11 juin 2018

Affaires louches


Reprenant une métaphore conçue il y a des mois, le mélodrame du gouvernement américain ressemble de plus en plus à celui du livre Moby Dick d’Herman Melville, avec le FBI dans le rôle du vaisseau condamné Pequod, R. Mueller comme Capitaine Achab et D.J. Trump en baleine blanche. Dans le livre, bien sûr, la baleine blessée envoie finalement le navire par le fond, avec tout l’équipage (sauf un), et retourne à la liberté du grand bleu.

Pardonnez le recours aux métaphores cinématographiques, mais il y a aussi beaucoup du film classique de George Cuckor Gaslight (Hantise en français) de 1944 ici aussi – et bien sûr, je ne suis pas le premier à le remarquer. Dans ce film, le méchant Charles Boyer manipule sa femme, incarnée par Ingrid Bergman, en lui faisant croire qu’elle a perdu ses bijoux, pour dissimuler ses propres crimes. C’est ce que je ressens quand je me tourne vers le New York Times tous les matins – par exemple, l’édition d’aujourd’hui, avec l’article de première page Trump Proxies Drop by Briefings on Use of FBI Informant (Les amis de Trump tombent après des séances d’information sur l’utilisation des informateurs du FBI), dont le titre a été changé sur le lien de destination en Trump’s Lawyer and Chief of Staff Appear at Briefings on FBI’s Russia Informant (L’avocat et chef d’état-major de Trump participe à des séances d’information sur l’informateur du FBI en Russie).

Cet exercice mensonger, pour provoquer la paranoïa, cherche à détourner l’attention du public de la vraie question, à savoir si les plus hauts gradés du FBI remettront les documents aux comités du Congrès qui les ont demandés, et qui sont autorisés à le faire par la Constitution. Les avocats de Trump et le général Kelly « se sont invités » à la réunion du FBI pour rappeler aux fonctionnaires que le président, en tant que chef de la branche exécutive, a demandé aux pontes du FBI de s’y conformer. En d’autres termes, le journal de référence s’efforce de déformer la réalité des événements. C’est déjà assez honteux en soi, mais cela encourage aussi ce qui semble de plus en plus être un cas de mutinerie avec des connotations de sédition.

Après plusieurs mois, le gaslight [la manipulation] perd de son élan et laisse apparaître une image plus claire de ce qui s’est passé pendant et après les élections de 2016 : le FBI, la CIA et la Maison Blanche Obama se sont entendus pour influencer le résultat et, après avoir échoué spectaculairement, ont alors travaillé dur pour couvrir leurs méfaits par d’autres méfaits. Les véritables crimes de l’année électorale, pour lesquels il existe des preuves réelles, pointent sur les responsables américains et non pas sur des gremlins russes. Ayant essayé d’incriminer Trump à tout prix, ces personnages tragiques se démènent maintenant pour ne pas finir avec le cul en prison.

Je dis « tragique » parce qu’ils – McCabe, Comey, Rosenstein, Strzok, Page, Ohr, et autres – pensent probablement qu’ils agissaient héroïquement et patriotiquement pour sauver le pays d’un monstre, et je prédis que c’est exactement comme ça qu’ils vont se mettre à la merci du jury quand ils seront appelés à répondre de ces activités devant un tribunal. Bien sûr, ils ont entaché l’honneur institutionnel du FBI et de son ministère de tutelle, le Département de la Justice, mais il est probablement plus sain pour le public américain de maintenir une attitude extrêmement sceptique face à ce qui est devenu une opération de police secrète malveillante.

La question la plus pressante est de savoir comment tous ces faux-culs seront jugés en temps opportun. Le Congrès a le droit de destituer des dirigeants d’agences comme Rod Rosenstein et de les virer de leurs postes. Cela prendrait beaucoup de temps et de cérémonial. Il peut également les accuser d’outrage au Congrès et les emprisonner jusqu’à ce qu’ils se conforment aux demandes de documents formulées par le comité. M. Trump a le droit de virer tous ceux qui restent. Mais, finalement, tout cela doit être réglé par un tribunal fédéral, avec des renvois au ministère de la Justice qui a été un acteur principal dans cette histoire.

Le personnage le plus mystérieux de la distribution est le procureur général MIA (Missing in Action) – disparu au combat − Jeff Sessions, qui est devenu l’incroyable homme invisible. Il est difficile de voir comment sa récusation dans l’affaire russe l’empêche d’agir de quelque manière que ce soit pour faire le ménage au Département de la Justice et restaurer quelque chose comme des normes opérationnelles – par exemple se conformer à la surveillance du Congrès – d’autant plus que l’affaire de la Russie elle-même se termine en queue de poisson complètement fabriquée. L’histoire évolue très vite maintenant. Le Pequod tourbillonne dans le maelström, attendant le dernier coup fatal de la puissante baleine blanche.

James Howard Kunstler

Traduit par jj, relu par Cat pour le Saker Francophone

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