de femme, la loi a décidé d’organiser le cynisme en lui donnant bonne conscience et ce dans le cadre d’une logique bien précise. L’avortement était jusqu’à présent l’affaire des femmes. Désormais, il est l’affaire de loi toute puissante, de la médecine toute puissante, de la science toute puissante et de la politique toute puissante.
En quoi est-il représentatif de la vision sociétale d’Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron qui est un redoutable politique cache son jeu. Il y a des moments cependant où il se dévoile. Cela se fait à l’occasion de petites phrases très brèves. Ces dernières années, il a lâché deux phrases qui nous éclairent quant à sa vision sociétale. La première dit : « Je veux que l’on puisse vivre dans un monde où on croit ce que l’on veut ». La seconde dit : « Je veux que l’on puisse vivre dans un monde où on aime qui on veut ».

A priori, rien de répréhensible dans ces phrases. Pouvoir croire ce que l’on veut et aimer qui on veut ! Comment être contre ? Écoutons toutefois ce qu’il y a derrière ces phrases.

Quand Emmanuel entend défendre un monde de liberté, il entend par là permettre à tout d’exister, la foi comme le blasphème. Posons que, du point de vue de la liberté, tout est équivalent. On n’est plus dans la pensée. On est dans le nihilisme.

Tout n’est pas équivalent. Se moquer du monde et avoir des principes ne sont pas équivalents. Il y a des choses qui valent mieux que d’autres. Avoir des principes vaut mieux que se moquer du monde. Cette distinction nous protège. Quand, au nom de la liberté, tout devient équivalent, on n’est plus protégé. En se voulant ultra-libéral, Emmanuel Macron ne se protège pas. Il ne nous protège pas. Il ne protège pas la France.

Même chose en ce qui concerne l’amour. L’amour est certainement une affaire de liberté. C’est cependant aussi une affaire de pensée, de jugement, de valeur et de principe. On aime parce que l’on n’aime pas n’importe comment, n’importe quoi et n’importe qui. On aime parce que, quand on aime, on pense à l’enfant qui va naître au lieu de simplement penser à soi et à son confort. On pense également au monde, aux êtres humains, à la vie. Avec l’amour pensé uniquement comme liberté abstraite, Emmanuel Macron ne se protège pas. Il ne nous protège pas. Il ne protège pas la France.

On s’interroge sur la vision sociétale d’Emmanuel Macron. Qu’il s’agisse de la pensée comme de l’amour, dans les deux cas sa pensée est simpliste, non aboutie et non réfléchie. Avec sa défense de la liberté totale de penser et d’aimer, sa vision sociétale est celle d’un adolescent parlant à un monde d’adolescents et non celle d’un adulte en charge d’un monde d’adultes.

Aujourd’hui les jeunes sont majoritairement pour la PMA, la théorie du genre et l’avortement. Rien de plus normal. Cela les rassure. Croire ce que l’on veut, aimer qui on veut, avoir le couple que l’on veut en faisant des enfants comme on veut et quand on veut ! Quand on a seize ans, on adore. Quand on est un législateur et un haut responsable politique et qu’on défend ce programme, on est irresponsable.

On aimerait que le Chef de l’État dise qu’aimer consiste avoir une haute idée de l’amour et que penser consiste à avoir une haute idée de la pensée. Or, que constate-t-on ? Au lieu d’élever l’esprit de la France et des Français, il parle comme tout le monde, tout le monde parlant d’être libre d’aimer et de penser ce que l’on veut, personne ne défendant une haute idée de la vie et de la mort. Notre monde salue cela comme une victoire de la liberté. Ce n’est pas une victoire de la liberté. C’est une pure et simple capitulation devant la facilité.
Quelles conséquences cette course en avant peut-elle avoir sur la société ?

Pour comprendre l’effet que la loi bioéthique va avoir sur la société, il suffit de voir la façon dont celle-ci a été votée. Tout est dit.

Quand Simone Weil a fait voter sa loi sur l’avortement, cela ne s’est pas fait dans un parlement désert au milieu de l’été et à la suite d’amendements votés à la dernière minute. La façon dont la loi dite de bioéthique a été votée relève de la mascarade. Cette loi n’a pas été votée. Par peur d’un vrai débat, elle a été expédiée, au milieu de l’été, dans un parlement désert, en profitant d’un monde épuisé par trois mois de confinement et par la chaleur.

Manifeste dans sa forme, cette mascarade est manifeste sur le fond. La loi de bioéthique met dans le même sac la loi sur la PMA et celle sur l’avortement. En apparence, cela se fait au nom de la liberté et de l’action secourable. Cette façon de tout mettre dans le même sac n’est pas un hasard. Depuis une cinquantaine d’années, la société française est rentrée dans une logique de contrôle total de la vie de la naissance à la mort. Avec la PMA et la récente loi sur l’avortement, cette logique est en train de réaliser son but. Lorsque pour avoir un enfant deux femmes ont recours à la PMA que se passe-t-il ? En éliminant le père et derrière lui l’homme vivant et réel pour faire un enfant, la science prend la place du père et de l’homme et devient ainsi toute puissante puisque désormais c’est elle qui rend l’enfant possible. Par ailleurs, quand pour éviter la détresse d’une femme on autorise l’avortement que se passe-t-il ? En éliminant l’enfant sous prétexte de détresse médicale et sociale, non seulement elle prend la place de l’homme mais elle prend celle de la vie puisque désormais c’est elle qui décide du droit de vivre ou pas. Hier, c’était la vie qui décidait de la vie et de la mort. Désormais, c’est la science et avec elle le médicalement et le socialement correct. On connaissait le Big Brother utopique de Georges Orwell dans 1984. Aujourd’hui, avec le Big Brother médical qui s’est mis en place l’utopie totalitaire imaginée par Orwell est devenue notre réalité.

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