La décision stratégique du président Trump de retirer les troupes étatsuniennes de Syrie a des répercussions importantes. Le borg [État profond] américain et international est furieux qu’il ait mis fin à une occupation illégale en vertu du droit international aussi bien que du droit interne américain. “C’est anti-américain !”
Le ministre de la Défense James “Mad Dog” Mattis a démissionné de son poste, qu’il quittera le 28 février. Il n’était pas d’accord avec la décision du président. C’est la deuxième fois en cinq ans qu’un commandant en chef élu [le président des États Unis, NdT] est en sérieux conflit avec la tendance belliqueuse de Mattis. Le président Obama l’avait congédié en tant que chef du commandement central (CentCom) car il préconisait une politique plus agressive à l’égard de l’Iran. Mattis est aussi extrêmement belliciste envers la Russie et la Chine.
Le président Trump a fait campagne pour réduire l’implication des États-Unis dans les guerres à l’étranger. Il veut être réélu. Il n’a pas besoin d’un secrétaire à la Défense qui l’implique dans d’autres guerres qui ont peu ou pas de but défini.
Mattis est un impérialiste dans l’âme. Il réclame toujours plus d’argent pour se mêler des affaires des autres pays. Un des actes discrets de Mattis en tant que Secrétaire à la défense fut un changement, non médiatisé, de la mission du Pentagone :
Depuis au moins deux décennies, le Département de la Défense a explicitement défini sa mission sur son site Internet comme étant de fournir ” les forces militaires nécessaires pour protéger la sécurité de notre pays et empêcher qu’on l’attaque “. Mais, cette année, il a discrètement changé cette déclaration, qui suggère maintenant une approche plus inquiétante de la sécurité nationale.
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Le site officiel du Pentagone définit maintenant ainsi sa mission : “La mission du Département de la Défense est de fournir une force interarmées létale pour défendre la sécurité de notre pays et soutenir l’influence américaine à l’étranger.”
Le Pentagone ne cherche plus à “empêcher qu’on l’attaque” mais à fournir une “force létale” pour “soutenir l’influence américaine à l’étranger”. Il n’y a pas eu de débat public, ni de débat au Congrès, sur ce changement. Je doute que le Président Trump l’ait accepté. Trump va maintenant essayer de recruter un secrétaire de la défense qui soit plus en phase avec sa propre position.
La Maison-Blanche a également annoncé que 7.000 des 14.000 soldats américains présents en Afghanistan se retireront au cours des prochains mois. La guerre en Afghanistan est perdue, les talibans gouvernent plus de la moitié du pays et les forces gouvernementales, soutenues par les États-Unis, perdent plus d’hommes qu’elles ne peuvent en recruter. C’est Mattis qui avait exhorté Trump à augmenter les effectifs militaires en Afghanistan de 10.000 à 14.000 hommes au début de son mandat. Il y a aussi 8.000 soldats de l’OTAN et alliés en Afghanistan, qui suivront probablement un retrait proportionnel.
Associated Press offre une nouvelle vision du retour de pendule que représente la décision de Trump de se retirer de Syrie :
Trump a stupéfié son Cabinet, les législateurs et une grande partie du monde en rejetant les conseils de ses principaux assistants et en se mettant d’accord pour un retrait lors d’un appel téléphonique avec le président turc Recep Tayyip Erdogan, la semaine dernière, ont déclaré deux fonctionnaires informés.
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“La discussion a été très ferme “, a déclaré l’un d’eux, expliquant qu’il avait été conseillé à Trump de s’opposer clairement à une incursion turque dans le nord de la Syrie et d’exprimer le souhait que les États-Unis et la Turquie travaillent ensemble pour répondre aux préoccupations sécuritaires. “Tout le monde lui a recommandé de résister et d’essayer d’offrir (à la Turquie) une petite victoire en échange ; peut-être un territoire à la frontière, quelque chose comme ça.”
Erdogan, cependant, a rapidement mis Trump sur la défensive, lui rappelant qu’il avait déclaré à plusieurs reprises que la seule raison pour les troupes américaines d’être en Syrie était de vaincre l'État islamique et que puisque le groupe est battu à 99%, ” Pourquoi êtes vous encore ici ? ». Erdogan a aussi assuré à Trump que les Turcs pouvaient s’occuper de ce qui restait d’État Islamique.
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Bolton a dû admettre que l’argument des 1%, utilisé par Erdogan, a été soutenu par Mattis, Pompeo, l’envoyé spécial des États-Unis pour la Syrie, Jim Jeffrey, et l’envoyé spécial de la coalition anti-EI, Brett McGurk, qui ont eux aussi déclaré qu’EI n’occupait plus que 1 % de son ancien territoire, selon les fonctionnaires.
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Bolton a toutefois souligné que toute l’équipe de sécurité nationale était d’accord pour dire que la victoire sur EI devait être durable, ce qui signifie plus que récupérer les territoires occupés par celui-ci.
Trump n’a pas été convaincu et, selon les fonctionnaires, le président a rapidement capitulé en promettant de se retirer, choquant Bolton et Erdogan.
Trump n’a pas “capitulé”. Il a toujours voulu retirer les troupes américaines de Syrie. Il l’a dit de nombreuses fois. Lorsqu’on lui a finalement donné l’occasion de le faire, il a saisi l’occasion. Mais Erdogan n’était pas prêt pour ça :
Pris au dépourvu, Erdogan a mis en garde Trump contre un retrait précipité, selon un responsable. Bien que la Turquie ait fait des incursions en Syrie dans le passé, les forces mobilisées à la frontière ne sont pas suffisantes pour intervenir et occuper les vastes étendues du nord-est de la Syrie où se trouvent les troupes américaines, a dit le fonctionnaire.
L’appel s’est terminé après que Trump a répété à Erdogan que les États-Unis se retireraient, sans offrir aucune précision sur la façon dont cela serait fait, ont ajouté les fonctionnaires.
Erdogan avait prévu de n’occuper qu’une bande de 16 km de profondeur le long de la frontière syro-turque. Quelque 15.000 ” rebelles syriens “ sous contrôle turc sont prêts pour cela. Il aurait besoin d’environ 50 à 100.000 hommes pour occuper toute la Syrie orientale au nord de l’Euphrate. Ce serait une occupation difficile à cause des Kurdes bien armés qui s’y opposeraient et d’une population arabe qui n’est pas exactement amicale envers une Turquie néo-ottomane.
Erdogan le sait très bien. Aujourd’hui, il a annoncé qu’il retarderait l’invasion prévue :
“Nous avions décidé la semaine dernière de lancer une incursion militaire… à l’est de l’Euphrate”, a-t-il déclaré dans un discours prononcé à Istanbul. “Notre appel téléphonique avec le président Trump, les contacts entre nos diplomates et les responsables de la sécurité ainsi que les déclarations des États-Unis, nous ont amenés à attendre un peu plus longtemps. Nous avons reporté notre opération militaire contre l’est de l’Euphrate jusqu’à ce que nous voyons sur le terrain le résultat de la décision de l’Amérique de se retirer de Syrie.“
Le président turc a toutefois déclaré qu’il ne s’agissait pas d’une “période d’attente illimitée”.
Toute occupation plus importante du nord-est de la Syrie créerait un sérieux problème pour la Turquie. Son armée a la capacité de le faire, mais cela lui coûterait beaucoup, en hommes et en ressources financières. La Turquie va organiser des élections locales en mars et Erdogan ne veut pas de gros titres négatifs dans la presse. Il n’envahira que si la Syrie et la Russie ne parviennent pas à contrôler les Kurdes.
Malheureusement, les dirigeants anarcho-marxistes du PKK/YPK syrien n’ont toujours pas appris la leçon. Ils font les mêmes demandes à Damas alors qu’elles ont déjà été rejetées lorsqu’elles avaient été faites pour le canton d’Afrin, avant que la Turquie ne l’envahisse et ne le détruise.
agitpapa @agitpapa 11:14 utc – 21 déc 2018
Une délégation du YPG a pris l’avion pour Mezzehyday. Les négociations n’ont pas abouti parce qu’ils ont juste répété leur demande habituelle que “la SAA protège la frontière, nous contrôlons le reste.” Aucune armée ne permet à une autre entité alliée à un ennemi de contrôler son arrière-cour et ses lignes de ravitaillement.
La direction du YPG est toujours coincée dans son attitude pro-occidentale. Elle doit être purgée avant qu’un accord puisse être conclu avec Damas. Leur direction actuelle ne mènera qu’à un autre Afrin, puis à un autre, puis à un autre, puis à un autre. Des milliers de courageux combattants de YPG/YPJ seront morts pour rien.
Elijah J. Magnier @ejmalrai – 16:31 utc – 21 déc 2018
#Breakingnews : Sources privées : le président Bachar al Assad a rejeté la proposition kurde alors que la Turquie rassemble ses forces (bouclier de l’Euphrate etc.) pour attaquer la zone contrôlée par les kurdes au nord de la Syrie. #La Russie semble retenir le président Erdogan pour le moment. Beaucoup de pression
Ce n’est pas (seulement) la Russie qui retient Erdogan. Comme nous l’avons vu plus haut, il a de sérieuses inquiétudes au sujet d’une telle opération. De plus, il n’a pas encore assez de troupes et les troupes américaines sont encore là. Aujourd’hui encore, elles patrouillaient à la frontière turque et hier, du nouveau matériel de guerre américain arrivait encore d’Irak. Erdogan n’ose pas attaquer les troupes américaines.
Il voudra très probablement éviter toute implication militaire supplémentaire en Syrie. Si Damas et Moscou parviennent à maîtriser le PKK, Ankara s’en satisfera.
Outre la présence de 4.000 à 5.000 soldats et sous-traitants américains dans le nord-est de la Syrie, il y a également un contingent de 1.100 soldats français et un nombre inconnu de soldats britanniques. Pour l’instant, la France dit qu’elle veut rester pour terminer la lutte contre l’enclave d’État islamique le long de l’Euphrate.
Mais la France n’a pas la capacité de soutenir ces forces sans l’aide des États-Unis. La Syrie et la Russie pourraient demander à Macron de placer les forces françaises sous leur commandement pour terminer la lutte contre EI, mais il est douteux que le président Macron y consente. Il est plus probable qu’il accepte d’abandonner leurs positions aux forces russes, syriennes, voire irakiennes ou iraniennes. Ces forces-là pourront alors terminer le combat.
Moon of Alabama
Traduit par Wayan, relu par jj pour le Saker Francophone
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