17 octobre 2019

Laideur de l’architecture et de l’urbanisme contemporains

Quatre conférences, proposés par David Orbach (architecte D.P.L.G. urbaniste), ont eu lieu à l’université populaire de Caen créée par Michel Onfray, en novembre 2011 pour la première, et en janvier, février, et mars 2012 pour les suivantes.

David Orbach y parla du problème de la laideur de l’architecture et de l’urbanisme contemporains et des solutions que l’on pouvait y apporter.

David Orbach – c’est lui qui le dit – fut un architecte contemporain convaincu, jusqu’au jour où il décida de réfléchir par lui-même, avec pour effet de comprendre – c’est encore lui qui le dit – que « l’architecture contemporaine […] est la forme construite du libéralisme financier dans lequel nous vivons aujourd’hui. » Qu’elle « n’est rien d’autre que l’architecture ultralibérale. » Que « notre paysage est ruiné par l’architecture contemporaine institutionnelle, exactement comme notre économie est ruinée par l’ultralibéralisme banquier. »

Il fallut donc que David Orbach soit capable de réfléchir par lui-même, mais aussi, et par conséquent, qu’il soit capable de remettre en question ce qu’il pensait, sa profession, et son époque. Des qualités qu’il est rare de voir réunies chez quelqu’un, mais sans lesquelles il n’aurait évidemment jamais pu construire son excellente critique de ce qui détruit et enlaidit notre cadre de vie.

Autrefois, l’architecture était l’association de la culture, de l’art, et de la technique. L’architecture contemporaine est le résultat de la suppression des parties artistique et culturelle, permettant à la partie technique de devenir un tout. L’architecture contemporaine, c’est de l’architecture technologique, technocratique, ceci expliquant pourquoi les constructions anciennes ont du charme, sont belles, ou empreintes de noblesse, alors que l’architecture contemporaine, froide, laide, et vulgaire, semble avoir été conçue par des machines. On peut même parler d’architecture humaine d’un côté, et inhumaine de l’autre.

Pourquoi l’architecture contemporaine est-elle la négation de l’architecture culturelle ? Parce que cette dernière est reliée au passé, et donc à l’Histoire, à l’identité, que l’on veut ringardiser, effacer, afin de laisser le champ libre au mondialisme financier.

Pour beaucoup, en écoutant les conférences de David Orbach, ce sera la première fois qu’ils entendront formuler si clairement une critique sur cette escroquerie intellectuelle et cette pollution qu’est l’architecture moderne et contemporaine.

En l’écoutant, on sent qu’il est idéologiquement plutôt de gauche, ceci rendant quelque peu surprenant et intéressant de l’entendre défendre comme il le fait le beau en architecture, le pittoresque, les vrais matériaux, l’artisanat, la culture, l’héritage, la tradition, l’architecture française, le fait que toute nouveauté véritable s’appuie sur le passé, l’architecture vernaculaire, propre à une région, à un pays, racontant une histoire commune, l’art véritable, la lente sédimentation au fil des siècles du travail des artistes et des architectes. Ceci rendant encore plus surprenant de l’entendre déplorer la ruine des paysages par l’architecture contemporaine, dénoncer la religion du progrès, le cosmopolitisme, notre époque dépravée, la négation du réel, le mondialisme financier qui pour détruire les nations invente des formules comme « citoyens du monde », « village planétaire », la technologie comme arme de guerre contre les cultures, puisqu’elle cherche à les remplacer, la destruction de tout ce qui faisait et caractérisait l’architecture depuis des siècles, les façades culturellement inidentifiables.

Il faut noter qu’une bonne partie de sa critique générale s’appuie sur celle qu’il fait de Le Corbusier. Certaines personnes ne sachant que peu de choses de ce dernier seront effarées de découvrir l’étendu de son potentiel de destruction et de nuisance, notamment en apprenant qu’il nourrissait le projet de raser une bonne partie de Paris pour construire d’immenses blocs de béton et de verre.

Il y a quelques années, notamment pendant les années 90, des gens ressemblant à ce qu’il était avant sa prise de conscience sur l’architecture contemporaine, traitaient de tous les noms, et en particulier de fascistes, ceux qui disaient le dixième de ce qu’il dit pendant ses conférences. On tombe de plus en plus, de nos jours, sur des personnes comme lui, tenant de pareils propos.

En beaucoup moins perspicace, c’est ainsi que les défenseurs béats de la mondialisation d’hier – les fameux « citoyens du monde » – sont devenus les "indiniais" des ravages de cette même mondialisation. Sont-ils en train de lentement, très lentement comprendre qu’en ayant cru lutter contre le fascisme, tel qu’ils le définissent, ils ont en réalité défendu et servi une nouvelle forme de totalitarisme ?... Non, il est peu probable qu’ils en soient là, mais il est en revanche fort probable que les historiens de demain, eux, les verront ainsi.

Comme un mafieux repenti, un ancien toxicomane, un échappé d’une secte, David Orbach nous parle de là d’où il vient : l’architecture contemporaine.

Toutefois, si sa condamnation de cette dernière est pertinente, et même exemplaire, les solutions qu’il propose, en présentant son travail d’architecte, sont loin d’être convaincantes.

Le problème, c’est qu’il cherche, de bonne foi, à renouer avec l’architecture culturelle et le beau en continuant à utiliser la manière de faire ayant provoqué la rupture avec l’architecture culturelle et le beau. Il ressemble à quelqu’un qui, après avoir porté des vêtements excentriques, déciderait d’adopter une tenue classique, tout en continuant à porter des vêtements excentriques.

Quoi qu’il en soit – c’était à prévoir –, on s’aperçoit vite, au vu de la majorité des commentaires de ceux ayant écouté ses conférences sur internet, que David Orbach ne s’est pas fait que des amis parmi les représentants et défenseurs de l’architecture stalino-financière.

Voici quelques perles parmi l’ensemble de ces commentaires :

« Il ne faut pas voir l’ultra libéralisme partout, même s’il est omniprésent. »

« On a ici toute une classe d’architectes qui vous écoute depuis 20 minutes et qui ne sait toujours pas de quoi vous parlez ! Laissez l’architecture a ceux qui savent vraiment de quoi on parle. »

« Que de mélanges! Quelles confusions! Je suis totalement associé à l’idée de critiquer l’architecture aujourd’hui, ainsi que la société dans laquelle nous vivons. Mais n’oublions pas qu’une partie des réformateurs modernes étaient socialistes. »


…On souhaite bon courage à David Orbach !

Laurent Gané

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