28 mai 2018

Administration Trump : provoquer un changement de régime en Iran par tous les moyens possibles


L’administration Trump a dit clairement aujourd’hui qu’elle avait l’intention de provoquer un changement de régime en Iran par tous les moyens possibles.

Dans un discours à la Heritage Foundation qui a fait grand bruit, le secrétaire d’État Pompeo a présenté douze demandes à l’Iran. Il l’a menacé des « sanctions les plus sévères de l’histoire » si ces exigences n’étaient pas satisfaites.

Mais ces demandes n’ont pas de sens. Elles ne font que démontrer l’incompétence de l’administration Trump. Les moyens que l’administration Trump a mis en place pour atteindre ses objectifs ne sont pas réalistes et, même s’ils étaient réalisables, ils seraient insuffisants pour atteindre les résultats souhaités.

Il est demandé à l’Iran de cesser tout enrichissement d’uranium. Mais l’Iran ne peut pas arrêter l’enrichissement. Ce programme est un des fleurons de la politique iranienne et il bénéficie d’un large soutien public car il est considéré comme un attribut de sa souveraineté.

Pompeo exige que l’Iran ferme son réacteur à eau lourde. L’Iran ne peut pas fermer son réacteur à eau lourde. Il n’en a pas. Celui qu’il construisait à Arak a été rendu inutilisable du fait de l’accord nucléaire (JCPOA). Du béton a été coulé dans son noyau sous la supervision des inspecteurs de l’AIEA. Comment le secrétaire d’État des États-Unis peut-il faire une demande qui ne tient aucun compte de la réalité dans un discours préparé à l’avance ?

Une autre exigence est que l’Iran cesse de soutenir la résistance palestinienne. L’Iran ne cessera jamais de soutenir la Palestine tant que l’occupation sioniste se poursuit. Il est aussi demandé à l’Iran de ne pas développer de missiles « nucléaires ». L’Iran s’est déjà engagé à le faire dans le cadre du JCPOA que Trump a fait exploser. Une autre exigence est que l’Iran retire toutes ses troupes de Syrie et mette fin à toute ingérence en Irak, au Yémen, en Afghanistan et ailleurs.

Tout cela exigerait un changement radical du caractère national et des politiques de l’Iran. Il faudrait qu’il devienne quelque chose comme le Liechtenstein.

L’administration de Trump n’a aucun moyen de l’y contraindre.

À l’issue d’un dur labeur, l’administration Obama avait réussi à amener une grande partie du monde à accepter des sanctions contre l’Iran. Cela a été possible parce que les autres pays ont cru la promesse d’Obama d’honorer l’accord à venir et de négocier sérieusement. Il a fallu beaucoup d’unité et de confiance internationales pour parvenir à l’accord nucléaire.

Aujourd’hui, Trump exige beaucoup plus, mais il n’a pas de front international uni derrière lui. Personne ne croit en sa parole. Les Européens sont furieux que Trump les menace de sanctions secondaires s’ils s’en tiennent à l’accord qu’ils ont signé, et continuent de traiter avec l’Iran. Même s’ils finissent par plier et qu’ils cessent, dans une certaine mesure, de traiter avec l’Iran, ils essaieront de contourner les sanctions unilatérales des États-Unis.

Ni la Chine, ni la Russie, ni l’Inde ne cesseront de faire des affaires avec l’Iran. En fait, les sanctions unilatérales américaines leur ouvrent de nouveaux marchés. La compagnie pétrolière française Total a annoncé qu’elle allait renoncer à son projet de développement du champ gazier iranien de South Pars afin d’éviter des sanctions américaines secondaires sur ses autres intérêts. La Chine a dit « merci » et a pris le relais. De même, la Russie sautera sur tout qu’elle peut. Son industrie agricole fournira à l’Iran tout ce dont il a besoin. Elle continuera de lui vendre des armes. La Chine, l’Inde et d’autres continueront d’acheter du pétrole iranien.

L’administration de Trump va provoquer quelques désordres économiques. Elle va également affaiblir les États-Unis et l’Europe et renforcer la Russie et la Chine. La menace de sanctions secondaires conduira à terme à la création d’une économie mondiale parallèle sécurisée. Le réseau d’échange d’informations financières SWIFT, qui achemine les paiements internationaux entre banques, peut être remplacé par des systèmes de pays à pays qui ne dépendent pas d’institutions sujettes à sanctions. Au lieu du dollar étasunien comme moyen de change universel, on peut utiliser d’autres devises ou faire du troc. L’abus ridicule des sanctions économiques et financières finira par détruire la capacité des États-Unis à s’en servir comme outil de politique étrangère.

Le discours de Pompeo va unir le peuple iranien. Les néolibéraux modérés qui entourent l’actuel président Rouhani rejoindront les tenants de la ligne dure nationaliste dans la résistance. Les exigences étasuniennes dépassent largement ce qu’un gouvernement iranien, quel qu’il soit, peut assumer. Un Iran qui prend en compte la volonté de son peuple ne les acceptera jamais.

Le seul moyen pour l’administration Trump d’atteindre ses objectifs serait un changement de régime. Il y a déjà eu une tentative de changement de régime dans l’Iran actuel. La « révolution verte » a été fortement soutenue par Obama, mais elle été aisément contrecarrée et elle a échoué. Il y a eu diverses campagnes d’assassinats en Iran, mais cela n’a pas changé sa politique. La taille et le relief de l’Iran rendent impossible une attaque militaire directe comme en Libye. L’Iran est en mesure de riposter à une attaque en frappant des intérêts américains dans le Golfe.

Les États-Unis peuvent, et vont sans doute, continuer d’attaquer les forces et les intérêts iraniens en Syrie et ailleurs. Leur armée va s’efforcer de faire obstacle à l’Iran dans le Golfe. La CIA va essayer d’envenimer les dissensions iraniennes internes. L’aggravation des sanctions portera préjudice à l’économie iranienne. Mais rien de tout cela ne pourra empêcher le sentiment national de l’Iran de se concrétiser dans sa politique étrangère, telle qu’elle est aujourd’hui.

Dans un an ou deux, l’administration Trump constatera que sa campagne de sanctions a échoué. Il y aura des pressions en faveur d’une attaque militaire directe contre l’Iran. Mais il y a déjà eu des plans pour attaquer l’Iran sous George W. Bush. À l’époque, le Pentagone avait indiqué qu’une telle guerre entraînerait de très graves pertes et échouerait probablement malgré tout. Je doute donc qu’elle ait jamais lieu.

Qu’est-ce que l’administration Trump pourra faire quand il s’avèrera que le plan A qu’elle vient de rendre public a échoué ?

Traduction : Dominique Muselet

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