Un monde sans police n'existe pas, car la police est une fonction avant d'être un organe. Cette fonction de protection de l'ordre public doit donc être assurée et peut l'être par différents corps : privatisée, elle ressort de groupes sociaux comme les communautés ethniques ou les groupes religieux, de groupes économiques comme les multinationales, les entreprises, les petits seigneurs locaux - elle ne protègera que certains intérêts alors et non pas la société dans son ensemble; gardée entre les mains de l'Etat, afin d'éviter les dérives raciales, les fragmentations de la société, une police de classe, bref l'avènement du néoféodalisme, elle est seule apte à prendre en charge l'intérêt de la société, donc de chacun. Quand la ville de Minneapolis annonce démanteler sa police, elle ne fait que transférer la fonction de maintien de l'ordre. Mais vers qui ? Elle ne le sait pas encore. S'il existe des problèmes indéniables dans la police, il faut y réfléchir sans jeter le bébé avec l'eau du bain. D'autant plus que les problèmes de racisme dénoncés dans la police ne peuvent exister qu'en raison d'une société communautarisée à l'extrême, démontrant l'impossible vivre-ensemble de ces groupes hétérogènes que nos bobos en mal d'existence veulent nous vendre comme le nec plus ultra du paradis progressiste. Démanteler la police ne fera pas disparaître la criminalité, mais à qui téléphonerez-vous pour vous protéger ? A votre voisin ? Au chef de clan ? C'est le retour à la loi du plus fort, où il vous faudra faire allégeance à un maître. C'est le monde de la servitude et de la violence.
Suite aux émeutes provoquées et montées en épingle autour de l'affaire Floyd, la ville de Minneapolis annonce démanteler sa police pour cause de racisme.
Tout d'abord, il faut remettre les choses à leur place, il ne s'agit pas de démanteler la police fédérale américaine, ni la police du Comté, mais celle de la ville. Et plusieurs villes dirigées justement par des Démocrates n'ont pas attendu ces émeutes pour transférer des compétences de police à des organes sociaux. Nous sommes bien face à cette idéologie progressiste, utopie contemporaine, selon laquelle si l'on supprime le pénal, l'on supprime la criminalité. Comme si les criminels n'existent que par ce qu'il y a une police, un tribunal, une prison et des codes de procédure pénale.
Sans entrer plus dans le détail de cette utopie bobo-progressiste, le fait que la ville de Minneapolis franchisse le pas permet de poser une question : puisque la police est une fonction, celle du maintien de l'ordre public, qui va alors assumer cette fonction ? A vrai dire, la ville n'apporte pas le début d'une réponse, car si cette utopie permet de détruire le système étatique construit à travers les siècles, il ne propose pas de nouveau modèle viable. Il existe théoriquement quelques pistes.
Chaque race va avoir sa police ethnique : les Noirs vont surveiller des Noirs, les Blancs - les Blancs, ou peut-être pas les Blancs puisqu'ils détiennent le monopole officiel du racisme. En tout cas, il va falloir régler beaucoup de difficultés : déterminer la liste des races, décider quoi faire avec les métisses, comment déterminer la compétence en cas de participation simultanée de ressortissants de plusieurs races à une même infraction, etc. Et surtout, il va falloir que chacun s'inscrive en fonction de sa race et en porte le signe visible pour permettre au "bon" représentant de police d'intervenir. L'un des moyens de régler cette difficulté serait d'enfermer les gens dans des ghettos en fonction de leur race et chaque ghetto pourra alors avoir sa police. C'est une belle avancée progressiste, qui ne rappelle absolument aucun moment de l'histoire de l'humanité.
Les mêmes problèmes se posent si l'on confie les fonctions de police à des groupes religieux. Chacun doit s'inscrire, porter un signe distinctif ou être enfermé. Et que faire des agnostiques, des athées, de ceux qui font partie d'une secte ? Bref, un casse-tête. Si l'on ne s'arrête pas aux questions morales soulevées (elles ne sont plus à la mode), cette approche de la question n'est pas "efficace".
Puisque c'est le pouvoir qui assure l'ordre, transférons aux multinationales les fonctions de police - ce sont bien elles in fine qui sont au pouvoir dans nos sociétés. C'est aussi une piste, qui permettra une police de classe et présentera le grand avantage (théorique) de passer au-dessus des États. Ce qui est tout à fait dans l'air du temps. Le problème est ici technique : concrètement, il faut bien déterminer des zones de compétence, avec des gens pour veiller à l'ordre public. Et nos chères multinationales n'ont que faire des problèmes du quotidien, du voisin trop bruyant, des gamins qui jettent des cailloux dans le jardins et ont fait mal au chien, de la voiture qui dépasse la limitation de vitesse. Il y a peu de chance que ça les intéresse, à moins de monétariser le maintien de l'ordre, permettant à ceux qui en ont les moyens de se payer un service de protection privée. Mais ce n'a rien à voir avec l'ordre public.
Finalement, il ne reste que l’État pour pouvoir protéger l'ordre public. C'est-à-dire non pas des intérêts privés ou catégoriels, pas des personnes en fonction de la race ou de la religion, mais garantir un équilibre dans la société. L'imposture de la société civile à garantir l'ordre public nous a été donné récemment à l'occasion des mouvements de rue organisés à Paris autour de l'affaire Traoré.
Lorsqu'un CRS noir s'est fait insulter par les manifestants, SOS racisme refuse de condamner. Ainsi, ce n'est pas la lutte contre le racisme qui motive tant ces structures, mais son utilisation pour stigmatiser, et les Blancs, et les organes des forces de l'ordre. L'autre aspect vient de la famille de Traoré, utilisée pour monter en épingle cette affaire très douteuse : difficile de les prendre pour de grands combattants des droits civiques :
La police est un organe de la société et elle reflète aussi les problèmes de cette société. Personne ne nie qu'il existe des personnes racistes (contre les personnes de couleur et contre les Blancs), et dans la société, et dans la police. Pour régler cet aspect de la question, il n'est pas nécessaire de démanteler la police, comme nous ne pouvons démanteler la société pour régler ces problèmes. Il faut aller à la source, justement s'interroger sur les limites du "vivre-ensemble" progressiste, réinstaller l'école au cœur de processus de constitution du citoyen, afin d'empêcher la situation de totalement dégénérer. Dans le cas contraire, il ne nous reste que le droit du plus fort et l'appartenance tribale.
L'on peut également s'interroger sur la pertinence des nouvelles consignes de maintien de l'ordre qui font du recours à la violence une norme, se demander en quoi avoir transformé nos policiers en Robocop - les avoir déshumanisés - aide à maintenir le lien humain indispensable entre les forces de l'ordre et les habitants - qu'ils doivent protéger.
Beaucoup de questions doivent être soulevées, car nous sommes face à un problème général de mal-être de nos sociétés parties à la dérive sur les vagues progressistes. Et ce n'est certainement pas en apportant quelques propositions rapides, comme le demande Macron, que l'on pourra en sortir. En revanche, l'on a plutôt l'impression que justement nos élites ne veulent surtout pas se poser de questions systémiques, sinon ils devraient remettre en cause le cours destructeur de ces politiques menées depuis des dizaines d'années, qui conduisent à ces explosions sociales et à ces propositions encore plus destructives.
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