24 juin 2019

L'élection de 2022 signera-t-elle la mort des partis politiques ?


Si d'ici 2022 rien n'a bougé en politique, l'élection présidentielle verra sans doute un vote bipolarisé, symbole d'une France fracturée, riches contre pauvres.

Traversons le temps pour atterrir au printemps de l'année 2022 et imaginons qu'aucun événement majeur n'ait modifié la donne politique. Diverses candidatures émanant des anciennes mouvances LR, PS et dépendances se neutraliseront dans un tohu-bohu de cour d'école à l'heure de la récré. On aura droit à la surprise d'usage, un candidat moins rassis que la concurrence et “bon à la télé” qui sortira du lot et passera la barre des 10 %. Lecanuet, Bayrou, Mélenchon ont tenu jadis ce rôle accessoire. Quel que soit l'acteur, il n'empêchera pas Marine Le Pen d'accéder au second tour, et sans doute d'arriver en tête au premier. La média sphère décrira le chaudron de Satan où nous nous consumerions si par malheur la blonde walkyrie et ses chemises brunes réussissaient le sac de l'Élysée. On ressortira des greniers de la démonologie les fantômes empoussiérés du Führer et du Duce. Les importants feront semblant d'avoir peur, les gens de peu rigoleront sous cape.

Faute de mieux le marais électoral enverra Macron terrasser “l'hydre fasciste” au second tour


Faute de mieux le marais électoral enverra Macron terrasser “l'hydre fasciste” au second tour. “Moi ou le chaos”, déclamera-t-il la main sur le cœur. Il sera réélu avec 55 % des suffrages. Ou moins, ça dépendra de l'ambiance dans les cités. Alors les politologues, en examinant la géographie et la sociologie des votes, découvriront une fracture claire et nette : un vote des riches pour Macron, des pauvres pour Marine Le Pen. Cette bipolarisation, déjà en latence aux élections européennes, érigera dans le corps social de la France une véritable frontière.

Deux blocs face à face : ceux qui font leur pelote dans l'économie du “nouveau monde”, et les déshérités avec peu de fric, peu de diplômes, une vie sans ensoleillement dans une banlieue, une ville moyenne, une zone rurale. Braise jamais éteinte au pays de Robespierre, la lutte des classes radicalisera les discours et les humeurs de part et d'autre de la ligne de démarcation. Les uns raconteront de belles histoires de projets innovants dans la fièvre de la « destruction créatrice », formule de Schumpeter en vogue dans le sérail. Les autres entretiendront une rancœur qui vise pêle-mêle le patron, l'immigré, le planqué dans la fonction publique, le chroniqueur à la mode, le bénéficiaire d'une prestation sociale. Classe contre classe, disaient les communistes des hautes époques. Nous y revoilà. Menu fretin contre gros bonnets. Bobos contre prolos - et Macron aura du mal à tenir le rôle d'arbitre car il sera, par décret des urnes, le porte-voix d'un camp. Disposera-t-il d'une majorité stable ou devra-t-il concocter des alliances à géométrie variable au cas par cas, hypothèse probable s'il nous inflige la proportionnelle ? À la limite, cela importera peu car les matches entre friqués et fauchés se terminent rarement dans les enceintes parlementaires quand les protagonistes durcissent le ton. C'est dans la rue que le différend risque de se vider -et les Black Blocs nous ont prouvé au long de l'hiver dernier que des minorités à bout de nerfs suffisent à mettre un pays en état d'incandescence.

La Macronie a tort de miser sa pérennité sur la déshérence des familles politiques

Jusqu'alors, depuis la fin de l'ère gaulliste, les partis en lice lors des scrutins majeurs présentaient un profil sociologique diversifié -au moins une frange des classes populaires, des bourgeois petits et moyens, des privilégiés, des déclassés, des juniors, des seniors. On trouvait plus d'enseignants au PS qu'au RPR, plus d'agriculteurs, de professions libérales, de commerçants et d'artisans à droite qu'à gauche. Mais dans chaque parti en mesure d'accéder au pouvoir, toutes les strates de la société étaient peu ou prou représentées.

Rien de plus dangereux pour la concorde civile, voire pour la démocratie, que ce choc frontal dont la France est menacée. La Macronie s'abuse en se percevant comme le recours d'un juste milieu contre des pulsions extrémistes. Elle a tort de miser sa pérennité sur la déshérence des familles politiques ancrées dans notre histoire. Certes, elles payent l'ardoise de leurs incuries, autant que l'évolution des gouvernances observable un peu partout en Europe. On n'a pas très envie de les plaindre. Mieux vaudrait cependant, y compris pour Macron, que d'ici trois ans d'autres fenêtres s'ouvrent sur l'avenir.

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