11 septembre 2019

« Le trafic de drogue est en train de pourrir la vie des gens dans toute la Bretagne »


« Vannes recherche activement dealer/guetteur » pouvait-on lire ces derniers jours grâce au collectif des riverains de Kermesquel qui n’en peuvent plus des trafics de drogue dans leur quartier et qui entendent bien dénoncer le trafic de drogue qui gangrène la ville du Morbihan, mais plus globalement, toute la Bretagne.

« Le trafic de drogue est en train de pourrir la vie des gens dans toute la Bretagne » nous confie en effet J., un membre de ce collectif, témoignant sous couvert d’anonymat. Peur des dealers ? « Non, même pas. C’est simplement que je ne veux pas parler au nom du collectif ou que des interprétations soient faites si je parle à tel ou tel média ». Ce dernier, ne reconnaît plus son quartier : « Je ne comprends pas qu’on mobilise autant de gendarmes sur les routes pour faire la traque aux automobilistes, et si peu pour faire tomber les trafiquants de drogue. Les gendarmes et les policiers font du bon boulot quand ils le font, quand ils ont les moyens. Tout est question de volonté politique ».
 
« Que la peur change de camp »

Amené à se déplacer souvent dans les métropoles de Bretagne et des Pays de la Loire dans un cadre professionnel, ce dernier nous dit : « Vannes est une plaque tournante niveau trafic de drogue en Bretagne ; c’est un secret de polichinelle. C’est un point de convergence entre ceux qui livrent en gros, et ceux qui font du détail ensuite. Après, en fonction des villes et des quartiers, vous avez certaines communautés qui contrôlent le trafic. Ici des Albanais, là des Tchétchènes, des Maghrébins. C’est ultra communautaire, clanique, ils ne se font vraiment confiance qu’entre individus de la même communauté ». Il nous dit constater tous les jours l’expansion du trafic « Nantes et Vannes c’est bien connu, mais Brest, Quimper, Saint-Brieuc, Saint-Malo, toute la région est touchée, même dans certains villages. Et pourtant, à chaque fois, ceux qui se livrent au trafic sont identifiés. On les voit, la population les voit, la police ou la gendarmerie aussi, tous les jours, dans les mêmes lieux de deal, mais aussi dans les mêmes bar, PMU ou tabac, à attendre, à trafiquer… »

Et ce dernier de raconter les menaces, les intimidations, le sentiment d’impunité qu’ont les dealers et leurs hommes de main, dans le quartier. « Les plus jeunes savent qu’ils ne risquent pas grand-chose venant des autorités. Ils ont plus peur de leurs chefs de réseau que des forces de l’ordre, parce que justement les réseaux emploient des méthodes qui font peur, qui terrorisent ». Dans le bois de Kermesquel en tout cas, les autorités ne font rien. Les policiers surveillent, attendent de pêcher le gros poisson sans doute, et en attendant, laissent filer en partie, au grand dam des habitants, qui ne peuvent pas bénéficier du droit élémentaire à vivre en sécurité.

Mais que faire face à ce trafic organisé qui ne concerne pas que Vannes ? Pour J., il est évident « qu’il faut faire changer la peur de camp. Si les gamins qui tombent là-dedans commencent à avoir plus peur de la police que des dealers, là on pourra peut-être changer les choses. Si la justice enfermait à vie les gros dealers, sans possibilité de remise de peine, là aussi, on pourrait peut-être entrevoir de la lumière. Mais nos dirigeants ne font que des annonces et de la communication, pas de concret ».

Et ce dernier de fustiger la politique sociale mise en place dans les quartiers. « C’est de la poudre aux yeux. Les gamins ici sont presque privilégiés par rapport à ce qu’on a connu nous, étant gamin, et encore plus par rapport à ceux qui sont à la campagne. Bibliothèques, terrains de foot tout neuf, centre sociaux, vous avez vu le quartier ? Ce n’est pas un bidonville… » Il est vrai que les différents « plan banlieues » qui ont obligé le contribuable à financer, avec des milliards d’euros, les loisirs et la vie sociale des habitants des grandes banlieues françaises, n’ont rien réglé, ni au problème de la drogue, ni à celui, plus global, de la délinquance.

Il suffit d’ailleurs de se rendre à Nantes pour constater tous les jours des conséquences de la politique « sociale » menée depuis plusieurs décennies par la municipalité, tandis que la délinquance et le trafic de drogue n’ont jamais été aussi importants dans la capitale historique de la Bretagne.

La drogue, fléau social et enjeu de santé publique

Si certaines méthodes radicales sont utilisées dans le monde contre la drogue et les dealers (on pense à la méthode Duterte, mais aussi à celles utilisées au Brésil ou en Colombie), elles ont le don de faire hurler quelques bonnes consciences qui n’ont sans doute jamais connu les méthodes utilisées par les dealers et les trafiquants, ni les conséquences de la consommation de drogues dures.

Les ravages de la drogue sont tels aujourd’hui que la question de savoir si il faut « terroriser les réseaux de trafiquants de drogue » peut pourtant légitimement se poser. En France, on recense 900.000 consommateurs quotidiens de cannabis, 5 millions d’usagers dans l’année, mais aussi 2,1 millions de consommateurs de cocaïne (600.000 dans l’année), 1,9 million de consommateurs de MDMA (400.000 dans l’année) ou encore 500 000 consommateurs réguliers ou ponctuels d’héroïne. Les chiffres font froid dans le dos.

Par ailleurs, en 2010, le trafic de cannabis avait généré en France 1,1 milliard de chiffre d’affaires, selon un rapport publié en novembre 2016 par l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ). 285 tonnes de cannabis avaient été consommées cette année-là. Une véritable économie parallèle donc, avec des conséquences en matière de santé publique (et donc aussi de coûts de santé, puisque les toxicomanes sont soignés gratuitement pour leurs addictions déclenchées par les trafiquants), mais aussi en matière de sécurité publique (combien de meurtres, de règlements de compte, de séquestrations, de violences liées de près ou de loin au trafic de drogue et à l’usage de stupéfiants ?).

Les statistiques récemment publiées par le ministère de la Justice indiquent qu’en 2017, les parquets ont traité les affaires de plus de 167 000 auteurs d’infractions liées au trafic de drogue. Ces crimes et délits représentent aujourd’hui plus de 20 % des condamnations pénales. À ce jour, les infractions en lien avec la drogue représentent près d’une condamnation sur cinq pour crimes et délits. « Sur les 35 000 condamnations pour trafic de stupéfiants, le quantum moyen des peines est d’un peu plus d’un an de prison ferme tandis que 20 % des auteurs de trafic sont en récidive » peut-on lire ici. La majorité des condamnés n’effectuent donc pas de peine de prison réelle (puisque les condamnations inférieures à un an n’aboutissent que rarement à une incarcération), des peines qui ne sont pas dissuasives eu égard au taux important de récidive.

De quoi envisager d’autres méthodes pour lutter contre le trafic de drogue ? Les aspirations (et le droit fondamental et constitutionnel) des citoyens à vivre en paix et sans la menace des gangs ou de la dépendance aux drogues méritent sans doute en effet des réponses un peu plus brutales qu’un rappel à la loi, qu’un bracelet électronique, ou qu’un court séjour dans des prisons surpeuplées, véritables centres d’apprentissage de la délinquance…

YV

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